L'ami Arezki Aït Larbi, qui a eu la généreuse inspiration de partager sur un réseau social quelques photos de Djamila Bouhired lors de sa visite au village de Tiferdoud où se déroulait le Festival Raconte-Arts, y a ajouté ce court texte en guise de commentaire : «Rencontre chaleureuse, conviviale et pleine d'émotions entre l'icône de la Révolution algérienne et la population. Notamment les jeunes, qui savent faire la différence entre ceux qui ont fait l'histoire et les faussaires qui l'ont squattée.» C'est sans doute là, le sens profond de cette visite qui a touché tous ceux qui étaient présents sur place et bien au-delà, grâce aux relais qui en ont été faits. Oui, on a beau dire, les nouvelles générations, souvent culpabilisées pour leur désintérêt à l'endroit de l'histoire de leur pays, voire leur manque de considération envers ses acteurs morts ou encore de ce monde, ont prouvé le contraire, à chaque fois qu'ils en ont eu l'opportunité. Des opportunités au demeurant assez rares. Mais les gardiens du «musée d'histoire» et du «temple de la révolution» font une grossière confusion. Les Algériens de ces âges-là n'ont pas souvent eu la chance de rencontrer Djamila Bouhired et les quelques figures encore en vie qui ont eu un parcours héroïque pendant la guerre et digne et désintéressé dans la liberté retrouvée. Ils confondent leurs récits à dormir debout des batailles qu'ils n'ont jamais livrées, avec les témoignages vrais et humbles d'héroïnes ou de héros qui ont le souci de la mémoire, pendant qu'eux n'ont d'autre motivation que la prospérité de leurs supérettes, érigées sur le terreau de factices cheminements. Il suffirait peut-être d'imaginer Ould-Abbès à Tiferdoud pour en avoir le cœur net ! Mais justement, lui et tous les autres n'ont pas été, ils ne peuvent pas et ils ne veulent pas y aller. Djamila, si. Elle a été comme une Algérienne libre de ses mouvements et de sa parole dans ce village de Haute-Kabylie qui abrite l'une des rares manifestations culturelles autonomes. Avec des villageois heureux d'offrir un pan de bonheur et des artistes qui ne demandent rien. Djamila y a été parce que cette manifestation incarne aussi l'idée qu'elle se fait du pays et de la vie. Les «autres» ne peuvent pas y aller parce que Tiferdoud ou les autres villages qui accueillent Raconte-Arts sont caractéristiques de leur échec, symbolisent tout ce qu'ils haïssent et rappellent tout ce qu'ils combattent. Djamila Bouhired dans les bras de Madame Amzal, c'est «leur cauchemar» parce qu'ils ont partagé le biberon avec les assassins de Kamel. Djamila Bouhired s'entretenant avec la veuve de Si l'Hafidh, ce sont deux authentiques héros qui leur rappellent leur misère de planqués. Djamila Bouhired simplement parmi les siens ça les éveille à leurs bains de foule honteusement rémunérés. Djamila est ce qu'ils ne seront jamais. Personne ne les attendait au même endroit. S. L.