Ex-collaborateur de l'Elysée, à l'origine de la plus grave crise politique essuyée par Emmanuel Macron, Alexandre Benalla a nié n'avoir jamais été le garde du corps du président français hier mercredi, sans totalement convaincre les sénateurs de la commission d'enquête. «Je n'ai jamais été le garde du corps d'Emmanuel Macron», a déclaré Alexandre Benalla, 27 ans, au cours de deux heures d'audition par cette commission d'enquête parlementaire mise sur pied après qu'eut éclaté le «Benallagate». Le 18 juillet, le quotidien Le Monde révélait qu'un jeune homme barbu, coiffé d'un casque de policier, filmé en train de molester deux manifestants le 1er mai à Paris, n'était autre qu'un proche collaborateur du chef de l'Etat, censé assister aux défilés en tant que simple observateur au sein des forces de l'ordre. Quatre jours plus tard, Alexandre Benalla était inculpé, en même temps qu'un employé du parti présidentiel, de «violences en réunion». Parallèlement, révélations et interrogations déferlaient sur son statut à l'Elysée, son rôle auprès d'Emmanuel Macron, les avantages présumés dont il aurait bénéficié (permis de port d'arme, passeports diplomatiques, logement, badge d'accès à l'Assemblée nationale, etc.). Les sénateurs voulaient en particulier établir si le jeune homme, régulièrement vu aux côtés du chef de l'Etat pendant ses déplacements, a rempli une fonction de protection personnelle de ce dernier. Pour eux, cela relèverait d'un «dysfonctionnement» des services de l'Etat, cette tâche sensible étant dévolue à des unités d'élite de la police et de la gendarmerie. L'intéressé a insisté sur le fait qu'il n'était «ni policier ni garde du corps du président de la République», disant avoir été «recruté sous le statut de chargé de mission», «le niveau le plus bas» au cabinet du président de la République. Devant les sénateurs, il a aussi affirmé que le port d'arme dont il disposait «n'était pas lié à la sécurité du président de la République mais à (s)a sécurité personnelle». Ce n'était «pas pour sa sécurité personnelle», a rétorqué l'ex-directeur de cabinet du préfet de police Yann Drouet, entendu peu après par les sénateurs. Ce port d'arme a selon lui été délivré parce qu'«on a considéré que, dans le cadre de ses fonctions, dans le cadre de sa mission, il était manifestement exposé à des risques». «Baladés» L'arrêté autorisant ce port d'arme mentionnait bien une «mission de police». «Cet arrêté a été rédigé par (...) la direction de la police générale, qui a essayé de faire rentrer mon cas qui n'est pas un cas conforme dans les clous», a tenté de se justifier M. Benalla. Cette audition «n'a pas fait avancer la vérité car on est toujours devant les mêmes invraisemblances. Ce qui est très gênant, c'est qu'on se sente baladé et qu'on puisse nous asséner des contrevérités contredites par les faits, comme ça, sous serment», a réagi à l'issue de l'audition le sénateur LR (droite) François Grosdidier. «Il se fout de nous», «c'est un gros malin», a réagi sur BFMTV le sénateur L. R. «De quoi ont-ils peur ? Qu'a fait M. Benalla pour avoir autant de soutiens gouvernementaux ?» Après l'audition, Alexandre Benalla s'est exprimé sur RTL «soulagé» d'avoir «dit toute la vérité». La question de l'audition de M. Benalla par la commission provoque de vives tensions entre le Sénat et l'exécutif. La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a notamment à plusieurs reprises défendu la séparation des pouvoirs, plaidant que la commission ne devait pas empiéter sur l'instruction en cours. Elle a aussi affirmé que personne n'était «dupe» de l'«instrumentalisation» politique de l'affaire. La passe d'armes a continué mercredi : le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a mis en cause la «déontologie» du président de la commission d'enquête. «Nous, nous essayons de travailler en dehors de toute cette agitation politicienne et nous allons poursuivre aussi sereinement que nous l'avons fait dans les premières semaines notre travail», a rétorqué Philippe.