Depuis quelques années, les plages situées en ville attirent beaucoup d'estivants, souvent des familles et des adolescents des quartiers voisins. L'aménagement de ces lieux de baignade a finalement été d'un grand soulagement pour nombre de familles à faibles revenus. Rym Nasri - Alger (Le Soir) - Prendre des vacances et partir en voyage à l'étranger ou dans une ville côtière en Algérie n'est pas à la portée de tous. La plage reste ainsi la destination classique durant l'été pour les habitants des villes côtières et régions voisines. Toujours est-il, ces sorties en bord de mer sont souvent très coûteuses. Entre les frais de transport, les sandwichs, les boissons fraîches, la location de parasol et autres accessoires de plage, la note monte vite. Ne pouvant supporter autant de dépenses, nombre de familles à Alger optent pour les plages de quartier les plus proches. La plage des Sablettes, à l'est de la capitale, celle d'El-Kettani, à Bab-el-Oued ou encore les nombreuses plages et criques de Hammamet (Baïnem) accueillent les familles du quartier et de ses alentours. La plupart de ces plages de «proximité» épargnent à leurs visiteurs de nombreux frais de transport et de longues attentes dans les embouteillages et leur font gagner du temps mais, revers de la médaille, sans pour autant leur offrir un confort quelconque. Aux Sablettes comme à El-Kettani, le paysage est presque identique : une vue désagréable, des odeurs nauséabondes se dégagent des coins et recoins des alentours transformés en toilettes publiques, le vacarme des véhicules circulant sur la route qui longe la plage, ... La plage El-Kettani se distingue également par le bruit des chantiers de rénovation des immeubles du boulevard Colonel-Mira mais aussi par les incessants allers-retours des camions du chantier de l'aménagement de cette plage artificielle. Ce décor repoussant n'a pourtant pas découragé nombre de familles et beaucoup d'adolescents à affluer sur ces lieux. Faute de mieux, leur choix a été porté sur ces plages de proximité. Pour la plupart, ce sont des riverains et des gens des quartiers avoisinants. Munis de petites chaises pliables, de tabourets, de serviettes de plage ou autres nappes, les mères de famille cherchent du regard une place pour s'y installer et déposer leurs gros sacs de courses pleins à craquer de boissons, de sandwichs et autres plats préparés spécialement pour cette sortie. On s'installe souvent sous des parasols tout près du rivage afin de pouvoir surveiller les petits. «J'habite au Triolet, à Bab-el-Oued. Tous les matins, je ramène mes enfants à cette plage pour qu'ils se baignent et jouent un peu. Un fois fatigués, nous rentrons à pied. D'ici, nous n'avons pas besoin de transport, ce n'est pas loin», explique Karima. Installée sous un parasol et ne quittant pas du regard ses trois enfants qui barbotent tout près dans l'eau, cette mère de famille profite également pour papoter avec sa voisine de parasol, une connaissance du quartier certainement. «Nous n'avons pas les moyens pour se payer des vacances ailleurs. Pour ne pas priver nos enfants, tous les gens du quartier viennent ici, à El-Kettani. Les enfants se baignent et s'amusent et nous, les mamans, échangeons entre nous. Nous nous connaissons presque toutes», ajoute la voisine de Karima. Très vite, la plage est occupée. Ceux qui n'ont pas pu avoir de place sur le sable des deux rives de la plage artificielle se contentent de s'installer sur les gros blocs de béton ou sur de gros rocs mis en place en guise de brise-vagues durant le mauvais temps, surtout en hiver. Ici, les maillots de bain sont paradoxalement absents. C'est le royaume des voiles, des djellabas et des débardeurs et longs shorts pour les plus «osées». Seuls les petits, filles et garçons, se permettent de se baigner en maillot de bain. Même les plages de ville n'ont pas échappé au diktat des plagistes. Dès les premières heures de la matinée, la plage de Bab-el-Oued est déjà hérissée de parasols. Les plagistes informels, pas du tout inquiétés, ne ratent aucune occasion pour imposer la location de leur matériel de plage aux estivants. Ici, les prix sont loin de choquer. Ils sont plutôt abordables, affirment plusieurs personnes rencontrées sur les lieux. «Le parasol est proposé à 300 dinars, la table à 200 dinars et la chaise à 100 dinars», dira Djazia. Pour cette maman, ces prix n'ont rien à voir avec ceux des plages à l'ouest d'Alger ou celles de l'est de la capitale. «A lui seul, le parasol dans les plages de Staoueli et de Zeralda est loué à 800 dinars», souligne-t-elle. Des plages et criques adoptées par les nouveaux Plus à l'ouest, les nombreuses plages et criques de Hammamet (Baïnem), pour la plupart enclavées, ont, depuis quelques années, changé de fréquentation. Les habitants des nouvelles cités de la commune les ont désormais adoptées. Elles sont prises d'assaut dès que les premières hausses de températures se font ressentir. Au grand dam des riverains, ces endroits qu'ils considéraient auparavant comme des lieux de baignade et de détente à l'abri des regards sont aujourd'hui sortis de leur «anonymat». Depuis l'implantation des nombreux immeubles des différents programmes de logements dans la commune, les plages et criques du quartier étouffent. «Non seulement les anciens habitants n'arrivent plus à trouver une place pour se poser sur le sable et se baigner mais, en plus, ils endurent à longueur de journée le bruit assourdissant des estivants. Même les plagistes ont envahi les lieux et mis en place leur commerce informel de location de parasols et chaises», regrette Mohamed. Selon ce quadragénaire, la situation se corse davantage durant les week-ends. «Les vendredi et samedi, il est impossible de trouver une place sur la plage du quartier. Sur la route principale qui relie Hammamet à Aïn Benian, un énorme embouteillage est souvent provoqué par les voitures des estivants garées sur les deux côtés de la voie et même sur les trottoirs», témoigne-t-il. Comme Mohamed, ils sont nombreux ces riverains à fuir leurs plages et criques de quartier à la recherche de tranquillité sur d'autres plages plus éloignées de la ville. Ces autres plages pour mecs ! Tout au long du littoral à l'ouest d'Alger, plusieurs plages sont des lieux réservés uniquement aux hommes. D'ailleurs, les jeunes de certains quartiers algérois se sont presque appropriés des plages et criques qu'ils considèrent exclusivement pour eux. A l'exemple des jeunes de La Casbah qui se baignent à la plage «La Vigie» à Raïs-Hamidou, ceux d'El-Madania à Miramar (Hammamet), et les jeunes du quartier Notre-Dame-d'Afrique, sur les hauteurs de Bab-el-Oued, qui se réservent la plage de «Malakoff», située juste en bas. «La petite plage tout près du château du quartier La Vigie a toujours été à nous les jeunes de La Casbah. Personne ne pourra nous la pendre», assure Rédouane, du quartier mythique d'Alger. Ry. N.