Ligue 1 Mobilis: le MCO rate le coche face à l'USMK (0-0)    CPI : les mandats d'arrêt à l'encontre des responsables sionistes sont "contraignants"    Réunion OPEP-Russie : l'importance de la stabilité des marchés pétroliers et énergétiques soulignée    CAN-2025 U20 (Zone UNAF) 4e journée (Tunisie-Algérie) : victoire impérative pour les "Verts"    Sansal, le pantin du révisionnisme anti-algérien    Organisation du 20e Salon international des Travaux publics du 24 au 27 novembre    Startups : Les mécanismes de financement devraient être diversifiés    Jeux Africains militaires–2024 : l'équipe nationale algérienne en finale    Ghaza : 25 Palestiniens tombés en martyrs dans des frappes de l'armée sioniste    La Révolution du 1er novembre, un long processus de luttes et de sacrifices    70e anniversaire du déclenchement de la Révolution : la générale du spectacle "Tahaggart ... l'Epopée des sables" présentée à Alger    Nécessité de renforcer la coopération entre les Etats membres et d'intensifier le soutien pour atteindre les objectifs    Accidents de la circulation en zones urbaines: 11 morts et 418 blessés en une semaine    Le ministre de la Santé met en avant les progrès accomplis par l'Algérie dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens    Le Conseil de la nation prend part à Montréal à la 70e session de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN    Khenchela: 175 foyers de la commune d'El Mahmal raccordés au réseau du gaz naturel    Le Général d'Armée Chanegriha préside la cérémonie d'installation officielle du Commandant de la 3ème Région militaire    Palestine: des dizaines de colons sionistes prennent d'assaut l'esplanade de la mosquée Al-Aqsa    Regroupement à Sidi-Moussa    JSK – PAC en amical le 21 novembre    La liste des présents se complète    Poutine a approuvé la doctrine nucléaire actualisée de la Russie    L'entité sioniste «commet un génocide» à Ghaza    Liban : L'Italie dénonce une nouvelle attaque «intolérable» de l'entité sioniste contre la Finul    Un nourrisson fait une chute mortelle à Oued Rhiou    Sonatrach s'engage à planter 45 millions d'arbres fruitiers rustiques    Campagne de sensibilisation au profit des élèves de la direction de l'environnement de Sidi Ali    Pour une économie de marché concurrentielle à finalité sociale    Sonatrach examine les opportunités de coopération algéro-allemande    Semaine internationale de l'entrepreneuriat    Il y a 70 ans, Badji Mokhtar tombait au champ d'honneur    L'irrésistible tentation de la «carotte-hameçon» fixée au bout de la langue perche de la Francophonie (III)    La femme algérienne est libre et épanouie    Les ministres nommés ont pris leurs fonctions    «Dynamiser les investissements pour un développement global»    Le point de départ d'une nouvelle étape    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Contribution
Il y a 45 ans, Houari Boumedi�ne Par Ali Mebroukine*
Publié dans Le Soir d'Algérie le 20 - 06 - 2010

Tout Alg�rien a le droit de porter sur le pr�sident Houari Boumedi�ne le jugement qui lui sied. Qu�il s�agisse de la l�gitimit� historique du patron de l�EMG, de son entr�e tardive dans les rangs de l�ALN, de sa prise de pouvoir en 1962, de l��viction de Ahmed Ben Bella (ci-apr�s ABB) en 1965 ou des orientations qu�il a cherch�es � donner sur les plans �conomique, social et culturel jusqu�au fameux tournant d�avril 1977, la d�bat reste largement ouvert et il appartient � chacun (citoyen ou historien) de s�en saisir, s�il le souhaite.
