2049 est la date à laquelle Pékin espère fêter en grande pompe, et en probable nouveau maître du monde, le centenaire de la République populaire de Chine. 2049 est, dans l'horoscope chinois, l'année du serpent de terre. Ce lombric – c'est son nom scientifique – est associé, selon ce même horoscope, à une personnalité particulière et à un emploi précis. «Personnalité : réfléchi, sage, rusé, intuitif, indépendant, parfois paresseux. Emploi idéal : professeur, linguiste, enseignant, psychiatre, psychologue, astrologue, voyant, agent du personnel, dans les relations publique, designer d'intérieur.» Paul Henri-Moinet, du Nouvel économiste(*), entreprend un «petit exercice projectif autour de la méthode libérale autoritaire de Xi Jinping» : «En 2049, la Chine sera un grand pays socialiste moderne, puissant, prospère, démocratique, civilisé, harmonieux et beau. Ce n'est pas une prévision ou une prophétie, c'est un programme. Tous les attributs officiels de la stratégie 2049 sont importants et leur enchaînement logique est décisif.» Ces attributs sont officiellement attachés à un ordre naissant qui se veut «démocratique, civilisé, harmonieux et beau». L'homme fort qui veille sur un chantier aussi pharaonique, Xin, est décrit comme adepte d'une dialectique résumée à un mélange de «métaphores confucéennes et de subtiles distinctions conceptuelles, et redoutablement efficace : «Le rôle du marché est décisif et celui du gouvernement fondamental, ces deux forces sont en parfaite harmonie et ne sont en aucun cas contradictoires ; il faut utiliser correctement la main visible et la main invisible.» Au-delà des clichés, Vincent Lucchese décortique «le plan de la Chine pour devenir le leader du monde en 2049» en s'appesantissant sur «les nouvelles routes de la soie» : «A la différence d'autres pays qui travaillent sur 5 ans, la Chine travaille sur 50 ans. Elle se donne le temps, et donc son projet ira au bout.»(**) Revenant pour le projet phare de la Chine pour devenir le centre du monde (les «nouvelles routes de la soie», projet officiellement lancé en 2013 par Xi Jinping, le Président chinois, avec un budget global de 800, voire plus de 1 000 milliards de dollars), il souligne la priorité qu'elle accorde au développement d'infrastructures (ports, routes, voies ferrées, etc.) pour booster les routes commerciales entre la Chine et l'Europe, en passant notamment par l'Asie centrale. Pour avoir un ordre de grandeur, et à titre de comparaison, cela représente cinq à six fois le budget du plan Marshall lancé par les Américains pour l'Europe après la Seconde Guerre mondiale. Investisseur moteur, la Chine compte aussi associer les financeurs privés et es partenaires, notamment au sein de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (BAII). Contrôlée par Pékin, cette banque lancée en 2015 compte 57 pays fondateurs, dont la France, et se positionne en alternative à la Banque mondiale et aux institutions financières héritées dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. «La Chine a de très fortes ambitions de restructuration de la gouvernance mondiale, qu'elle veut piloter. En ce sens, les "routes de la soie" ne sont qu'une étiquette pour réunir les Etats autour d'un agenda qu'elle a façonné», nous rappelle Vincent Lucchese. La BAII illustre cette stratégie, de même que les nombreux sommets convoqués par Pékin, en Chine comme à l'étranger, rattachés, non sans un certain mépris occidental, à une «stratégie des forums». Tanguy Struye de Swielande, professeur à l'Université catholique de Louvain la Neuve, et aux Facultés universitaires catholiques de Mons et à l'Ecole Royale militaire (Belgique), se propose de découvrir «la Chine et ses objectifs géopolitiques à l'aube de 2049».(***) La recette chinoise est ainsi révélée : «(La Chine) s'affirme de plus en plus dans la région (Asie centrale, ndlr) à travers une lecture asiatique de la géopolitique qui se traduit dans la pratique par une application du jeu de Go. Alors que la culture occidentale privilégie des jeux comme les échecs, qui postulent un affrontement direct visant la défaite de l'adversaire, la culture asiatique, en particulier chinoise, favorise une approche plus indirecte. Dans le jeu de Go, les actions apparaissent de prime abord non associées, alors que la logique de l'action se révèle ultérieurement, au fur et à mesure des jonctions entre les actions. Le succès ne s'obtient pas en un coup ou grâce à un déplacement ; il résulte d'une multitude d'actions aux objectifs variés, mais au service d'une grande stratégie. De plus, la victoire ne se traduit pas par une domination incontestée mais plutôt par un partage avantageux du territoire (acquisition de zones d'influence). L'accent est mis sur les stratégies relationnelles plutôt que sur les stratégies d'affrontement.» Une fois l'Asie centrale acquise, il est attribué à Pékin l'ambition de conquérir d'autres espaces : l'Asie du Sud-Est, le Moyen-Orient, le Caucase, la Turquie et même l'Union européenne («la porte d'entrée étant principalement les économies européennes fortement touchées par la crise - Grèce, Espagne et Portugal, mais également certains pays d'Europe de l'Est (Bulgarie, Roumanie, Hongrie) et les Balkans (Serbie). Les sociétés chinoises s'intéressent entre autres aux ports (ex. port de Pirée), aux compagnies ferroviaires (OSE) et au développement du corridor paneuropéen n°10 reliant la Turquie à l'Europe»). Le tout dans la discrétion et dans la durée ; le jeu de Go n'autorise ni esclandre ni fanfaronnade. A. B. (*) Paul Henri-Moinet, Chine, 2049, Le nouvel économiste, 3 mai 2018, https://www.lenouveleconomiste.fr/chine-2049-63319/ (**) Vincent Lucchese, Le plan de la Chine pour devenir le leader du monde en 2049. https://usbeketrica.com/article/le-plan-de-la-chine-pour-devenir-le-leader-du-monde-en-2049 (***) Tanguy Struye de Swielande, La Chine et ses objectifs géopolitiques à l'aube de 2049, Diploweb, 3 septembre 2017, https://www.diploweb.com/La-Chine-et-ses-objectifs-geopolitiques-a-l-aube-de-2049.htmlhttps://www.diploweb.com/La-Chine-et-ses-objectifs-geopolitiques-a-l-aube-de-2049.htmlhttps://www.diploweb.com/La-Chine-et-ses-objectifs-geopolitiques-a-l-aube-de-2049.html