Le président iranien Hassan Rohani, allié de Bachar al-Assad, a souligné hier la nécessité de venir à bout des «terroristes» à Idleb, tout en disant vouloir épargner la vie des civils, lors d'un sommet avec ses homologues turc et russe qui pourrait sceller le sort de cet ultime bastion rebelle et jihadiste en Syrie. Se faisant écho des craintes de nombreux pays occidentaux et d'ONG, le dirigeant turc a mis en garde contre un «bain de sang» en cas d'offensive du régime sur cette province du nord-ouest de la Syrie. L'Iran, la Russie et la Turquie parrainent les belligérants en Syrie, soutenant les autorités de Damas pour Téhéran et Moscou, et les rebelles pour Ankara. «Combattre le terrorisme à Idleb est une partie inévitable de la mission consistant à ramener la paix et la stabilité en Syrie», a déclaré M. Rohani à l'ouverture du sommet en présence de M. Erdogan et de Vladimir Poutine. Il a néanmoins souligné que «ce combat ne doit pas faire souffrir les civils ou entraîner une politique de la terre brûlée». Une offensive sur Idleb provoquerait «une catastrophe, un massacre et un drame humanitaire», a déclaré de son côté M. Erdogan. «Nous ne voulons absolument pas qu'Idleb se transforme en bain de sang», a-t-il ajouté. Hier, de nouveaux raids aériens russes ont visé des positions rebelles et jihadistes dans le sud-ouest de la province, faisant deux morts, selon une ONG syrienne. Fuite de civils Devenus incontournables dans le conflit, les trois pays pilotent le processus d'Astana, série de discussions de paix lancée après l'intervention militaire russe de 2015, qui a totalement changé la donne dans cette guerre en remettant en selle le président Bachar Al-Assad. Le processus d'Astana a éclipsé les négociations de Genève dirigées par l'ONU. La rencontre de Téhéran a eu lieu quelques heures seulement avant une autre réunion sur la situation à Idleb, convoquée par les Etats-Unis au Conseil de sécurité de l'ONU. Une déclaration commune, déjà prête selon la partie iranienne, doit être lue à l'issue du sommet, qui pourrait être suivi d'une conférence de presse. MM. Erdogan et Rohani se sont rencontrés en tête-à-tête avant la réunion trilatérale. Le président turc s'est ensuite entretenu seul à seul avec M. Poutine. Conquis en 2015 par les insurgés, Idleb est leur dernier grand bastion dans le pays. C'est là qu'ont été envoyés des dizaines de milliers de rebelles et de civils évacués d'autres bastions de l'opposition repris par les forces loyalistes à travers le pays. Jeudi, des centaines de civils ont commencé à fuir la zone par crainte d'un assaut imminent des troupes gouvernementales. Déterminé à reprendre l'ensemble du territoire, le pouvoir de Damas a massé des renforts aux abords de la province, frontalière de la Turquie et dominée par les jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS), mais qui accueille aussi d'importantes factions rebelles. Damas, Moscou et Téhéran doivent cependant tenir compte de la position de la Turquie, qui dispose de troupes à Idleb et craint un afflux massif de réfugiés sur son territoire. La porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova a rappelé hier matin la position russe selon laquelle «une liquidation totale et définitive des terroristes sur tout le territoire de la Syrie est nécessaire». «La Russie fait tout ce qui est en son pouvoir pour que les pertes humaines et le préjudice pour la population civile d'Idleb soient réduits au maximum», avait-elle affirmé mercredi.
«Pire catastrophe humanitaire» La rencontre entre MM. Rohani, Poutine et Erdogan pourrait déterminer l'ampleur et le calendrier de l'offensive contre Idleb. La Turquie a affirmé qu'elle allait tenter à Téhéran d'empêcher un assaut. Selon un journal turc, elle doit soumettre un plan prévoyant l'évacuation des groupes armés d'Idleb. Aux termes de ce plan rapporté par le quotidien progouvernemental Sabah, douze «groupes armés», dont HTS, qui domine 60% de la province, devront déposer les armes. Quelque trois millions d'habitants vivent dans la province d'Idleb et les quelques poches insurgées dans les provinces voisines de Hama, Alep ou encore Lattaquié, selon l'ONU. Près de la moitié sont des déplacés. Mercredi, les Nations unies ont mis en garde contre un «bain de sang» à Idleb, craignant qu'une offensive ne provoque une catastrophe humanitaire d'une ampleur inédite depuis le début du conflit syrien. Dans une communiqué commun, huit ONG internationales actives en Syrie, dont Save The Children, ont appelé les «dirigeants mondiaux» qui se sont réunis hier à Téhéran et New York à «travailler ensemble pour éviter» que survienne «la pire catastrophe humanitaire en sept ans de guerre en Syrie»