Lauréat d'une quinzaine de prix en Algérie et à l'étranger et bénéficiant surtout d'un intérêt du public appréciable, le long-métrage Jusqu'à la fin des temps de Yasmine Chouikh est, certainement, le film algérien de l'année 2018. «A force d'être démodée, elle devient à la mode», dit une célèbre publicité au sujet d'un modèle de voiture. On pourrait (presque) dire la même chose de Jusqu'à la fin des temps, un film qui a ignoré tous les ingrédients du film commercial. Le décor (lugubre) est planté: un cimetière près d'un douar au nom tout aussi lugubre de Sidi Boulekbour (le seigneur des tombes). Joher (rôle interprété par Djamila Arras), la soixantaine, à l'occasion d'une «ziara» (pèlerinage), vient pour la première fois se recueillir sur la tombe de sa sœur. Elle fait la connaissance d'Ali (Boudjemaâ Djillali), fossoyeur et gardien du cimetière. Elle lui demande de l'aider à préparer ses propres funérailles. On s'ennuie ferme dans ce patelin. L'unique personne «positive» dans ce coin perdu au milieu de nulle part est Nassima (Imene Noël), une femme très généreuse qui se promène l'épaule dénudée et les cheveux aux quatre vents dans un pays où les femmes sont habituellement toutes voilées. «Le spectateur va d'abord voir un corps, une image, avant de connaître le personnage. C'est ce qu'on fait exactement dans la vie: on juge les gens à partir de leurs apparences. Nassima est un personnage que le spectateur pourrait éventuellement juger. Je ne donne aucun indice sur son activité dans le village. Au cours du film, le spectateur se fera une idée réelle ou pas. C'est la question que j'aimerai qu'il se pose à la fin du film. Il va peut-être s'interroger pourquoi a-t-il jugé le personnage à travers sa tenue vestimentaire», explique Yasmine Chouikh qui a étudié les arts et les sciences de l'homme et diplômée en psychologie et en sciences de l'éducation. L'organisation, étape par étape, des futures funérailles de Joher, va bouleverser le quotidien du vieil Ali. Le cimetière va se transformer en théâtre amoureux. Des gens qui ne pensaient qu'à la mort, ne pensent maintenant qu'à l'amour. Jusqu'à la fin des temps est le premier long métrage de Yasmine Chouikh qui a déjà réalisé les courts- métrages La Porte (2006) et El Djinn (2010), primé au Festival du cinéma musulman de Kazan, la capitale du Tatarstan en Russie. Dès son enfance, Yasmine a joué comme actrice dans le film La Citadelle (1987) de son père Mohamed Chouikh. Elle a également joué dans un téléfilm de Djamel Bendedouche en 1990, puis dans le long-métrage Douar de femmes (2004) de Mohamed Chouikh, notamment. Elle a également travaillé dans la presse écrite en signant ses articles culturels par le pseudonyme «El Gania». La jeune réalisatrice a participé aux Rencontres du Cinéma de Gindou (département du Lot en région Occitanie) en France où elle avait notamment réalisé un entretien avec le cinéaste mauritanien Abderrahmane Sissako. Yasmine Chouikh qui est aussi scénariste, présente un programme télévisé cinématographique à la télévision nationale algérienne depuis 2005. Elle est directrice artistique du Festival international du court-métrage de Taghit et a été responsable des courts-métrages au Festival international du film arabe d'Oran. Dans l'impressionnant palmarès du film Jusqu'à la fin des temps, figurent deux prix à la 7e édition du Festival du film maghrébin d'Oujda au Maroc, le Grand prix et le prix de la Meilleure interprétation féminine au Festival International du film méditerranéen d'Annaba, Le "Khindjar d'or" Grand prix, du Festival international du film de Mascate (Sultanat d'Oman), ainsi que le prix «Alhambra de Plata», au Festival international du cinéma de Grenade, «Cines Del Sur», en Espagne. Jusqu'à la fin des temps a été retenu dans la liste des 87 films en lice pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Kader B.