C�est la derni�re histoire que raconte l��crivain �gyptien Ala Aswani : alors qu�il �tait chez un ami, la fille de ce dernier, �l�ve du primaire, a interrog� son p�re : �Papa, quelles sont les grandes et gigantesques r�alisations du pr�sident Moubarak ?� Le p�re a r�pondu d'un ton d�cisif : �Le pr�sident Moubarak n'a aucune r�alisation gigantesque � son actif !� La fille est sortie, et le cours de la conversation a repris, mais l'h�te a paru soudain saisi par un doute. Il s'est lev�, a appel� sa fille, et l'a questionn�e : �Pourquoi m'as-tu interrog� sur les r�alisations du pr�sident Moubarak ?� Elle a r�pondu : �C'est le sujet de l'expos� que je suis en train de pr�parer pour demain.� Le p�re : �Et qu'as-tu �crit � ce sujet ?� La fille : �J'ai �crit comme tu me l'as dit : que Moubarak n'avait pas de r�alisations gigantesques � son actif.� Le p�re, paniqu�, a alors entrepris d'expliquer � sa fille qu'elle devait �crire dans son expos� ce que le ma�tre leur avait enseign� sur le sujet et non pas ce que disait son p�re. Il n'a eu de cesse de lui rendre hommage que sa fille n'ait achev� son texte de louanges au pr�sident Moubarak. Et notre �crivain de commenter : �J'ai quitt� le domicile de mon ami en pensant que nous �tions en train d'apprendre � mentir � un �ge pr�coce. Nous apprenons, d�s l'enfance, que la v�rit� est une chose et ce qui doit �tre dit une autre chose. Cette fillette va grandir, elle va se marier, avoir des enfants et elle leur apprendra, comme elle-m�me l'a appris, qu'on ne doit pas forc�ment dire la v�rit�. Elle enseignera � ses enfants qu'il n'est pas toujours utile de dire ce qu'ils pensent, mais qu'il est pr�f�rable de dire ce qui les sauvera du ch�timent ou leur apportera un b�n�fice, m�me au d�triment de la v�rit�. � A l'�poque du parti unique, les hom�opathes du FLN n'h�sitaient pas � proclamer que toute v�rit� n'�tait pas bonne � dire, et qu'il fallait, si n�cessaire, la distiller, � toutes petites doses. Le peuple est fragile et la v�rit� ass�n�e comme un rem�de de cheval peut lui valoir des s�quelles irr�versibles. C'est ainsi qu'on a fabriqu� un peuple de bons musulmans qui mentent comme des charlatans d�guis�s en proph�tes. Parfois, il est difficile de distinguer la v�rit� du mensonge, comme lorsque deux interlocuteurs se traitent mutuellement de menteurs. C'est le cas de la pol�mique actuelle entre l'�gypte et le Qatar � propos de la diffusion de la cha�ne Al Jazeera. Ce qui montre que la politique et le football ne font pas toujours bon m�nage. Le football, c�est la politique avec des coups francs en plus, car les politiciens, c�est connu, ne sont pas franc du collier et ils affectionnent les coups bas. A l�heure o� vous lirez ces lignes, l�Alg�rie aura pris, esp�rons- le, une option pour aller de l�avant en Coupe du monde. Sinon, je plains le tandem Raouraoua-Sa�dane, qui sera en premi�re ligne pour essuyer les premi�res salves iconoclastes. En cas de d�faite, les coupables sont d�ores et d�j� tout d�sign�s. Tous ceux qui ont plus ou moins b�n�fici� de la bouff�e d�oxyg�ne apport�e par nos footballeurs �chapperont � la vindicte. Ils pourront m�me participer � la cur�e, crier haro sur le baudet, sans vouloir offenser les sus-nomm�s et dire qu�ils �les� avaient avertis. Ce sont les al�as du m�tier, m�me si le couperet ne tombe pas toujours au bon endroit. Tous les politiciens, leurs clients et leurs courtisans �chapperont �videmment au lynchage, sauf le tandem Raouraoua-Sa�dane. On me dira qu�ils connaissaient pertinemment la r�gle du jeu et qu�ils l�avaient accept�e, ayant �t� suffisamment instruits de la trop grande proximit� entre le Capitole et la roche Tarp�ienne. Il n�emp�che : je suis fonci�rement contre cette fatalit� des boucs �missaires qui laisse le beau r�le aux r�colteurs de lauriers des lignes arri�re � tous