Abdelaziz Bouteflika a procédé, hier vendredi, à la convocation du corps électoral pour l'élection présidentielle dont il fixe la date au jeudi 18 avril 2019. C'est ce qu'annonce un communiqué officiel de la présidence de la République diffusé dans la matinée d'hier à travers l'agence officielle l'APS. Un communiqué qui, bien évidemment, enclenche le compte à rebours avec, cette fois, une date fixe. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Voici la teneur dudit communiqué : «En application de l'article 136 de la loi organique relative au régime électoral, Monsieur Abdelaziz Bouteflika, président de la République, a pris ce jour (vendredi) un décret présidentiel convoquant le corps électoral pour l'élection présidentielle qui se déroulera le 18 avril 2019. Le même décret dispose, également, une révision exceptionnelle des listes électorales qui s'effectuera du 23 janvier au 6 février 2019». La convocation du corps électoral en question, intervient, cette fois dans un contexte politique inédit à tout point de vue. En fait, Abdelaziz Bouteflika venait de fixer une date à une élection présidentielle qui n'emballait plus, ni les partis, ni les personnalités de l'opposition, ni - et c'est le plus étonnant - les partis et le personnel politique du pouvoir ! A désormais moins de trois mois du rendez-vous politique censé être le plus important pour le pays, aucune précampagne n'a précédé cette annonce qui reste, somme toute, une formalité institutionnelle, qu'est la convocation formelle du corps électoral. Mieux, l'on a eu même droit à un scénario inverse : la campagne pour le cinquième mandat pour Abdelaziz Bouteflika, enclenchée par le Front de libération nationale dès février 2018, puis par le Rassemblement national démocratique du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, en juin de la même année, pour ne citer que ces deux grands partis du pouvoir, cessera brutalement aux deux derniers mois de l'année 2018. Entre novembre et décembre, des instructions fermes émanant de la présidence feront que, subitement, le FLN, le RND, le TAJ notamment, adopteront des postures identiques au MPA de Amara Benyounès : plus aucun mot sur le cinquième mandat. Plus encore : même le mot «élection présidentielle» est devenu tabou dans le discours officiel chez les partis de la coalition présidentielle. Une coalition présidentielle qui, elle aussi d'ailleurs, et après une «naissance» en fanfare, début novembre, au niveau du palais du Gouvernement, à l'occasion d'une rencontre au sommet entre les quatre chefs de partis du FLN, du RND, de TAJ et du MPA, cessera subitement, aussi, de rendre publiques ces rencontres au sommet. Des rencontres qui ont désormais comme lieu la très fermée résidence d'Etat à Zeralda. Le 19 décembre dernier, les quatre chefs de partis en question, à savoir Ahmed Ouyahia, Moad Bouchareb, Amara Benyounès et Amar Ghoul s'y sont rendus pour une première rencontre. Frappée du sceau de la confidentialité, cette rencontre s'est déroulée en présence des ministres de souveraineté (Intérieur, Affaires étrangères, Justice) en plus du proche conseiller, Tayeb Bélaïz. Durant ce conclave, il a été question de la révision constitutionnelle, de «la conférence nationale» et des «réformes politiques» qui viendraient se substituer au rendez-vous électoral d'avril prochain. A propos de la révision constitutionnelle, il est également à rappeler qu'un groupe de travail s'y penche, dans la confidentialité totale également, au niveau du cabinet du Premier ministre Ahmed Ouyahia depuis plus de deux mois. C'est ce qui explique l'attitude des partis de la coalition de ces dernières semaines. L'annonce, ce vendredi, de la convocation officielle du corps électoral sera-t-elle de nature à mettre fin à la torpeur générale qui frappe la classe politique depuis des semaines ? Dans la journée d'hier, il n'y a eu qu'une seule réaction partisane officielle, celle du parti TAJ, de Amar Ghoul. Dans un communiqué, le parti affirme qu'il salue la décision «prise par le Président Abdelaziz Bouteflika de convoquer le corps électoral et la tenue de l'élection présidentielle dans les délais». De même, «nous réitérons notre appel, poursuit le communiqué de TAJ, à Son Excellence le président de la République, à se présenter à ce rendez-vous électoral». Certes, il faut s'attendre à d'autres réactions de la part de l'ensemble de la classe politique. Ce qui est intéressant à suivre, par contre, sera la forme que prendront ces réactions. Particulièrement chez l'opposition. Il ne faut pas oublier, en effet, qu'aucune candidature digne de ce nom n'est encore annoncée officiellement, pour le moment. Du sein de l'opposition, cela s'entend. Car, et contrairement aux présidentielles précédentes, y compris celle, pourtant «inhabituelle» de 2014, la convocation du corps électoral pour la présidentielle de 2019 enclenche, certes, le compte à rebours mais n'en reste pas moins qu'une simple formalité. Tout se jouera dans cet intervalle de trois mois où le maintien de Bouteflika au pouvoir reste la seule finalité du pouvoir. Hier, il était surtout question de «sauver les apparences», celles du respect du calendrier électoral, mais tout le reste est à venir ! Il ne s'agira pas d'une «ligne droite» pour ainsi dire. Pour preuve, tout le soin pris par le pouvoir pour la confection de la liste des désignés au titre du tiers présidentiel au Conseil de la Nation. Quitte, pour cela, à enfreindre une disposition constitutionnelle pourtant très claire, l'installation officielle du Conseil de la Nation, à la suite du renouvellement partiel de ses membres, et qui devait intervenir, obligatoirement, le 15 janvier dernier, tout a été reporté par la présidence. Cette cérémonie officielle qui devrait intervenir dimanche ou lundi prochain verra l'arrivée au niveau de la Chambre haute du Parlement de nouveaux sénateurs désignés qui auront subi un tri des plus rigoureux. «Des enquêtes approfondies ont été effectuées sur chacun de ces membres pour ne pas avoir à se tromper sur les profils, notamment en termes de loyauté et de fidélité au Président, surtout à la veille d'échéances politiques cruciales pour le pays», nous révèle une source sûre. K. A.