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L'affaire Benalla: Un scandale d'Etat ?
Publié dans Le Maghreb le 23 - 07 - 2018

Le scandale qui monte en puissance depuis le mercredi 18 juillet est révélateur de la dégradation de la vie politique en France. Un collaborateur d'Emmanuel Macron, M. Alexandre Benalla, est impliqué dans des actes de violences contre un manifestant lors de la manifestation du 1er mai dernier.
Circonstance aggravante, il aurait " infiltré " les rangs de la police après s'être muni d'un brassard officiel et, autre circonstance aggravante, il aurait été accompagné d'un autre membre de l'entourage du Président.

Or, on se souvient que cette manifestation avait donné lieu à des violences importantes. Ces violences, tout comme l'action de la Police qui était restée étrangement inactive pendant plusieurs dizaines de minutes, avaient suscitées des soupçons de manœuvres politiques de la part du gouvernement. Il est clair, en tous les cas, qu'il y eut une instrumentalisation politique de ces dites violences. Mais, mercredi soir, on est allé de révélations en révélations au point qu'il faut bien appeler aujourd'hui ce scandale un scandale d'Etat.

La nature des faits
La nature des faits reprochés à M. Alexandre Benalla, qui est décrit comme un " conseiller de l'Elysée " et donc qui se trouve sous l'autorité du chef de cabinet, est simple, et tient en deux choses. Il y a tout d'abord les violences commises contre un manifestant, violences qui ont été filmées, et qui peuvent déjà constituer un délit. On le voit brutaliser en particulier une personne qui ne semble pas constituer une menace pour quiconque. Il y a ensuite le port du brassard de police. Ici aussi M. Benalla a été filmé avec un brassard de police au bras, or rappelons que l'usurpation de fonctions constitue un autre délit, couvert par l'Article 433-12 du CP et passible d'une peine de 3ans de prison et de 45 000 € d'amende.
L'Elysée indique que des mesures disciplinaires (15 jours de suspension sans salaire) ont été prises à son égard. Mais il y a, en droit français, une indépendance entre les poursuites disciplinaires et les poursuites pénales. Les mesures disciplinaires sont prises sans préjudice des mesures pénales. Autrement dit ces mesures disciplinaires ne peuvent en rien remplacer une enquête judiciaire ni s'y substituer.
Or, celle-ci n'a été lancée que le jeudi 19 juillet, à cause de la révélation du scandale. Alexandre Benalla est donc désormais poursuivi pour "violences par personne chargée d'une mission de service public", "usurpation de fonctions" et "usurpation de signes réservés à l'autorité publique". Ce sont des faits graves.
Rappelons alors que la non-dénonciation de délit de la part d'un fonctionnaire dépositaire de l'autorité publique, en ce cas le Directeur de Cabinet (Patrick Strzoda, ancien préfet, ancien directeur de cabinet de M. Bernard Cazeneuve) ou ses subordonnés, constitue à son tour un délit couvert par l'Article 40 Du CP. A tout le moins le Directeur de Cabinet peut être poursuivi pour complicité de non-dénonciation ce qui est dit aussi comme complice par abstention, un délit puni des mêmes peines.

Monsieur Benalla n'est pas un inconnu…
Mais, M. Alexandre Benalla n'est pas un simple employé de l'Elysée. Il semble qu'Alexandre Benalla travaille depuis plus d'un an pour Emmanuel Macron. Il a été en effet responsable de sa sécurité pendant sa campagne pour l'élection présidentielle, En fait, son pédigrée remonte au-delà.
Entre 2011 et 2012, il fut également chargé de la sécurité de Martine Aubry. Puis, il a fait partie du service d'ordre en charge de la protection de François Hollande, alors candidat socialiste à l'élection présidentielle. Il a aussi travaillé pour Arnaud Montebourg, quand ce dernier fut ministre, qui l'aurait licencié pour une " faute grave ". Arnaud Montebourg aurait mis fin à leur collaboration rapidement après qu'Alexandre Benalla, ayant provoqué un accident de voiture, eut voulu prendre la fuite. Par ailleurs, M. Alexandre Benalla a été en parallèle salarié du groupe de sécurité privée Velours et a tenté de lancer une Fédération française de la sécurité privée au printemps 2016.
On le constate, Alexandre Benalla n'est pas un simple " chargé de mission " comme le prétend l'Elysée. Les photos témoignent d'ailleurs qu'il joue bien plus le rôle de " garde du corps " d'Emmanuel Macron et d'homme de confiance. Il est présent auprès du chef de l'Etat dans de multiples circonstances, qui vont de divers événements publics, aux pistes de ski… Rappelons, encore, que la protection du chef de l'Etat, est le fait de la gendarmerie et de la police. Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il décidé de recourir aux services de quelqu'un qui n'était ni gendarme ni policier? C'est aussi cela qui fait peser les soupçons de " cabinet noir " et autres " milices privées " dans l'entourage du Président.
Il fut aussi vu dans l'autobus qui, le lundi 17 juillet, emmena l'équipe de France dans sa descente des Champs-Elysées, ce qui montre qu'il avait conservé toute la confiance de ses chefs. Il y a donc ici une continuité qui va du parti dit " socialiste " jusqu'à l'équipe de Macron, et une continuité qui pourrait éclairer bien des choses.

Un réseau
Il y a cependant plus grave. Dans les faits qui lui sont reprochés, Alexandre Benalla a été assisté par un autre " chargé de mission ", M. Vincent Crase, contre lequel une mesure disciplinaire a aussi été prise. Il s'agit d'un gendarme réserviste, basé dans le département de l'Eure, et qui était un employé de La République En Marche. Or, c'est avec Vincent Crase qu'Alexandre Benalla a tenté de lancer une Fédération française de la sécurité privée au printemps 2016 comme indiqué plus haut.
Cela établit l'existence d'un réseau impliquant au moins ces deux hommes, et peut-être plus.
Car, il est évident que les responsables du Cabinet ne pouvaient faire cela. Que de tels comportements puissent être commis par des personnes travaillant pour le président de la République, que ces comportements, manifestement connus (ils ont donné lieu à des sanctions disciplinaires) n'aient pas donné lieu à une enquête de la justice, laisse apparaître un système de police parallèle appuyé par une pratique d'impunité judiciaire couverte par le directeur de Cabinet.
Voilà qui écorne sérieusement la prétention à l'exemplarité d'Emmanuel Macron mais aussi qui jette un doute sur les pratiques réelles de l'Elysée. La défense très faible, et parfois contradictoire, de la présidence de la République indique bien que ce scandale touche au plus profond des pratiques de cette Présidence. Il éclaire la permanence dans les allées du pouvoir de pratiques et de comportements dont les Français ne veulent plus depuis des années.


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