A ce propos, il me para�t utile de rappeler que chacun doit pouvoir donner son point de vue en toute libert� et de pr�f�rence �tayer son plaidoyer (en faveur de qui il voudra) par des arguments scientifiques. Personne ne peut d�nier le droit, quelle qu�ait pu �tre � un moment donn� sa proximit� de tel ou tel acteur de l�histoire, au pr�sident du RCD, le droit de publier un ouvrage document� sur le colonel Amirouche (le Dr Sadi est un enfant de ce pays et il n�a pas � solliciter l�autorisation de qui que ce soit pour contribuer � l��criture de l�histoire). Ceci dit, la clase politique alg�rienne est, semble-t-il, la plus veule et la plus ingrate du monde arabe. 32 ans apr�s la mort de H. Boumedi�ne, personne n�a encore song�, parmi ses compagnons de route, � cr�er une fondation pour honorer la vie et le parcours de cet homme d�exception, toute d�di�e au service du pays. Tout se passe comme si le pr�sident H. Boumedi�ne n�avait jamais exist�, n�avait pas cherch� � instaurer un ordre social juste et �quitable que le capitalisme f�odal alg�rien (qui n�avait eu de cesse de collaborer avec l�ordre colonial) cherchait � d�manteler, n�avait pas lanc� la doctrine du Nouvel ordre �conomique international (qui inspire aujourd�hui, tous les courants altermondialistes), n�avait pas cr�� les conditions d�une paix d�finitive au Proche-Orient en collaboration �troite avec le roi Fay�al Ibn S�oud, opportun�ment assassin� en mars 1975. Tous les hommes, dont H. Boumedi�ne a fait la carri�re, les extirpant du n�ant dans lequel ils se d�battaient, se d�fendent aujourd�hui d�avoir �t� ses collaborateurs, redoutant probablement les foudres de l�actuel locataire d�El Mouradia qui pourtant les ignore superbement, ayant d�j� r�alis� son r�ve de pr�sider aux destin�es de l�Alg�rie et �tant en passe de d�tenir le record de long�vit� � la t�te de l�Etat (15 ans en 2014). Honte � tous ces mercenaires que H. Boumedi�ne avait plac�s aux avant-postes, alors qu�il aurait pu puiser dans le vivier constitu� par les plus authentiques militants du PPA/ MTLD, pour le plus grand bien de l�Alg�rie. Ces mercenaires rappellent �trangement ceux qui ont rejoint les rangs de l�ALN, en mars 1962, quelques jours seulement avant la proclamation du cessez-le-feu, apr�s avoir vendu leur �me au diable. Lorsqu�on voit aujourd�hui de quelle fa�on les Fran�ais, de quelque ob�dience qu�ils appartiennent, c�l�brent l�homme du 18 juin 1940 (autrement dit le g�n�ral de Gaulle), on est afflig� � et le mot est faible � par l�amn�sie qui semble frapper tous ceux que H. Boumedi�ne a combl�s de ses bienfaits. Ceci dit, le 45e anniversaire du �coup d�Etat� du 19 juin 1965 est l�occasion de revenir sur la crise de l��t� 1962 (I), les errements de la pr�sidence ABB (II), la signification de sa destitution par H. Boumedi�ne (III), le projet de soci�t� que ce dernier ambitionnait de r�aliser entre 1965 et 1977(IV), enfin le fameux tournant d�avril 1977 (V).
I. La crise de l��t� 1962
Elle vient cristalliser les conflits de l�gitimit� qui ont toujours �t� sous-jacents � l�unanimisme de fa�ade de la Direction du FLN/ALN. L�annonce par le g�n�ral de Gaulle, le 16 septembre 1959, d�un r�f�rendum sur l�autod�termination des populations alg�riennes, l�affaiblissement consid�rable des wilayate de l�int�rieur � partir de mars 1959, l�autonomisation croissante du GPRA � la faveur de l�internationalisation du conflit alg�rien, la mont�e en puissance de l�EMG, seule entit� politico- militaire organis�e et soud�e ; l�ensemble de ces facteurs se ligueront, au moment de la proclamation de l�ind�pendance, pour faire obstacle � l��mergence d�une seule institution habilit�e � repr�senter l�ensemble des forces sociales et politiques alg�riennes. Ce n�est pas le lieu de refaire la relation de la crise de l��t� 1962. Mais il s�agit de faire justice de quelques contrev�rit�s qui continuent de truffer le r�cit historique des �v�nements de 1962.
