«Ce matin, ils ont osé/Ils ont osé/ Vous assassiner/C'était un matin clair/Aussi doux que les autres/Où vous aviez envie de vivre et de chanter (...)», déclamait, dans un poème, Annie Steiner, alors jeune militante, détenue dans le quartier des femmes de la prison Barberousse. Le réalisateur français, Hélier Cisterne, prépare un film (de fiction) sur le parcours de Fernand Iveton, le militant anticolonialiste guillotiné à Alger en 1957. Cette coproduction franco-algérienne sera adapté du roman De nos frères blessés, de l'écrivain français Joseph Andras, paru en 2016 chez Actes Sud, en France et chez Barzakh, en Algérie , et qui s'intéresse particulièrement «aux dernières années de la vie de Fernand Iveton, à sa rencontre avec sa femme Hélène, ou encore son procès» devant un tribunal militaire, a indiqué Hélier Cisterne à l'APS. Le choix de Hélier Cisterne s'est porté sur l'acteur français Vincent Lacoste et sur l'actrice luxembourgeoise Vicky Krieps pour incarner à l'écran le couple Iveton. Le premier tour de manivelle de ce film, coproduit par la boîte algérienne Leith Média, est prévu pour le mois d'octobre 2018. Le tournage est prévu entre Alger et quelques villes françaises, a précisé le réalisateur français, qui est actuellement en repérage à Alger. Né en 1981 en France, Hélier Cisterne est réalisateur, scénariste et acteur. Parmi ses réalisations figurent le court métrage Les Paradis perdus (2008) et le long métrage Vandal (2013). Né en 1926 au Clos Salembier (aujourd'hui El-Madania) à Alger, Fernand Iveton était ouvrier tourneur à l'usine de gaz d'El-Hamma à Alger. Il a été délégué syndical affilié à la Confédération générale des travailleurs (Cgt), avant d'adhérer à l'Union générale des syndicats algériens (Ugsa). Militant du Parti communiste algérien (PCA), il intégra la lutte armée après les accords politiques entre le PCA et le Front de libération nationale (FLN) en 1956. Chargé de saboter l'usine à gaz, Iveton y avait déposé, le 14 novembre 1956, une bombe fabriquée par Taleb Abderrahmane qui n'explosera finalement pas. Arrêté le même jour, il sera atrocement torturé pendant plusieurs jours dans les locaux du commissariat central d'Alger. Fernand Iveton sera jugé par un tribunal militaire qui prononcera sa condamnation à la peine capitale, dix jours après son arrestation. Sa grâce avait été refusée par le gouvernement de Guy Mollet ; il sera guillotiné le 11 février 1957 dans la cour de la prison Barberousse, à Alger. Fernand Iveton a été le 6e martyr guillotiné depuis le début de l'année 1957 et le seul Algérien d'origine européenne à être exécuté par guillotine. «Je vais mourir, mais l'Algérie sera indépendante», furent les derniers mots prononcés par Fernand Iveton, avant d'être guillotiné juste après Mohamed Ounouri et Ahmed Lakhnache, le 11 février 1957 à 4h30 du matin. «Ce matin, ils ont osé/Ils ont osé/ Vous assassiner/C'était un matin clair/ Aussi doux que les autres/Où vous aviez envie de vivre et de chanter (...)», déclamait dans un poème écrit après son exécution, Annie Steiner, alors jeune militante, détenue dans le quartier des femmes de la prison de Barberousse. Au pied de la guillotine, il avait embrassé ses deux codétenus qui allaient être exécutés avant lui. «Celui-là fut un condamné à mort modèle, droit, impeccable, courageux jusqu'au couperet», relate son bourreau, Fernand Meissonnier. Fernand Iveton est enterré auprès de sa mère, Encarnación Gregori, au cimetière européen de Bologhine (anciennement Saint-Eugène), à Alger. Une ruelle porte le nom de Fernand Iveton à El-Madania, sur les hauteurs d'Alger, ainsi qu'une rue dans le quartier d'El-Derb, à Oran. Kader B.