les �lectrons qui gravitent sans risques autour du ballon rond. Voil� pourquoi, tout en �tant optimiste � quelques heures du match contre la Slov�nie, je prends les pr�cautions d�usage. En cas de malheur, ne vous contentez pas de regarder les deux arbrisseaux qui cachent la for�t o� cohabitent hy�nes, chacals, loups, renards, tapirs, vip�res et kangourous. Ah, le ressort de nos kangourous ! C�est qu�ils nous les envient, parfois, ces lointains Australiens qui sont cens�s d�tenir le monopole de cette engeance animale. Cela �tant, je ne pr�juge pas de l�avenir ou du devenir imm�diat des deux ma�tres d��uvre de notre ci-devant euphorie nationale. Que Dieu la pr�serve, jusqu�� la fin du Ramadan, pour oublier le reste, tout le reste. Je me contente simplement de rappeler qu�en cas de malheur, il serait anormal, voire profond�ment injuste, que Raouraoua et Sa�dane soient les cibles uniques du ressentiment populaire. Que diable ! On a bien fait des guerres pour des causes plus futiles que l�orgueil national, pourquoi pas des sursauts populaires ou des r�volutions ? Pour r�futer d�avance toute accusation d�incitation, je m�empresse de pr�ciser que cette alternative est suspendue, �videmment, au comportement de notre �quipe lors de cette Coupe du monde. Je serais, en effet, humili�, mortifi� de lire et d�entendre les commentaires d�sobligeants des �gyptiens, si l�EN venait � faillir. Ce n�est pas le malheur qui d�stabilise les Alg�riens, mais les rires moqueurs des voisins. Ceci dit sous toutes r�serves. Je ne peux pas oublier, aussi, la bouille hilare de Khaddafi, � peine dissimul�e par ses lunettes de soleil (cinq dans tes �Ray Ban Ma�mar !) pour B�douin de ville. Le �Roi d'Afrique�, je le vois d�j� d'ici, va convoquer un conseil sous la tente sp�cial fou-rire collectif. Il ne nous aime pas le �Za�m� libyen, il n'aime pas notre �quipe nationale, et encore moins nos Amazighs. Des Amazighs, il veut bien qu'on en parle, mais au pass� simple, comme on parle des peuples aujourd'hui disparus. � la rigueur, il veut bien nous laisser nous accrocher au wagon de l'Histoire, mais � condition qu'on adopte la �bible� de Othamne Sa�di, qu'on accepte un anc�tre venu du Y�men. Je n'ai rien contre les fr�res y�m�nites, mais pourquoi s'obstiner justement � les imposer comme �mes� fr�res ? Alors mon petit Ziani, pour figer d�finitivement l'�bauche de sourire de Khaddafi, en rictus de miracul� d'une attaque c�r�brale, un petit but, rien qu'un petit but. Un coup franc, comme tu sais en ex�cuter, pour un de tes co�quipiers, fa�on Sa�dane, afin que Khaddafi, qui n'arr�te pas de nous frapper au-dessous de la ceinture, puisse ravaler son cri de triomphe. Dire que cet ingrat a m�me oubli� que les Alg�riens l'ont soutenu lorsqu'il a fait son coup d'�tat contre le roi Idriss. Oui, na�fs et exalt�s que nous �tions, nous avons soutenu un �tranger contre un membre de notre famille. Nous avons applaudi la chute du roi Idriss Senoussi, notre parent, d�tr�n� par un obscur officier de son arm�e. Nous avons oubli� le soutien du roi Idriss � notre lutte arm�e, l'hospitalit� offerte � nos dirigeants en exil, alors qu'aujourd'hui son successeur veut interdire � son �quipe de jouer contre l'Alg�rie. Allez va ! Retourne chez ton copain Moubarak qui te traite comme un gamin effront�, et laisse-nous � notre remords d'avoir abandonn� notre cousin Idriss de Mostaganem. Tenez, � choisir entre le Turc Erdogan, et l'Amazigh d�froqu�, Khaddafi, qui la joue �seigneur du d�sert�, je pr�f�re le premier. Erdogan est peut�tre l'ami de tout le monde, sauf de Kemal Atat�rk, mais Khaddafi, c'est l'ami de tous les autres, except� les Alg�riens. Alors, pour en finir avec ce dictateur qui r�ve de la monarchie, votez avec moi pour le retour de la ch�chia du roi Idriss. Vive le roi Idriss et vive la dynastie des Senoussi !