1. Le GPRA n�a jamais �t� le d�positaire de la souverainet� nationale, m�me si, � lui, �tait revenue la charge de n�gocier puis de signer les Accords d�Evian. Il avait achev� sa mission au soir du 18 mars 1962, cependant que l�Ex�cutif provisoire, institu� par ces m�mes accords, n�a � aucun moment �t� en mesure d�exercer ses pr�rogatives.
2. Il en r�sulte que le GPRA n�avait aucun titre � destituer l�EMG, d�autant moins d�ailleurs que celui-ci �tait une �manation du CNRA qui �tait seul habilit� � sanctionner, le cas �ch�ant, les chefs de l�EMG. Qu�il n�ait pu s�y r�soudre ou seulement l�envisager renvoie � l�absence totale d�un leadership incontestable et incontest� au moment de l�ind�pendance. Cette situation objective n�en d�l�gitime pas moins le GPRA � d�savouer l�EMG car le GPRA n�a jamais �t� per�u que comme un des surgeons du FLN/ALN, celui-ci comprenant �galement le CNRA, les wilayate de l�int�rieur, les �historiques � d�tenus au ch�teau d�Aulnoy et le Comit� interminist�riel de la guerre (CIG).
3. Le colonel Boumedi�ne, qui n�a jamais cherch� a priori l�affrontement avec le GPRA, pouvait d�autant moins se r�soudre � l�alliance insolite conclue entre un GPRA divis� (suite � l��limination de F. Abb�s par B. Ben Khedda en 1961) et les Wilayate III et IV ainsi que la F�d�ration de France du FLN (en juillet 1962), qu�historiquement les Wilayate III et IV avaient toujours d�nonc� l�inertie du GPRA, au plus fort de l�affrontement entre l�ALN et l�arm�e fran�aise, avant de contester ouvertement sa vocation � s�exprimer au nom de la R�volution alg�rienne.
4. Le pourrissement de la crise de l��t� 1962, qui aurait d� trouver son �pilogue le 6 ao�t lorsque la F�d�ration de France du FLN fit all�geance au Bureau politique (constitu� � Tlemcen) et apr�s que ce dernier fut reconnu par K. Belkacem et M. Boudiaf (le 2 ao�t) n�est pas imputable � l�EMG, mais � la volont� de quelques irr�ductibles du groupe de Tizi-Ouzou de marginaliser le colonel Boumedi�ne qui n�avait pas moins de qualit� qu�eux � prendre les r�nes du pouvoir � l�ind�pendance.
II. L��viction d�Ahmed Ben Bella
Quelque opinion qu�on ait du �coup d�Etat� du 19 juin 1965, aucun Alg�rien ayant v�cu la p�riode 1962-1965 ne peut en garder la nostalgie. Ceux qui font grief au pr�sident H. Boumedi�ne d�avoir �limin� par la force ABB doivent savoir que celui-ci conduisait le pays droit vers l�ab�me, multipliant les d�cisions d�magogiques, allant jusqu'� nationaliser bains maures et gargotes, emprisonner le personnel politique qui osait seulement manifester sa circonspection � l��gard de sa politique (comme ce fut le cas du Dr Ahmed Taleb Ibrahimi qui fut son compagnon de d�tention � la prison fran�aise de la Sant�, en 1958, et qui avait pourtant renonc� � toute ambition politique en 1962), mettre entre parenth�ses la Constitution du 10 septembre 1963 quelques semaines seulement apr�s sa promulgation en l�gif�rant par ordonnances, alors qu�aucune circonstance d�ordre int�rieur ou ext�rieur ne le justifiait. L�application de l�autogestion dans les conditions les plus fantasques qui soient mena�ait de paralyser l��conomie du pays � tout moment. Quant � l��ducation, ABB avait fait venir d��gypte une cohorte de cireurs, de cordonniers et de marchands de beignets qui s��taient improvis�s enseignants et qui seront les premiers � d�truire les fondations de l��cole alg�rienne. Au sein de l�administration r�gnaient l�indiscipline dans le travail, le populisme, le n�potisme, la fuite en avant. Laisser ABB programmer, organiser et mettre � ex�cution le chaos de l�Alg�rie, alors que celle-ci venait de payer au prix fort son ind�pendance e�t �t� une attitude irresponsable. Il est inexact � cet �gard d�attribuer le renversement de ABB � la menace que ce dernier aurait fait peser sur la coh�sion du groupe d�Oujda, � partir du mois de d�cembre 1964. Dans les