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De transe en transition
Publié dans Le Soir d'Algérie le 01 - 08 - 2018

Le désert avance toujours. Et ce n'est pas ce qui reste du barrage Vert qui va le stopper. Il doit en rester, quand même, quelque chose, du barrage Vert. Juste quelques arbres ! Ça me ferait vraiment plaisir d'avoir la certitude de le savoir. La sueur, au moins, des bidasses n'aura pas coulé vainement. Quoique, ce n'est pas tout à fait l'objet de mon propos, aujourd'hui. Un chanteur a été empêché de chanter à Ouargla : c'est l'info de la semaine ! Faut-il s'en inquiéter ? Il faut s'en inquiéter, certainement. Une prière collective empêcha un «raïman» de faire son show ! Quelles sont les raisons ? Les prieurs demandent aux pouvoirs publics de mettre les sous au profit de l'emploi : c'est la raison apparente. C'est vrai qu'il y a des priorités dans la vie d'une nation ; sauf que ça ne se règle pas de cette manière. Entre payer le cachet d'un chanteur et créer un seul emploi, le choix est vite fait. Mais, encore une fois, ce n'est pas aussi simple que ça. Car il y a tout un gouvernement qui devrait réfléchir à une politique conséquente de l'emploi, puisque l'Ansej, cet organisme distributeur de dinars, n'a pas pu, ou su, régler le problème. Si je savais qu'annuler un festival culturel allait régler le problème du chômage à Ouargla, ou ailleurs en Algérie, je signerais l'annulation des deux mains. Et même des deux pieds ! Sauf que je sais que la raison profonde relève du bigotisme et de l'obscurantisme. Il n'y a pas si longtemps de ça, Lounis Aït Menguellet avait chanté à Bab-el-Oued sous protection policière. Et nous risquons de revivre cette série d'interdictions ! Le Festival de la chanson amazighe de Béjaïa a été, lui aussi, annulé, pour – dit-on – mettre son budget pour le nettoyage de la ville. Quelle hérésie ! A ce stade, on n'est pas loin d'ouvrir la porte à un vent de sable, qui crie haut et fort son nom. Prenons donc le budget réservé à la culture et reversons-le pour lutter contre le chômage, l'insalubrité et la harga. Et mettons tous les acteurs de la culture au chômage ! Et fermons toutes les mosquées et prions sur les places publiques ! Le danger n'est pas totalement écarté. Et la violence n'est pas près de quitter nos cœurs. Le terrorisme n'est pas seulement maquisard !
J'ai lu sur notre journal une des déclarations du Premier ministre et néanmoins patron du RND : «La réforme des mentalités, mère de toutes les réformes.» Que c'est beau ! Quelle justesse ! Quelle projection ! Il n'y a qu'un esprit énarque pour trouver une formule pareille. Décidément, l'énarchie mène à tout ! Ouyahia ne nous dit pas comment réformer les mentalités. Ni l'état de ces mentalités. Ni l'état de l'école algérienne, censée former le citoyen de demain. Comment apprendre la propreté à un citoyen ? Est-on justement citoyen ? Commençons par l'école ! Réformons l'école : nous éviterons certainement un énième vertige identitaire et nous éviterons un autre bain de sang. Autrement, les effets d'annonce n'ont de but que de montrer une formulation creuse et de monter au sein du corps social une peur qui n'a pas lieu d'être. Juste une seule question Monsieur le Premier ministre : pourquoi l'Algérien, censé connaître une réforme dans sa tête, ne rêve que de quitter le navire Algérie ? Personnellement, je pense que nos gouvernants n'ont pas su créer les conditions du bien-être social en Algérie. Mais je ne connais pas votre réponse ; vous devez avoir une idée, non ? Puisque vous admettez, seulement admettre, nos difficultés économiques. Personnellement, je pensais que ça allait de soi. Alors, réformez, réformez, il en restera toujours quelque chose ; en attendant, les faiseurs d'éternité font leur sale boulot !
Décidément, les déclarations ministérielles me font marrer, à tous les coups. A moins que je ne sois en rupture de la réalité nationale ! Le ministre du Tourisme déclare : «Il faut rendre à Béjaïa ce qui lui appartient.» Quoi donc, Monsieur le Ministre ? Son authenticité ? Sa langue ? Son histoire ? Son devenir ? Son ouverture sur le monde ? Ou, prosaïquement, son statut de région hautement touristique ? Ou sa propreté (puisque, semble-t-il, on n'arrive pas à se défaire des ordures ménagères) ? Prions donc sur les places publiques pour que tout ça soit rendu à Béjaïa ! Comment vont les plages à Béjaïa, Monsieur le Ministre ? Le festival de la chanson amazighe relève-t-il du tourisme, Monsieur le Ministre ? (Il est annulé, me dit-on) ! De la culture ! Chut, ne prononçons pas ce mot maudit ! Les réseaux sociaux vont se déchaîner. Et une prière sur une place publique, une ! Qu'est-ce qui relève du tourisme et/ou de la culture, Monsieur le Ministre du Tourisme ? Il faut nous répondre, puisqu'on est au stade de la communication !
Le moustique tigre n'est pas près de lâcher prise ; c'est moi qui vous le dis. Il hume sa proie à une trentaine de mètres, nous dit un spécialiste. J'ai vraiment peur. La dengue, le chikungunya et le zika ! Déjà que je suis dingue de chaleur, si on me rajoute la dengue, je ne suis pas encore rentré dans l'auberge. Pour en sortir, il me faut beaucoup d'audace. Mais, lui, le moustique tigre n'a aucun scrupule ; il va et vient ; il voyage d'un pays à un autre, sans visa, le bougre. Aux difficultés économiques s'ajoute, désormais, le moustique tigre. A la harga s'ajoute l'insalubrité publique. A la vacuité des jours s'ajoute la peur du lendemain. Y aurait-il un ministre à même de nous trouver une formule choc pour soustraire de nos cœurs l'incertitude sociale ? A moins de déclarer les places publiques ouvertes aux prières pour «réformer nos mentalités» ! Puis, il y a ces scorpions qui viennent se mêler de nos problèmes ; on n'a rien demandé à ces scorpions ; à moins de réformer nos mentalités culinaires, et qu'on se mette à les croquer, comme là-bas. C'est une solution comme une autre ! J'ai vu dans un docu, à la télé, des gens manger des scorpions. On les mange, avant de se faire manger par un scorpion ! Juste retour des choses, je pense. En 2018, en ce pays des miracles, il y a encore des morts par envenimation scorpionique ! Dire qu'en plus, il faut lutter contre le moustique tigre ! On a l'embarras du choix ! Dès lors, il faut choisir entre la transe et la transition !
Y. M.


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