Les robes noires ont marché hier dans la capitale. Malgré quelques heurts avec les forces de l'ordre, des milliers d'avocats ont réussi à marcher de la Grande-Poste jusqu'au tribunal Abane-Ramdane, scandant « Système dégage » et autres slogans pour dire non au prolongement du quatrième mandat présidentiel. Salima Akkouche - Alger (Le Soir) - Imposante marche des avocats hier sur Alger. Ils étaient des milliers à venir manifester leur rejet du prolongement du quatrième mandat du Président sortant. Regroupés d'abord aux alentours de 9h30 devant la Grande-Poste, les avocats décident d'entamer une marche vers 11h, en passant par la rue Pasteur pour faire un tour via le tunnel des Facultés et revenir au lieu du départ. Les services de sécurité sont déployés en force. Un premier groupe d'avocats réussit à monter la rue Pasteur scandant « Système dégage », « Djazaïr horra démocratia ». Mais les forces anti-émeutes interviennent pour bloquer le reste des manifestants. Ces derniers restent sur place et scandent « Khawa khawa ». Rien à faire, les forces de l'ordre n'abdiquent pas. Du côté de la Fac centrale, le premier groupe de manifestants, conduit par maître Selini, président du Conseil de l'Ordre des avocats, vient de sortir du tunnel et marche pour revenir à la Grande-Poste. A mi-chemin, les forces de l'ordre interviennent également pour bloquer les manifestants. Les avocats réussissent, après quelques minutes, à franchir le cordon de sécurité, sous les applaudissements des citoyens. Les avocats reviennent à la Grande-Poste pour tracer un nouvel itinéraire allant de la rue Larbi-Ben-M'hidi jusqu'au tribunal Abane-Ramdane, en s'arrêtant un moment devant la stèle de l'émir Abdelkader pour entonner des chants patriotiques et demander le respect de la Constitution. « Nous avons décidé de marcher pour montrer que la défense est solidaire de la demande du peuple qui réclame la fin de ce pouvoir pour aller vers une nouvelle république et le respect total de la volonté de ce peuple », déclare maître Selini. Selon le bâtonnier, «tous les représentants des avocats d'Algérie sont venus pour dire que c'est la fin de ce système ». Le Conseil de l'Union des avocats, dit-il, «reste mobilisé pour agir et prendre des positions en fonction de l'évolution de la situation du pays ». De son côté, maître Dabouze estime que la situation «est très grave». Les avocats, dit-il, sont sortis dans la rue pour soutenir le mouvement populaire. « Il faut reconnaître que c'est le peuple qui est sorti depuis le 22 février dernier et nous, les avocats, sommes sortis pour soutenir le peuple et dire non à un système corrompu .» Maître Dabouze poursuit : « Nous sommes en train de découvrir au fur et à mesure que la situation est très grave .» L'avocat qualifie ce qui se passe de « haute trahison ». « Quand vous entendez un responsable d'un parti vous dire que des forces non constitutionnelles avaient pris les prérogatives du Président et pendant plus de sept ans, elles exerçaient ses prérogatives, il s'agit d'une haute trahison, et ça n'a pas d'autres qualificatifs. Entendre le porte-parole du RND qui vous dit demandez à Ouyahia et aux autres avec qui ils parlaient lorsqu'ils prétendaient qu'ils parlaient avec le Président , sont des accusations très graves, il faudrait aussi ouvrir une enquête sérieuse lorsque vous entendez quelqu'un vous dire qu'un pays étranger, en l'occurrence la France, bénéficie du gaz algérien gratuitement car le Président et ceux qui ont agi à sa place avaient décidé de prolonger d'une façon illégale et illégitime une clause des accords d'Evian .». Selon lui, « les gens qui ont trahi le pays ne peuvent en aucun cas organiser quoi que ce soit, il faut qu'ils partent car le peuple est capable de gérer ses affaires et de s'en sortir comme il l'a fait en 1962 et 1991». S. A.