mois qui suivirent l��lection d�ABB (soit � partir du 1963), le bureau du colonel H. Boumedi�ne �tait litt�ralement assailli par des moudjahidine et des responsables du FLN qui l�exhortaient � faire barrage aux foucades d�ABB. Ce � quoi le colonel Boumedi�ne, alors 1er vice-pr�sident de la R�publique et ministre de la D�fense, opposait son attachement au l�galisme et son refus subs�quent de porter atteinte aux pr�rogatives d�un pr�sident �lu au suffrage universel. Ceux qui pr�tendent que le colonel Boumedi�ne pr�parait la prise du pouvoir depuis sa d�signation par le CNRA � la t�te de l�EMG, en janvier 1960, font liti�re du refus qu�il avait constamment exprim�, � partir de 1962, de prendre quelque initiative que ce soit � l�encontre du pr�sident ABB. Il avait fallu que le d�sordre institutionnel atteigne son acm� (en juin 1965) pour que H. Boumedi�ne se r�sol�t � franchir le pas fatidique. Il y aurait beaucoup � dire sur le temp�rament vell�itaire et attentiste de H. Boumedi�ne qui d�ment totalement le profil de va-t-en-guerre que lui accole une partie des historiens.
III. La signification de la destitution d�ABB
Ce n�est pas seulement avec l�appui des membres du groupe d�Oujda que le colonel Boumedi�ne est parvenu � renverser ABB. Il a b�n�fici� du soutien des anciens chefs des wilayate de l�int�rieur (S. Boubnider, Y. Khatib, T. Zbiri, M. Sa�d, M. Oulhadj, S. Soufi), d�autres officiers puissants (A. Chabou, A. Bencherif, S. Abid, Ch. Bendjedid, A. Belhouchet, A. Dra�a) ainsi que des personnalit�s engag�es depuis longtemps dans le combat anticolonial (A. Mendjli, A. Mahsas ou B. Boumaza). La politique de fuite en avant pratiqu�e par le pr�sident ABB avait fini par faire l�unanimit� contre lui. C�est seulement lorsqu�il prend acte de la d�gradation irr�m�diable de la situation politique que H. Boumedi�ne acc�l�re le processus de mise � l��cart d�ABB.
Il ne s�agissait pas d�un banal coup d�Etat men� par des hommes impr�gn�s de la culture du pronunciamiento ou du cuartellazo ; il fallait imp�rativement mettre un terme � une exp�rience qui risquait de co�ter cher � l�Alg�rie. Lorsque dans tel ou tel manuel d�histoire, on rel�ve que le colonel Boumedi�ne pr�parait la prise du pouvoir � l�ind�pendance en recherchant parmi les historiques celui qui lui servirait de paravent le plus commode, on omet de dire qu�� partir de 1959, tous les chefs politico-militaires alg�riens ont le regard riv� sur l�ind�pendance, non pas comme �v�nement majeur qui viendra d�finitivement lib�rer tout un peuple asservi et mutil� par 130 ans de colonisation, mais comme une aubaine pour prendre la place du colonisateur. C�est un hasard de l�histoire qui fait qu�au moment o� l�EMG se constitue en force militaire autonome, celui qui la dirige n�est pas un chef militaire ordinaire, uniquement soucieux d�ordre et de discipline. Il s�agit d�un homme qui a r�fl�chi aux ressorts profonds du colonialisme, � la d�structuration profonde de la soci�t� alg�rienne sur le plan culturel et celui des repr�sentations symboliques, un homme qui �tait capable d�appr�cier, au travers de l�exacerbation des luttes de clans et de factions, que l��lite politique alg�rienne candidate � la succession de l�Etat colonial n�avait pas encore pleinement acc�d� � la conscience nationale et manquait de maturit�. Avec beaucoup d�autres, silencieux parce qu�impuissants, il redoutait que l�ind�pendance ne soit d�tourn�e de sa vocation originelle qui consistait � redonner � l�Alg�rie une �me que la colonisation lui avait �t�e et engager le pays sur la voie de la reconstruction, du d�veloppement et aussi de la justice sociale. Des hommes comme ABB, H. A�t Ahmed, K. Belkacem ou B. Ben Khedda, si grande qu�ait �t� leur d�termination � combattre le colonialisme et si m�ritoires que fussent leurs sacrifices, n�apparaissaient pas en mesure de rassembler les