H�pital Mustapha d�Alger. 12h30. C�est l�heure des visites. C�est aussi le coup d�envoi du premier match de l�EN au Mondial contre son adversaire, la Slov�nie. Les interminables processions de voitures, qui d�ordinaire provoquent des embouteillages monstres dans l�enceinte du centre hospitalier, ont disparu comme par magie. La circulation des personnes et des v�hicules, beaucoup moins nombreux, s�effectuait dans une rare fluidit�. Le va-et-vient incessant du personnel m�dical, des visiteurs ou encore des malades n��tait pas de mise hier. Quel bonheur, on ne jouait plus des coudes pour se frayer un chemin. Au service des urgences m�dicales, le match n�a aucunement perturb� son fonctionnement. Un vieil homme est allong� sur un brancard, entour� de sa famille. Il souffre de sa jambe suite � un accident de la route. Ses proches s�impatientent. Ils attendent l�ambulance qui l��vacuera vers le service d�orthop�die. Une infirmi�re les rassure : ��a y est, l�ambulance ne va pas tarder.� Le fils, inquiet, fait les cent pas. La voiture arrive, le malade est vite transf�r� vers le service indiqu� pour y recevoir les soins n�cessaires. Une femme, la cinquantaine, le visage livide, sort d�une salle de soins. Deux hommes, visiblement responsables de la maintenance et de l�hygi�ne, p�n�trent dans le service, t�l�phone mobile coll� � l�oreille. Tr�s concentr�s, ils inspectent minutieusement les lieux, l�un d�eux jette un �il sous un banc, o� un gobelet de caf� est jet�. Il n�h�site pas � faire la remarque � qui de droit. Il ouvre les toilettes, constate la d�faillance de la plomberie. Il poursuit son inspection et s�adresse cette fois � l�une des responsables : �Je vous envoie 6 chariots � linge et 6 paravents (il confirme par t�l�phone). Les plombiers passeront demain pour r�gler le probl�me des sanitaires et par la m�me occasion, je vous doterai de paillassons pour �viter les inondations.� Entre deux instructions, les hommes saluent un coll�gue qui leur lance en affichant un rire : �Alors, vous ne suivez pas le match !?� On a beaucoup � faire ici.� Il ajoute : �Tout cet argent pour le foot, il serait plus utile ailleurs.� Avant de quitter le service, l�un des responsables, outr�, et avec col�re, ordonne � la femme de m�nage de balayer l�entr�e. �Elle est sale, c�est un scandale !� L�employ�e prend un balai et s�ex�cute. Horripil�e, son coll�gue poursuit : �On est encore � l��re des balais, si l�entreprise de nettoiement ne fait pas l�affaire, il faut la changer, un point c�est tout. Je veux ce service nickel !� Nous poursuivons notre �p�riple� � travers les all�es de cette imposante institution. Nos pas nous guident vers le son d�une t�l�vision � fond. Ils nous m�nent au service de m�decine infantile. Nous p�n�trons dans un lugubre couloir sale, mal �clair� et naus�abond (comme le reste du service) o� des mamans qui des po�les � la main qui des assiettes circulent. Dans une petite salle, TSS, �tudiantes en m�decine, malades, par�s de tenues aux couleurs des Verts, entass�s dans cet exigu espace, les yeux riv�s sur le petit �cran, suivent le match. On ne remarque pas notre pr�sence. Une jeune fille pousse un cri : �Oh ! mon Dieu, ils ont failli nous marquer.� Elle se tient la t�te et lance : �Que Dieu soit avec nous !� Des oh fusent lorsque l�un des joueurs nationaux rate un but. Et les commentaires vont bon train. �Mais ce n�est pas possible, la chance n�est pas avec nous aujourd�hui !� Et comme pour se rass�r�ner et se donner du courage, ils mart�lent : �Il reste encore toute une mi-temps, il faut garder espoir.� L�arbitre siffle la fin de la premi�re manche. La pi�ce se vide de ses occupants, chacun vaque � ses occupations. �On a un quart d�heure pour tout r�gler avant la deuxi�me p�riode, lance une TSS. Je vais vite faire la pri�re du dohr.� Un gar�on d�une dizaine d�ann�es quitte la salle en tra�nant sa potence, d��u, il sort changer d�air. Les enfants qui n�ont pas pu regarder la partie sont allong�s sur leur lit assist�s de leurs mamans. Changement de d�cor. Le service orthop�die : une propret� irr�prochable nous met du baume au c�ur. Au premier �tage, le calme est de rigueur. Plus haut, dans une des salles du service femmes, une t�l�vision est allum�e. Le son est � peine audible. Plus d�une dizaine de femmes, qui, assises sur des si�ges, qui sur les deux lits des malades, ont les yeux braqu�s sur la t�l�vision. Elles retiennent leur souffle � chaque d�rapage de l�EN. N�osant pas m�introduire dans leur espace, une dame d�un certain �ge, allong�e sur son lit, nous invite � rejoindre les �supporters �. �Moi, je pr�f�re ne pas regarder, cela me fait mal au c�ur et me stresse.� La seconde mi-temps a repris depuis pr�s d�un quart d�heure. Ghezzal prend la place de Djebbour, les filles sont scandalis�es. �Quel g�chis, Ghezzal mazal, on court vers la d�faite !� Des �tudiantes en m�decine ne peuvent cacher leur angoisse, elles croisent les doigts, se mordillent les l�vres. N�en pouvant plus, la dame sort de la salle en grommelant : �Je n�en peux plus, en plus, ils ont color� leurs cheveux platine, �a ne leur a pas port� bonheur !� A dix minutes de la fin, la Slov�nie marque un but. C�est la d�solation. Les �tudiantes �tent leurs blouses et sortent. Profond�ment d��ues. �Ils nous ont ridiculis�s.� Dehors, les passants affichent une v�ritable face de car�me, et chacun va de ses vocif�rations contre les Verts. La d�ception est totale.