On ne sait pas qui a vendu l'idée de Ramtane Lamamra comme candidat de substitution à Reuters mais on sait que ça pourrait être aussi bien un ballon de sonde destiné à tâter le terrain d'un changement dans… la continuité, une diversion pour gagner du temps ou alors une «vraie» alternative, sérieusement envisagée. Puisque la culture du leurre ne pouvait pas disparaître par miracle de la tête d'un pouvoir qui n'a pas donné jusque-là la moindre impression d'avoir compris ce qui se passe, il n'a aucune raison d'imaginer une alternative sérieuse à la situation. Encore heureux qu'il songe un instant à «faire quelque chose» en dehors de son entêtement jusqu'au-boutiste, est-on tenté de dire. Mais on est aussi tenté de dire qu'il n'est pas naïf au point de ne pas comprendre certaines choses. S'il fait semblant d'ignorer la nature et les motivations profondes du vent de révolte qui traverse le pays, il a quand même l'œil et l'oreille sur la rue. Il doit donc savoir ce qu'elle lui envoie comme messages. Ce n'est pas parce qu'Ouyahia dit que «les Algériens ont le droit de choisir un candidat ou s'opposer à un autre» qu'il n'a pas compris par ailleurs que ce n'est pas vraiment ce que demandent les Algériens. Ce n'est pas non plus parce qu'il promet une conférence nationale pour débattre du changement… après les élections, qu'il ne sait pas que si changement il peut y avoir, personne ne l'envisage en sa présence, avec Bouteflika à la tête du pays. A ce titre, le pouvoir doit savoir la vanité d'une énième pirouette, surtout que l'option Lamamra semble assez grossière pour avoir une chance de passer. Même si, en la matière, le pouvoir ne nous pas habitués à faire dans la finesse, il serait étonnant qu'il y pense. L'homme a rapidement vendangé son capital sympathie dû à sa réputation d'homme intègre et de fin diplomate. Au final, il a été un «ministre comme un autre», il a même eu ses heures de courtisan zélé à la suite de Ghoul ou Benyounès et il a accepté de revenir pour un strapontin de circonstance après avoir été viré sans ménagement. Et même si la fin de Bouteflika commence à être intégrée chez ses partisans, ils savent que le temps de l'entourloupette a vécu. Désormais, ils savent ce qu'il leur reste : un sursaut de lucidité qui puisse permettre au pays une transition sans dégâts ou l'escalade dont ils assumeront l'entière responsabilité. Avec l'entrée sur scène des étudiants dont on connaît et le volume et la vigueur dans l'engagement, avec les provocations qui commencent à se multiplier et la perspective immédiate d'un deuxième vendredi prometteur en termes de mobilisation, il faut qu'il se passe quelque chose de significatif en dehors de la rue et le plus vite sera le mieux. S. L.