Alg�riens autour des t�ches prioritaires de l�ind�pendance ou de s�adresser � un auditoire plus vaste que celui de leurs client�les respectives (car leur approche �tait ind�niablement de type client�liste, � l�exception de H. A�t Ahmed qui se consid�rait d�j� comme le za�m de la r�volution et le plus apte � jouer les directeurs de conscience, r�le qu�il continue d�exercer encore aujourd�hui avec le succ�s que l�on sait). Seul le colonel Boumedi�ne avait r�fl�chi, con�u et �labor� dans la solitude de son bureau de travail au PC de Ghardimaou, un v�ritable projet de soci�t� pour l�Alg�rie. Les jeunes universitaires qui avaient rejoint l�arm�e des fronti�res en 1960 n�avaient jamais entendu un chef politico-militaire, dans la clandestinit� qui pr�valait encore � cette �poque, leur parler d�ind�pendance, de construction de l�Etat, de rassemblement de la nation, de lutte contre le n�potisme, le clanisme ou le client�lisme. Cet homme qui avait la prescience des �v�nements et pouvait se projeter tr�s en avant du cessez-le-feu de mars 1962 (horizon ind�passable pour certains acteurs politiques), c��tait H. Boumedi�ne.
IV. La p�riode 1965-1977
Il est impossible dans le cadre restreint de cette contribution de d�cliner les grandes r�alisations de H. Boumedi�ne pendant la p�riode 1965-1977. Ce qu�il nous para�t important de retenir est que la construction d�un Etat puissant et f�d�rateur est au c�ur de sa conception de la nation alg�rienne, historiquement conglom�rat h�t�roclite de tribus et de fractions de tribus, cependant que le d�veloppement �conomique passait � ses yeux comme � ceux de la quasi-totalit� des experts par le d�veloppement des industries industrialisantes.
1. Sur la construction de l�Etat
Encore en 2010, on continue de faire reproche au pr�sident Boumedi�ne d�avoir �t� un �tatiste imp�nitent, plus du reste qu�un socialiste. Ceux qui alimentent ce grief ne connaissent pas l�histoire de l�Alg�rie et plus encore la question de l�Etat dans des r�gimes implant�s � l�issue d�une longue p�riode de colonisation et de domination �trang�re. D�s l��veil du nationalisme alg�rien, le fait �tatique est soumis � trois hypoth�ques structurelles : l�islam qui a ciment� la r�sistance du peuple alg�rien � l�oppression coloniale, �la communaut� trans�tatique de langue et de culture� (M. Camau) et l�ensemble des particularismes �thniques, tribaux et r�gionaux. Aux yeux de H. Boumedi�ne, la construction d�un Etat alg�rien suffisamment puissant pour incarner les aspirations du peuple alg�rien au d�veloppement devait tenir compte de la pr�gnance historique de l�islam et de la vigueur des particularismes infra-�tatiques qui sont toujours � l��uvre dans notre pays, presque 50 ans apr�s l�ind�pendance. Ces facteurs constituaient deux contraintes objectives dirimantes � l��closion d�un Etatnation construit sur le mod�le de l�Etat occidental. Contrairement � ce que soutient M. Harbi ( L�Alg�rie et son destin. Croyants ou citoyens, Arcant�re, 1992, 247 p. p.195), �H. Boumedi�ne [ne] croyait [pas], comme tous les nationalistes populistes, au mythe d�une communaut� �trang�re aux factions�, pas plus qu�il n�a cherch� � manipuler l�opinion publique alg�rienne. Il avait au contraire su appr�cier � sa juste valeur la construction d�un Etat moderne d�gag� de la traditionalisation autant que du n�opatriarcat, lesquels ont l�une et l�autre min�, � travers l�histoire, la construction des Etats arabes. Tout au long de la p�riode 1965- 1977, H. Boumedi�ne lutte de fa�on acharn�e (Cf. A. Taleb- Ibrahim, M�moires d�un Alg�rien, Tome 2, La passion de b�tir [1965 1978], Casbah Editions, 2008) contre la privatisation de l�Etat en mettant en place des institutions qui auront la primaut� sur les relations interpersonnelles et combat obstin�ment la client�lisation de la soci�t�, l�allocation des ressources politiques devant s�effectuer pour promouvoir l�int�r�t g�n�ral (R�volution agraire, gestion socialiste des entreprises, r�cup�ration de richesses naturelles, �l�vation du niveau culturel des populations, etc.) et non pour mobiliser des all�geances, comme entreprendra de le faire son successeur Ch. Bendjedid entre 1977 et 1992.
