Les évènements en cours dans le pays font l'objet d'une attention particulière de certaines capitales et institutions étrangères. Les réactions se sont ainsi enchaînées ces derniers jours, partagées entre discours diplomatiques ambigus et soutien franc aux manifestants algériens contre le cinquième mandat. Fans ce contexte, les Américains sont les derniers à avoir réagi, et ils l'ont fait hier de manière assez surprenante en prenant quasiment position en faveur du mouvement populaire mobilisé depuis plusieurs jours contre une nouvelle candidature du Président Abdelaziz Bouteflika. Les mots d'ordre enregistrés dans les manifestations révèlent aussi une grande volonté des Algériens d'en finir avec le système lui-même suscitant un intérêt exprimé de manière très claire par le département d'Etat. Interrogé par des journalistes lors d'un point de presse, le porte-parole de l'institution chargée des affaires étrangères a affirmé que «les Etats-Unis soutiennent le peuple algérien et son droit à manifester pacifiquement». «Nous suivons les mouvements de protestation qui se déroulent, poursuit-il, et nous allons continuer à le faire.» A quelques termes près, l'Union européenne a marqué, elle aussi, son soutien à la mobilisation populaire algérienne la considérant comme une marque d'expression libre qu'elle appelle à respecter. La porte-parole de la Commission de l'UE a tenu à rappeler que les «manifestations, les droits de liberté d'expression et de réunion sont inscrits dans la Constitution algérienne» et que le pouvoir en place en est garant. «Nous attendons que ces droits puissent être exercés de façon pacifique et soient garantis dans le respect de l'Etat de droit», a-t-elle ajouté. La suite de l'intervention de Mme Kocijancic est exprimée de manière très diplomatique et sans doute chargée de sous-entendus : «Plusieurs candidats ont soumis leur dossier, dit-elle, il appartient maintenant au Conseil constitutionnel algérien de confirmer leur conformité avec la Constitution et la loi électorale.» Il faut savoir aussi que les manifestations en cours dans le pays ont fait également réagir des personnalités ayant occupé des postes de haut niveau. Javier Solana, ancien secrétaire général de l'OTAN et ancien ministre des Affaires étrangères espagnol, a fait montre d'une certaine inquiétude quant à l'évolution que pourraient prendre les évènements. Dans un message posté sur son compte Tweeter, ce dernier a voulu démontrer l'importance de la situation algérienne aux Espagnols davantage focalisés sur le Venezuela. Rappelant la proximité de l'Espagne et les intérêts qu'entretient ce pays avec l'Algérie, Javier Solana estime ainsi que «la confirmation de la candidature de Bouteflika pour la cinquième fois à la présidence de la République algérienne, dans ses conditions physiques, perturbera la clarté du résultat électoral. Les manifestations qui se déroulent en Algérie montrent le rejet de cette candidature.» Dans ses déclarations publiques, Paris contredit tout ce qui se dit tout bas ou dans les médias français. Le très grand intérêt que porte la France officielle à la situation actuelle, l'entretien téléphonique qu'aurait eu Macron avec son ambassadeur en Algérie, le déplacement urgent de ce dernier pour rendre compte au MAE des derniers développements, et toutes les autres rumeurs en cours sur les activités auxquelles se livrent les diplomates sur place ne sont en rien perceptibles dans les propos tenus aux journalistes. «Les mots ont un poids, souligne le secrétaire d'Etat français auprès du ministère des Affaires étrangères, et l'on sait à quel point ce poids est important dans les relations entre l'Algérie et la France.» Il évoque également l'obligation de sauvegarder «la bienséance des relations entre Etats», rappelant que la France n'avait pas «très bien pris les commentaires des pays voisins et amis qui avaient commenté des mobilisations dans notre pays, par conséquent, nous nous abstiendrons d'utiliser les mêmes méthodes vis-à-vis de nos amis et voisins.» Il ajoute, toutefois, la jeunesse algérienne s'exprime dans le calme, qu'on la laisse s'exprimer (…) C'est au peuple algérien souverain qu'il revient de s'exprimer, de choisir ses dirigeants et de décider de son avenir.» Dans son édition de mercredi, le Canard enchaîné publie une déclaration du MAE français dans laquelle il explique la prudence de son pays. «Si on prend position, on va nous accuser d'ingérence. Les relations franco-algériennes, c'est toujours compliqué.» Hier après-midi, l'Assemblée nationale française s'apprêtait à interroger le gouvernement sur la situation algérienne. A. C.