L'état d'urgence imposé au Soudan par le Président Omar el-Béchir restreint les libertés publiques, a déclaré hier le ministre de la Justice Mohamed Ahmed Salem devant les députés de ce pays secoué depuis mi-décembre par des manifestations antigouvernementales. M. Béchir a décrété le 22 février l'état d'urgence pour un an à travers tout le pays après avoir d'abord mené une répression qui a échoué à contenir le mouvement de contestation contre son régime. «Imposer l'état d'urgence a un impact négatif parce que cela restreint les libertés publiques», a affirmé le ministre soudanais de la Justice Mohamed Ahmed Salem au Parlement en présentant cette mesure présidentielle qui fera l'objet d'un vote des députés le 11 mars. «Nous espérons que les raisons pour lesquelles l'état d'urgence a été imposé disparaîtront bientôt», a-t-il ajouté. Dominé par le Congrès national (NCP), le parti du Président Béchir, le Parlement devrait approuver l'état d'urgence. Déclenchées le 19 décembre par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, dans un pays en plein marasme économique, les manifestations se sont rapidement transformées en une contestation du pouvoir de M. Béchir, qui dirige le pays d'une main de fer depuis un coup d'Etat en 1989. Selon un bilan officiel, 31 personnes sont mortes depuis le début des manifestations. Human Rights Watch (HRW) évoque le chiffre de 51 morts. Et des centaines de manifestants, leaders de l'opposition, militants et journalistes, ont été arrêtés depuis décembre, d'après des ONG. Depuis la mise en place de l'état d'urgence, les rassemblements sont devenus plus rares. Plusieurs centaines de manifestants ont toutefois été arrêtés jeudi dernier dans la capitale et à Omdourman, sa ville voisine et conduits devant des tribunaux d'exception. Huit protestataires ont été condamnés à de la prison pour participation à une manifestation interdite. M. Béchir a également nommé 16 officiers de l'armée et deux agents du puissant Service national du renseignement et de la sécurité à la tête des 18 provinces du pays. Hier, la Haut-Commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU Michelle Bachelet a dénoncé les répressions violentes des manifestations au Soudan, au Zimbabwe et en Haïti. Les manifestants «réclament un dialogue respectueux et de vraies réformes. Et pourtant, dans plusieurs cas, ils sont accueillis par un usage violent et excessif de la force, par des détentions arbitraires, des tortures et même selon certaines informations des exécutions extra-judiciaires», a-t-elle déploré.