2.- Sur la strat�gie �conomique
Ce n�est pas le pr�sident H. Boumedi�ne qui a cherch� � imposer urbi et orbi une strat�gie de d�veloppement �conomique sans consulter aucun expert et sans longuement r�fl�chir � l�impact qu�elle peut produire sur le d�veloppement de l�ensemble du pays. Au milieu des ann�es 1960, pr�vaut une doctrine forg�e par F. Perroux et G. D. de Bernis en vertu de laquelle les pays qui entendent se d�velopper et qui disposent d�une rente susceptible d��tre transform�e en capital productif, doivent rechercher les p�les d�industrialisation dont les effets sur les autres secteurs de l��conomie seront importants. En outre, ce qu�on appelle �les cha�nes de d�s�quilibres cr�ateurs� g�n�reront de nouvelles branches qui r�troagiront sur les premiers en les stimulant. Les responsables politiques de l��poque devaient r�pondre � trois questions fondamentales : quelles productions encourager, quel march� satisfaire et quels doivent �tre les principaux acteurs de ce processus. La r�ponse � la premi�re question est qu�il convient d�encourager les productions qui poss�dent un caract�re �industrialisant� (industries lourdes, chimie, �nergie), la r�ponse � la seconde est qu�il convient de privil�gier le march� int�rieur. Quant � la r�ponse � la troisi�me question, elle consiste � affirmer le r�le pr�pond�rant de l�Etat, car lui seul, tout au moins dans une premi�re phase, peut mobiliser des capitaux importants et lui seul, ne serait-ce qu�en raison d�un secteur priv� balbutiant, peut s�engager dans des op�rations industrielles dont la rentabilit� n�est pas � court terme mais � long terme. La raret� d�une main-d��uvre qualifi�e, le niveau �lev� des co�ts induits par le fonctionnement des unit�s industrielles (au regard de la taille r�duite du march� alg�rien), l�endettement qu�elle portait en germe (car il s�agissait d�acqu�rir des industries hautement capitalistiques, par cons�quent on�reuses) et enfin l�effet d��viction qu�elle n�a pas manqu� de provoquer sur les autres secteurs de l��conomie ont conduit le pr�sident Boumedi�ne � instaurer une pause dans la mise en application de cette strat�gie. S�agissant de la R�volution agraire, le principe unanimement admis � l��poque (il ne s�agissait donc pas d�une lubie de H. Boumedi�ne) �tait que toute croissance agricole devait passer par la constitution d�un secteur industriel int�gr�. Dans l�Alg�rie des ann�es 1960, l�agriculture avait vocation � contribuer au d�veloppement de l�ensemble du pays � travers le r�le des produits agricoles (l�agriculture devant nourrir une population en croissance tr�s rapide), le d�veloppement du r�le du march� (car le secteur agricole devait servir de d�bouch� � la production industrielle de biens de production et de biens de consommation), l�apport de main- d��uvre (dans la mesure o� l�agriculture fournit � l�industrie les salari�s dont elle a besoin) et enfin et surtout l�accroissement de l�accumulation puisque aussi bien la part de plus en plus importante que repr�sente l�agriculture dans le PIB va lui permettre de d�gager des ressources qui financeront l�accumulation du capital dans les autres secteurs. Quelque bilan que l�on veuille dresser de cette politique, force est d�admettre qu�elle ob�issait � un souci de coh�rence, une d�marche globale dans laquelle la part d�ambition personnelle ou l�attrait du pouvoir, s�ils existaient ind�niablement, se dissolvaient dans le souci primordial de cr�er les conditions du d�veloppement �conomique, le d�collage industriel de l�Alg�rie et l�autosuffisance alimentaire.
