Ils ne nous ont certes pas habitués à des visages rayonnants et des attitudes qui inspirent la joie de vivre mais on les a rarement vus avec ces têtes d'enterrement. Ils arboraient la mine morose et le regard inquiet. Au moment précis où on pouvait logiquement attendre d'eux quelque débordement d'enthousiasme, les premiers de cordée de l'Alliance présidentielle renvoyaient plus la détresse de l'incertitude que l'euphorie des grands vainqueurs. A tel point que ça a fait «débat», et pas seulement par défaut. S'ils ne nous ont pas habitués non plus aux surprises, celle-ci pourrait en constituer une première : Ouyahia, Bouchareb, Ghoul et Benyounès n'ont même pas tenté la simulation du propos convaincu et du port déterminé. S'ils ne pouvaient naturellement pas surprendre grand monde en s'accrochant à un cinquième mandat d'Abdelaziz Bouteflika, ils ont quand même réussi à le faire, à leur corps défendant, en donnant la nette impression qu'ils étaient plus dans le colmatage de la brèche béante que sur le chantier d'un nouveau projet dans la… continuité comme l'a suggéré a posteriori Ouyahia en recourant à un pénible exercice de contorsion. En faisant allusion dans un propos sibyllin à l'éventualité que Bouteflika ne puisse pas aller au bout d'une nouvelle mandature, auquel cas un dialogue élargi est envisagé pour la suite, il a puisé dans l'énergie du désespoir pour vendre un consensus pourtant très peu ou pas du tout perceptible sur l'épreuve du moment. On aurait pu leur concéder le mérite de la franchise : «Bouteflika est notre candidat et il ne fera pas campagne», c'est le Premier ministre qui le dit. Mais on y a vu plutôt le baroud d'honneur arrogant que la quête sincère d'une dernière volonté et ce n'est pas de l'extrapolation, que de le prendre ainsi. En allant plus loin à la manière de quelqu'un qui exagère sa faute pour convaincre qu'il a raison, il a confirmé le sens de sa première salve. N'est-ce pas qu'il a déclaré dans la foulée qu'aucun espace ne sera concédé aux partisans du boycott et que la force publique sera mobilisée pour empêcher toute velléité d'expression des voix discordantes ? Mais c'est déjà ça de gagné. On sait à quoi s'en tenir s'agissant des libertés et le pouvoir, par la bouche entrouverte de ceux qui l'incarnent politiquement ne fait plus un secret de l'incapacité physique à gouverner d'Abdelaziz Bouteflika. On est déjà loin du «Président qui gère le pays avec sa tête et non avec ses pieds» d'Amara Benyounès et de toutes les autres perles qui ont meublé l'actualité politique de ces dernières années. Dans la moiteur des mains rassemblées au terme du conclave de l'Alliance, il y avait plus la prière que la harangue d'avant le combat. S. L.