«Alea jacta est», le sort en est jeté pour Malik Bouacida, un jeune homme à la tête blanche, aux cheveux coupés ras, la cinquantaine et surtout de l'optimisme à en revendre. Et pour cause, il se lance dans la grande aventure de la formation universitaire privée. Ils sont déjà trois promoteurs à s'engager dans la libéralisation de l'enseignement supérieur, une brèche dans le monopole de l'Etat en vigueur depuis l'indépendance et les différentes lois fondamentales qui consacrent la gratuité de l'éducation pour tous et les études supérieures. Ainsi en a décidé l'arrêté du 13 novembre 2016 paru sous le numéro 67 du Journal officiel fixant le cahier de charge, en vue de délivrer l'autorisation de création d'un établissement privé de formation supérieure. Le directeur et fondateur de «EM Business School» nous affirme se conformer à toutes les conditions définies par l'arrêté outre les normes requises pour le bâtiment, situé à Sidi Yahia - Hydra (Alger) «choisi après une quarantaine visités» pour répondre aux critères de sécurité, d'environnement et de confort pour la sérénité des études. En effet, deux blocs, chacun sur trois étages, sont d'ores et déjà équipés de matériel pédagogique nécessaire, internet et vidéo projecteur. Pour l'année scolaire en cours, les préparatifs vont bon train. Pour la réussite du projet, 200 000 euros sont mis dans la cagnotte. La campagne d'information en direction des intéressés est lancée, le coût de la formation sur l'ensemble du cycle de formation est de 300 000 DA par an avec pour interface la garantie de la qualité des études et de l'employabilité, comme nous l'expliquera longuement Malik Bouacida. «On démarre cette année avec 20 étudiants pour la licence en sciences de gestion orientée management. On a déposé au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique un projet de quatre spécialités dont le master en management de projet pour les futurs cadres dans le domaine ; en management du tourisme pour le public et le privé pour les cadres appelés à mettre en place des stratégies de développement de tout type de tourisme ; un master gestion des ressources humaines ; un master en management public». «Il n'est pas question de marcher sur les platesbandes des universités de l'Etat et nous investissons les créneaux inexplorés». Dans l'attente de l'agrément définitif, le fondateur de EM Bussiness School détient l'autorisation nécessaire pour entamer l'aventure (Chapitre 2, Dispositions générales du décret). En effet, le dossier de création de cette université a été passé au crible par la commission pédagogique du ministère de l'Enseignement supérieur composée de personnes qui font autorité dont le secrétaire général, les directeurs centraux, de la recherche…). Il est stipulé que «l'autorisation de création définitive d'un établissement privé est délivrée à l'issue d'un cycle complet de formation sur la base d'un rapport d'évaluation et de contrôle de la durée de formation concernée, établi par l'organe de contrôle visé à l'article 44 de l'arrêté».Il s'agit donc de mettre à l'épreuve le projet et non de signer un sous-seing suite à une complaisance complice passant outre les conséquences néfastes qui peuvent en découler. C'est pourquoi Malik Bouacida se montre à l'aise quant à toutes les dispositions réglementaires conditionnant la création d'une école privée de niveau supérieur sur les plans administratif et pédagogique et nous assure qu'il ne bénéficie d'aucun parrainage : «C'est une initiative personnelle mue par ma seule volonté d'être d'un apport concret d'autant que l'on parle beaucoup de la nécessaire implication de la diaspora algérienne établie à l'étranger». Le directeur-fondateur de EM School Business est lui-même enseignant-chercheur permanent à l'université de Strasbourg (France), ce qui est un des critères exigés pour tout promoteur de ce type de projet, ainsi que disposer d'une expérience dans le domaine et pour lui, 5 ans de pratique avant de projeter passer au palier supérieur, au demeurant une des conditions du décret. Il insiste beaucoup par ailleurs sur l'importance de la maturation de son projet d'université puisque, nous dit-il, il a beaucoup consulté et… obtenu l'aide de nos services consulaires de Strasbourg et de l'ambassade d'Algérie à Paris. C'est donc fort des conseils et soutiens obtenus qu'il lance le projet. S'il n'est pas dans les intentions de l'établissement de refouler une quelconque demande d'entrée à cette université, l'on nous assure qu'elle ne sera pas un réceptacle au tout-venant, c'est-à-dire les recalés du système universitaire public. Ainsi, un intérêt est porté sur le profil de l'étudiant candidat à l'inscription qui doit détenir au moins le bac avec un minimum de 10/20 «au regard des places disponibles ainsi que la prise en compte des notes de son cursus scolaire». Mieux, nous affirme Malik Bouacida, «chacun des candidats sera convié à un entretien avec