De notre bureau de Bruxelles Aziouz Mokhtari Les Saoudiens félicitent les Israéliens qui ont permis à des Arabes palestiniens de partir de Al Qods vers le Mont Arafat. Ça creuse et ça égorge les moutons. Après l'égorgement (des moutons, bien sûr), les musulmans d'Europe ou ceux assignés à l'être reprennent le chemin du réel, pas toujours reluisant, certes... Cependant meilleur que celui des pays de leur origine... Exception de celui de Beji Caïd Essebsi. Dans le sillage de Taha Hussein, Mustapha Lacheraf, les 22 du Crua devenu rapidement FLN, de Mahmoud Derouich, Kateb Yacine, Abou Al Ala el-Maâri, Rédha Malek, M. Seddik Benyahia, le Président tunisien, traversant le siècle dernier et mettant ses pas dans l'actuel, prend la parole et déclare : «La Tunisie est un Etat civil et la seule référence est la Constitution.» Simplement. Sans fioritures. Sans fanfare. Levée de boucliers des islamistes de tous bords et de toutes les nationalités. Les Egyptiens, les Algériens, les Saoudiens, les Emiratis, les Marocains, les Soudanais, enfin, tout le monde ! Les gardiens du temple islamiste, réactionnaires, réfractaires au progrès, agents serviles des renseignements occidentaux, CIA en tête, ou simples soldats de Dieu à la solde des tenants du chaos, consentants ou pas, se lèvent, sabre à la main pour guerroyer contre Essebsi... Leur lutte est importante, ils le savent, leurs maîtres les en ont informés. Le Raïs tunisien en s'accrochant à l'Etat civil et à la Constitution ouvre un large boulevard pour l'égalité femmes-hommes devant l'héritage. Quel blasphème ! Quelle outrecuidance ! Quelle effronterie ! Essebsi sait parfaitement qu'il s'attaque à un front uni, solide, solidaire et argenté. Le front de la décadence et des ténèbres qui, depuis des siècles, empêche les musulmans de sortir la tête de l'eau. Kateb Yacine faisait dire à l'un de ses comédiens dans la guerre de deux mille ans «Darbou biaya lasdar, kasserlou dhloôu» (avec un verset coranique, il lui brisa les côtes)... Métaphore évidemment pour dénoncer non les croyants en l'Islam, mais les maîtres de la pensée qui ont pris en otage la révélation portée par Mohamed pour en faire une arme de destruction massive. Pour le reste, les discussions, ici, ont tourné sur le pèlerinage, le rite sacrificiel, Al Qods... Les félicitations de l'Arabie Saoudite à Israël qui a permis à des Arabes palestiniens d'effectuer le Hadj ont été relevées. Cependant, c'est resté comme ça... Un simple constat. Partir de Al Khalil, Al Halhoul, Beit Lahm, Al Qods vers le Mont Arafat et entendre les gouvernants saoudiens féliciter Tel-Aviv pour avoir permis le voyage est sans doute un signe avant-coureur qui ne trompe pas. Le monde musulman s'enfonce, s'enfonce, s'enfonce... Caïd Essebsi tire-t-il les salves d'honneur seulement ou est-ce un sérieux signe d'espoir ? L'an prochain, un autre Aïd. A. M.