A Bouira, comme ailleurs en Kabylie, le double anniversaire du 20 Avril avec le Printemps berbère 1980 et le Printemps noir 2001, était très attendu et la population devait gérer l'une des situations les plus délicates de l'Histoire de son combat pour la démocratie, avec, d'un côté, ce qui est appelé communément le Hirak auquel cette même population a adhéré d'une manière toute naturelle dès le premier vendredi du 22 février en répondant massivement avant de sortir par centaines de milliers durant tous les vendredis jusqu'à celui d'avant-hier, et de l'autre, la commémoration du double anniversaire du 20 Avril 1980 et 2001, deux dates phares que , pour rien au monde, cette même population ne devait rater, surtout pour cette année. Car, ce qu'il fallait comprendre pour le 20 Avril de cette année, c'est que cet anniversaire avait un caractère très particulier avec un hommage très appuyé à tous les militants de l'amazighité et de la démocratie, partis pour la plupart à la fleur de l'âge en sacrifiant leur vie pour nous, militants de la cause encore vivants, puissions vivre ces moments d'éveil de tout un peuple. Oui, hier, la population de Bouira a répondu présente et a été, encore une fois, à la hauteur de l'événement. Et de quelle manière ? D'abord en gardant le caractère pacifique de la marche malgré toutes les intimidations entreprises dès les premières heures de la matinée par la police et la gendarmerie, en érigeant des barrages filtrants, ainsi que dans les gares routières, où des militants racontent avoir été fouillés minutieusement, et d'autres, se sont vu dresser des P-V, et d'autres encore, privés de leurs drapeaux amazighs. Des militants qui n'ont rien compris sur la signification de ces acharnements surtout de la part de certains gendarmes, lesquels ne font plus de distinction entre l'emblème de l'amazighité et le drapeau du MAK, ce mouvement indépendantiste de Ferhat Mehenni. Les militants sincères et des dizaines de milliers de citoyens qui ont décidé de marcher hier ont tout fait pour que le drapeau du MAK ne soit pas déployé durant la marche. Et cela a marché puisque, parmi les centaines de drapeaux amazighs et l'emblème national qui était omniprésent, les drapeaux du MAK ont été interdits par les citoyens eux-mêmes. Cela dit, et pour parler de la marche de ce samedi, des dizaines de milliers de citoyens , venus des quatre coins de la wilaya, et cela pour la première fois où des arabophones ont marché côte à côte avec les berbérophones en rendant hommage aux 128 martyrs du Printemps noir, mais également à tous les militants de la cause, morts ou assassinés à l'image de Kamel Amzal, Mouloud Mammeri , mais également Matoub Lounès dont les chansons éternelles ont été diffusées durant toute la matinée au niveau de la place des Martyrs, lieu de regroupement des militants avant l'entame de la marche. Au niveau de cette place où l'on a vu plusieurs figures de proue du MCB et de la cause amazighe, comme Brahim Bahmed, mais également des délégués des arouchs comme Djamel Yahiaoui, Djaâfar Abdedou, Arezki Lalmi communément appelé Ammi Arezki, des militants de l'amazighité comme Kadi Rabah qui était en compagnie de sa femme, des cadres du RCD depuis le président du BR, Kaci Yahiaoui, aux cadres du parti comme Meziane Chabane , élu à l'APW de Bouira, Slimane Chabane, Yahia Akkache, Mme Akkouche Zineb, des élus du FFS, dont Hamid Chachoua, vice-président de l'APW de Bouira, des enseignants de tamazight, mais également des milliers de citoyens anonymes de tous âges, des étudiants, tout ce beau monde était rassemblé là. Et après des prises de parole où les intervenants ont expliqué la symbolique de cette date-phare du combat pour la démocratie et pour l'amazighité, une minute de silence a été observée à la mémoire de tous les martyrs de l'amazighité, avant d'entamer la marche. Une marche qui a duré plus de deux heures et qui a mené les dizaines de milliers de manifestants depuis la place, le long du boulevard Krim-Belkacem jusqu'au siège de la Wilaya, puis le carrefour Harkat, rue Boussandala, et retour à l'esplanade de la Maison de la Culture Ali-Zamoum. Durant tout cet itinéraire, des « Ulac smah ulac », « Pouvoir assassin », « Y'en a marre de ce pouvoir » et autres « Anwi wigui, d'Imazighen », et « Corrigez l'Histoire, l'Algérie n'est pas arabe », ont fusé dans une ambiance électrique , à cause de la présence très remarquée des éléments antiémeutes de la police, stationnés en nombre aux abords dus siège de la Wilaya mais, également, autour de la stèle de l'émir Abdelkader au niveau du pont Sayah. Heureusement que les organisateurs ont été très lucides et ont, à chaque point sensible, constitué des cordons pour éviter tout contact entre les policiers et les manifestants dont beaucoup étaient surexcités par la symbolique de l'événement. A midi, et après plus de deux heures de marche et de slogans anti-pouvoir chantés à gorge déployée, mais également ceux de l'actuel Hirak, avec les « Dégagez tous » et autres « Yetnahaw gaâ », les dizaines de milliers de marcheurs se sont dispersés par groupes avec un calme exemplaire. Enfin, rappelons que durant la même matinée d'hier, des étudiants se proclamant du MAK ont organisé une marche à M'chédallah depuis le village Raffour jusqu'au siège de la daïra. Y. Y.