moi-même afin que je puisse évaluer son projet professionnel et m'assurer de sa motivation et de la justesse de son choix». «On va plus loin avec l'étudiant puisque l'on va l'accompagner durant les 3 ans dans son projet professionnel avec un enseignement lié au métier qu'il aura à exercer.» N'évoluant pas dans le néant, le promoteur de cette nouvelle université compte mettre à profit ses acquis à l'école de Strasbourg où il est aussi responsable du Master Management, mention ingénierie d'affaires dans une perspective de partenariat, l'école de Strasbourg étant reconnue parmi les «100 universités nobélisables dans le monde». «Qui dit partenariat, dit qualité- accréditation car nous voulons aller au double diplôme, cela veut dire que l'étudiant qui sort de chez nous peut se prévaloir d'un diplôme algérien et d'un diplôme français et ainsi la question de l'équivalence ne se posera pas.» Au plan pédagogique, si l'on ne compte pas d'amphithéâtre classique, les étudiants travailleront en petits groupes. L'outil pédagogique (le fonds documentaire est en constitution) grâce au partenariat donnera «accès aux étudiants à toutes les bases de données de l'Université de Strasbourg et donc à toutes les ressources bibliographiques ». Pour le crédit et l'attractivité, le contenu des programmes aussi bien que le personnel enseignant est au centre des préoccupations pour les étudiants à coup sûr et le directeur-fondateur qui ne veut pas être à défaut sur ce plan : «Je veux inscrire mon établissement dans l'excellence, de qualité internationale». C'est pourquoi les programmes que concocte Malik Bouacida, étant lui-même professeur, seront supervisés par une commission pédagogique du ministère et pour cela il se dit totalement à l'aise et dans une démarche transparente, «l'argent vient au second plan, ce n'est pas mon obsession», «étant moi-même dans une grande école, les accréditations vous imposent un certain nombre de conditions». Dans cette noble aventure de doter les prétendants du meilleur des savoirs et dans le contexte d'aujourd'hui fait d'un système basé sur l'argent à n'importe quel prix, quelles sont les balises à mettre en place afin d'éviter les dérapages sous la forme de diplômes de complaisance voire de diplômes achetés ? Le directeur-fondateur de EM Business School ne semble nullement surpris ou préoccupé par ce questionnement légitime par ailleurs : «Il y a obligation de moyens et de résultats de mon côté pour la réussite de la scolarité, en aucun cas un étudiant ne pourra acheter son diplôme». C'est dit sans ambages, comme un avertissement. En matière de recrutement du personnel enseignant, là aussi l'on insiste sur la transparence et l'on ne peut faillir sur ce plan étant lié par des engagements induits par le partenariat. Des professeurs établis à l'étranger seraient intéressés par l'aventure de EM Business School. Si Malik Bouacida, professionnel et plein de bonne foi, s'engage dans cette aventure (l'université est appelée à ouvrir pour 250 étudiants à l'avenir) avec l'enthousiasme et sans doute la maîtrise pédagogique et répond en plus aux critères imposés par le ministère de l'Enseignement supérieur et dont il peut se prévaloir, il y a aussi à craindre la pression des forces de l'argent qui viendraient à occuper un terrain demeuré encore vierge jusque-là et à rompre insidieusement les balises de protection prévues par le décret du 13 novembre 2016. Dans d'autres secteurs cela s'est déjà vu ! Notre promoteur n'en a cure de ces risques puisque c'est la réussite de son projet qui le préoccupe tout simplement. Son espoir est que des collègues comme lui désireux d'investir dans les autres filières comme la mécanique, l'électronique et d'autres métiers dédiés aux cadres de demain puissent faire le pas. Il veut aussi faire profiter de son expérience les managers et directeurs d'entreprises algériens à travers un opus de 140 pages intitulé Les conditions de réussite des joint-ventures internationales en Algérie. Cet ouvrage très d'actualité traite des IDE (investissements directs étrangers), comme forme de coopération des entreprises nord-sud et les avantages «gagnant-gagnant » de cette formule. Un livre utile pour les entrepreneurs en ce sens qu'il «propose une approche managériale et académique du transfert inter-organisationnel de connaissance et de la performance au sein des alliances internationales de type nord-sud ». Des cas algériens de réussite sont cités mais beaucoup d'autres expériences ont échoué. Le livre n'est pas une recette miracle mais son intérêt est d'attirer l'attention sur ce qu'il faut faire et les écueils à éviter quand bien même la règle 49/51 n'est pas vue comme un obstacle majeur à l'investissement étranger à l'heure où de nombreux pays s'ouvrent à bas prix. Il reste, aspect non développé par l'auteur, le climat des affaires souvent décrié du fait des lois changeantes au gré de la conjoncture. Brahim Taouchichet