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PASSEPORT BIOM�TRIQUE ALG�RIEN
La s�curit� des donn�es confi�e � des �trangers Enqu�te r�alis�e par Tarek Hafid
Publié dans Le Soir d'Algérie le 30 - 05 - 2010

Contrairement aux d�clarations des plus hauts responsables du minist�re de l�Int�rieur, la r�alisation du passeport biom�trique �lectronique a bien �t� confi�e � des entreprises �trang�res. Oberthur, Keynectis et Fasver ont �t� charg�s de r�aliser ce projet hautement sensible pour la souverainet� de l�Etat alg�rien et la s�curit� des donn�es de ses citoyens. Le document de voyage, sa s�curit� et le cryptage des donn�es des citoyens sont ainsi plac�s entre les mains d�op�rateurs fran�ais.
Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - Quelle mouche a piqu� le directeur g�n�ral des libert�s publiques et des affaires juridiques du minist�re de l�Int�rieur et des Collectivit�s locales ? Le 11 mai dernier, en marge d�une rencontre organis�e � Gharda�a, Mohamed Talbi affirmait � la presse qu�aucune entreprise �trang�re n�avait remport� le march� du passeport biom�trique �lectronique (PBE). �Certains d�tracteurs, qui ne veulent pas de la modernisation de l��tat civil, ont dit que le minist�re de l�Int�rieur avait donn� le march� du passeport biom�trique � une soci�t� �trang�re. C�est faux�. Etrange sortie m�diatique de ce proche collaborateur de Noureddine Zerhouni, dit Yazid, d�sormais ex-ministre de l�Int�rieur. De par ses responsabilit�s, Mohamed Talbi est cens� savoir que ce projet de premi�re importance a �t� confi� � des entreprises �trang�res. Il est vrai que de l�ext�rieur, il est difficile de comprendre le processus mis en �uvre pour l�acquisition d�un syst�me qui devait permettre au gouvernement alg�rien de se conformer aux exigences impos�es par l�Organisation de l�aviation civile internationale (OACI) tout en dotant ses citoyens d�un titre de voyage s�curis�. Mais il est important de pr�ciser qu�en plus du minist�re de l�Int�rieur, d�autres institutions interviennent directement dans ce projet. A commencer par l�H�tel des monnaies. Cette institution, qui rel�ve de la Banque d�Alg�rie, est charg�e par l�Etat d�imprimer les passeports. Une mission dont elle s�est acquitt�e sans probl�me majeur depuis des d�cennies. Sauf que la m�thodologie appliqu�e pour la r�alisation du mod�le actuel diff�re totalement de celle du biom�trique �lectronique. Finis les titres de voyage remplis au stylo par un agent de da�ra, la technologie biom�trique impose le concept de personnalisation. Pour mener � bien cette nouvelle activit�, l�H�tel des monnaies acquiert une s�rie d��quipements pour la r�alisation des livrets du passeport biom�trique. Cette ligne de production se compose de deux imprimantes Bookmaster One (Pays-Bas) et de trois imprimantes Dilleta 600i (Allemagne), de deux Authenticateur 100 (Etats-Unis) pour la v�rification de la personnalisation des donn�es du demandeur du titre de voyage ainsi que d�une perforatrice Bookmaster IP/NP (Pays- Bas). Les deux premiers mod�les de machines ont �t� achet�s aupr�s de l�entreprise allemande Atlantic Zeiser, l�entreprise n�erlandaise IAI s��tant charg�e de fournir les deux premi�res imprimantes et la perforatrice. L�H�tel des monnaies �tant une institution tr�s �ferm�e �, il nous a �t� impossible d�avoir des d�tails sur les modalit�s de passation de ces march�s. Cependant, des questionnements subsistent � propos de ces acquisitions. La r�glementation en vigueur a-t-elle �t� respect�e ?
Oberthur rafle la mise
Mais la situation semble se compliquer lorsque l�H�tel des monnaies d�cide d�acqu�rir le e-cover : la couverture du passeport biom�trique dans laquelle est incrust�e la puce �lectronique contenant toutes les donn�es de son d�tenteur. Ses responsables optent pour Oberthur Technologies, une entreprise fran�aise sp�cialis�e dans le fiduciaire, les documents d�identit� et les solutions de paiements �lectroniques. Oberthur figure parmi les leaders mondiaux dans ce domaine. Selon certaines informations, l�entreprise fran�aise aurait livr� � l�H�tel des monnaies une grande quantit� de e-cover qui r�pondent aux sp�cifications techniques suivantes: �couverture int�grant une puce NPX avec antenne cuivre (RFID) adapt�e au syst�me d�exploitation ID One e-Pass V2�. L� aussi, le flou total entoure le mode de passation de ce march�. Pourquoi et comment Oberthur a-t-elle �t� choisie ? Pourquoi cette entreprise fran�aise s�est-elle empress�e de livrer autant de ecover ? Comment expliquer qu�elle ait �t� retenue en Alg�rie alors qu�en France, le march� du passeport biom�trique lui a �t� retir� au profit de l�Imprimerie nationale ? A premi�re vue, il semblerait qu�Oberthur soit parvenu � placer ses produits dans l�objectif de d�crocher le reste des contrats pour la r�alisation du passeport �lectronique biom�trique et, plus tard, la carte nationale d�identit� �lectronique biom�trique. Une strat�gie qui finira par se confirmer.