V. Le tournant d�avril 1977
De tous les universitaires et chercheurs alg�riens qui ont eu � porter une appr�ciation sur le bilan de H. Boumedi�ne, seule une, Claudine Chaulet (authentique r�sistante au colonialisme qui fut une compagne de route de Abane et � laquelle jusqu�ici personne n�a rendu l�hommage qu�elle m�rite), a r�ussi � th�oriser l�indiff�rence des masses populaires � l��gard du projet de soci�t� �labor� par H. Boumedi�ne et notamment la R�volution agraire dans sa remarquable th�se de doctorat (Les fr�res, la terre et l�argent, OPU, Alger, 1986, 3 tomes).
En avril 1977, H. Boumedi�ne prend conscience des quatre hypoth�ques suivantes :
1. Les fellahs, les salari�s du secteur public et la classe politique dans son ensemble n�adh�rent plus au projet de d�veloppement du pays, quels que soient les r�sultats positifs obtenus et nonobstant la n�cessit� de passer � une deuxi�me phase dans laquelle le co�t du d�veloppement devra �tre moindre, les ambitions industrielles revues � la baisse et la responsabilisation des agents �conomiques plus grande.
2. Il n�est plus possible pour lui de continuer � s�adosser � des clans et des factions qui ne sont pas tant hostiles � l�option socialiste du pays que r�fractaires � toute politique visant la satisfaction de l�int�r�t g�n�ral et la lutte contre l�enrichissement personnel en provenance des fonds publics.
3. L�instrumentalisation des valeurs fondatrices de la nation alg�rienne par quelques lobbies (notamment ceux de la tendance arabo-ba�thiste) l�inqui�te au plus haut point, cependant qu�une arabisation outrageusement d�magogique qu�il n�a jamais pr�conis�e menace de d�truire � terme toute l��cole alg�rienne.
4. Enfin, le pr�sident Boumedi�ne prend conscience qu�il lui faut songer � se rel�gitimer, non plus en r�inventant de nouvelles formes de bonapartisme social ou politique (comme cela avait �t� le cas dans le sillage du redressement du 19 juin 1965) mais en dotant le pays d�institutions d�mocratiques, en commen�ant d�abord par r�activer les institutions consultatives, en associant l�expertise locale tenue � l��cart de la r�flexion sur le projet de soci�t� et en d�cidant de faire accomplir au FLN un profond aggiornamento (ce qui passait, � ses yeux, par un renouvellement du personnel politique).
Le changement commence par un important remaniement minist�riel d�cid� en avril 1977 qui mettra fin, entre autres, � l�h�g�monisme st�rile de B. Abdesslam sur l�industrie et l��nergie. Mais 17 mois plus tard, alors que H. Boumedi�ne est engag� � fond dans une entreprise de transformation de sa politique (y compris �trang�re, notamment vis-�-vis du Maroc fr�re), il tombe gravement malade avant de d�c�der le 27 d�cembre 1978. Au prononc� du nom de son successeur, � l�issue du 4e congr�s du FLN, d�aucuns ont eu le sentiment que l�Alg�rie passait de la lumi�re aux t�n�bres.
A. M.
* Professeur d�universit�


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.