Coup de théâtre : Abdelaziz Bouteflika a procédé, hier, à la surprise générale, non pas à la désignation d'un remplaçant ou d'un intérimaire au poste de secrétaire général du Front de libération nationale qu'occupait Djamel Ould-Abbès, mais à la dissolution de l'ensemble des structures et instances dirigeantes du parti, issues du 10e congrès de juin 2015. Depuis hier, le FLN est confié à une «instance dirigeante» présidée par le président de l'Assemblée, Moad Bouchareb. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Une instance officiellement installée hier, au siège du parti à Hydra par le concerné lui-même, à savoir Moad Bouchareb. Sans détour, ce dernier annonce la couleur : «Conformément aux instructions de Son Excellence le président de la République, président du Front de libération nationale, monsieur Abdelaziz Bouteflika (…), il a été décidé la création d'une instance dirigeante du parti du Front de libération nationale sous la présidence de monsieur Moad Bouchareb.» C'est donc à visage découvert que Bouteflika a choisi d'intervenir, directement, dans la gestion du FLN cette fois-ci. Certes, l'homme dirige le parti depuis 2004. Mais la seule fois où il a pris publiquement une décision au nom du parti, c'était à l'occasion du surprenant «bannissement» qu'il prononçait à l'encontre de l'ancien chef de gouvernement Abdelaziz Belkhadem, le 26 août 2014. Dans ce même communiqué annonçant la création de l'instance dirigeante et signé par son«coordinateur» est également annoncée la composante de cette structure. «Le secrétariat de cette instance dirigeante est composé de mesdames et messieurs Leïla Tayeb, Mahmoud Guemama, Saïda Bounab, Mustapha Karim Rahiel, Samira Kerkouche et Saïd Lakhadari.» Une composante qui tient compte de la parité hommes-femmes, de l'équilibre régional ainsi que du sacré quota réservé, inévitablement, aux anciens moudjahidine représentés, ici, par Leïla Tayeb et Mahmoud Guemama. Dans ce même communiqué, qui équivaut décret présidentiel, sont annoncées deux autres grandes décisions pour le parti. On y lit, ainsi, que, d'abord, «il sera également mis en place une structure exécutive constituée de cadres du parti dont le nombre et la composition seront définis ultérieurement». Ensuite, que «l'instance dirigeante du parti du Front de libération nationale a pour mission la préparation de la tenue d'un congrès extraordinaire à même de lui garantir un nouveau départ dans le cadre de l'unité, la cohésion et la solidarité à l'effet de promouvoir l'action militante et politique (…)» Moad Bouchareb fera une révélation de taille, lors d'un point de presse en marge de la cérémonie d'installation : «L'instance exécutive remplacera toutes les autres structures et instances du parti.» A savoir, le bureau politique mais, surtout, le comité central qui est ainsi dissous de fait, ce qui est une véritable première dans l'histoire du parti. Mis à part l'épisode de 2003, lorsque, pour contrer Ali Benflis, Bouteflika lançait l'opération d'invalidation du 8e congrès de mars de la même année, le comité central du FLN a toujours constitué l'instance clé du parti. Tous les changements, y compris des secrétaires généraux du parti, passaient obligatoirement par le comité central, même s'il ne s'agit, souvent, que de simples formalités, le CC ne faisant que valider et légitimer des décisions prises ailleurs qu'à Hydra. D'où l'interrogation sur cette énigmatique dissolution du comité central, issu du 10e congrès de juin 2015, pourtant entièrement organisé à partir de la présidence et couronné par les lettres de félicitations respectives de Abdelaziz Bouteflika lui-même et, pour la première fois aussi, du vice-ministre de la Défense et chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah. Le désormais défunt comité central étant composé de 505 membres, il est à prévoir quelques remous dans les jours à venir. Surtout après l'annonce de la composante de la nouvelle «structure exécutive». Cette dernière serait, affirme une source sûre, composée seulement d'une trentaine de membres. Une lutte féroce sera engagée dans les coulisses par les membres de l'ex-comité central mais aussi les ténors du parti pour y figurer et se placer en prévision du prochain congrès mais, surtout, de la présidentielle. Evidemment, le congrès extraordinaire en question n'interviendra pas avant la présidentielle d'avril prochain. Et c'est finalement cette échéance cruciale de la présidentielle qui aura motivé ce grand séisme opéré par Bouteflika au sein du parti majoritaire. «Il ne s'agit pas d'une sanction à l'égard des anciens secrétaires généraux du parti, notamment le docteur Djamel Ould-Abbès qui avait hérité d'une situation très difficile et qui a déployé d'énormes efforts en deux ans pour redresser la situation. Vous connaissez également tous sa fidélité au Président Bouteflika (…)», dira Moad Bouchareb qui affirmera avoir été félicité par son prédécesseur à la direction du parti. Il ne s'agit pas, en effet, d'un changement classique d'un secrétaire général par un autre, comme c'était souvent le cas au FLN, mais d'une dissolution, d'une refonte totale de toute la direction, des structures et des instances du parti et d'une invalidation de fait du 10e congrès de juin 2015, organisé sous Ammar Saâdani. K. A.