Souverainet� �lamin�e�
Apr�s avoir effectu� un �forcing� sur le e-cover, Oberthur parvient � s�imposer sur le process de lamination. Il faut savoir qu�un passeport biom�trique �lectronique comporte une s�rie d��l�ments qui assurent sa s�curit� physique. Le laminat, ou inlay, en est l��l�ment principal. C�est un film protecteur en plastique qui est appos� sur la page contenant la photo et les donn�es personnelles du d�tenteur du passeport. Le laminat est dot� d�hologrammes de s�curit�. Il est cens� �tre inviolable. Toute tentative de fraude rendrait le passeport inutilisable. Et l� encore, on retrouve l�empreinte d�Oberthur. Le march� a �t� remport� par Fasver, qui est l�un de ses fournisseurs. La petite PME du sud de la France avait fait une offre pour moins de 600 000 euros. De l�avis de certains sp�cialistes, la d�cision de confier la r�alisation du laminat � un op�rateur �tranger est loin d��tre judicieuse. La production de ce film de s�curit� devrait relever du droit r�galien de l�Etat au m�me titre que le secteur du fiduciaire. L�H�tel des monnaies aurait pu acqu�rir des �quipements et r�aliser, ainsi, son propre laminat.
Keynectis en sous-traitant
Le minist�re de l�Int�rieur et des Collectivit�s locales intervient � son tour. Au courant de l�ann�e 2009, ce d�partement lance un avis d�appel d�offres national et international restreint pour l�acquisition �d�une solution compl�te de d�livrance et de gestion de certificats �lectroniques pour une solution passeport �lectronique et carte nationale d�identit�. L�Infrastructure � cl�s publiques, ou PKI, est un syst�me tr�s complexe qui assure le cryptage et l'authentification des donn�es �lectroniques. Tous les Etats membres de l�Organisation de l�aviation civile internationale (OACI) sont tenus d�avoir leur propre PKI. Cette infrastructure garantit la protection des donn�es informatiques des citoyens. Elle fait office de bouclier au syst�me de gestion du passeport et de carte nationale biom�triques �lectroniques. Plusieurs entreprises participent � cet avis d�appel d�offres restreint. Oberthur, qui n�a pas de r�elle exp�rience en mati�re de PKI, s�engage dans la course. Elle est en concurrence directe avec Keynectis, une entit� fran�aise sp�cialis�e dans le cryptage de donn�es. Et c�est finalement Oberthur qui remporte ce march� avec une offre financi�re de 897 990 euros et des d�lais de r�alisation et de mise en �uvre de trois mois. Keynectis, son concurrent, a fait une offre quasiment identique (894 900 euros) et des d�lais de r�alisation de deux mois et demi. Mais cette proposition sera rejet�e pour une raison plut�t �trange: l�ouverture des plis de ce march� s�est d�roul�e le 6 septembre 2009 alors que le dossier de Keynectis portait la date du 9 septembre ! Mais au final, Keynectis n�aura rien perdu. C�est cette entit� qui agit en qualit� de sous-traitant pour le compte d�Oberthur. La PKI du passeport et de la carte nationale biom�triques est donc d�velopp�e et g�r�e par Keynectis. Tous ces faits � et il y en a s�rement d�autres � suffisent � d�mentir les d�clarations des officiels du minist�re de l�Int�rieur. D�ailleurs, il est important de s�interroger sur l�utilit� des derni�res d�clarations du directeur g�n�ral des libert�s publiques et des affaires juridiques au minist�re de l�Int�rieur et des Collectivit�s locales. Ce haut responsable sait pertinemment qu�aucune institution alg�rienne ne dispose d�une ma�trise suffisante de la technologie pour mettre en �uvre un tel projet.
Marginalisation
Pire, les pouvoirs publics n�ont, � aucun moment, soutenu les entreprises alg�riennes pour leur permettre de d�velopper des solutions. C�est le cas, notamment, d�Alg�rie T�l�com qui, selon des sources s�res, aurait particip� � l�avis d�appel d�offres pour le projet de la PKI en partenariat avec un groupe �tranger; de Sagem Alg�rie pour les technologies avanc�es, entreprise priv�e de droit et de capitaux alg�riens qui subit actuellement une v�ritable cabale apr�s avoir remport� le march� de l�Afis criminel de la DGSN, ou encore de HB Technologie qui aurait pu fournir l�e-cover du passeport biom�trique et le support de la carte nationale biom�trique. M�me constat pour les experts et les chercheurs alg�riens qui travaillent sur la biom�trie. Tr�s peu, pour ne pas dire aucun, ont �t� consult�s pour apporter leur expertise dans ce domaine hautement strat�gique. Comble de l�ironie, ce n�est que dimanche dernier que ces sp�cialistes ont �t� rassembl�s � la faveur d�une �cole d��t� sur la biom�trie. Objectif des initiateurs de cet �v�nement: permettre � l�Alg�rie de d�velopper ses propres solutions dans les cinq ann�es � venir. Trop tard.


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