Le mois sacré tire à sa fin. La fougue de se remplir l'estomac, de courir derrière le meilleur pain, l'excellent qelb el louz s'estompe et laisse place à un autre délire. Vous l'avez deviné, l'achat des sacro-saints vêtements de l'Aïd ! Et il n'y aura pas que pour les enfants. Les adultes y auront droit aussi. Les femmes se bousculent au portillon des magasins de chaussures, de prêt-à porter et de robes traditionnelles. L'habit neuf pour les grands rivalisent avec celui des tout petits. On choisit la tenue la plus in, on se fait belle pour séduire son mari, épater sa belle-famille et fasciner ses hôtes. Il n'est surtout pas question de porter la même djellaba que celle du dernier Aïd. C'est une offense à ce jour béni. «Et que vont penser les voisines ? Que c'est la dèche au point de ne plus pouvoir m'offrir une nouvelle toilette ? Non ! Quitte à m'endetter. Je serai au top et je rendrai vertes de jalousie mes belles-sœurs. Il ne faudrait pas que j'oublie de prendre rendez-vous chez le coiffeur. Comme d'habitude, j'irai en soirée afin que mon brushing tienne.» Faire du lèche-vitrine sous la chaleur, le ventre creux, la bouche sèche n'est guère une mince affaire. Les boutiques sont littéralement prises d'assaut par toutes ces femmes qui, le front en sueur, jouent des coudes, se faufilent, passent en revue des dizaines de tenues, les essayent, tout en hésitant entre la couleur jaune paille, le rose fushia, le violet ou l'ocre. Le vendeur, quant à lui, ne sait plus où donner de la tête. De sa perche, il décroche l'habit suspendu au cintre, affiche un sourire commercial et jure par tous les saints à la cliente qu'il lui va à ravir. Un geste qu'il répète des dizaines de fois, au point de ne plus sentir ses bras. «Un rythme effréné qui se poursuit après le f'tour jusqu'à une heure du matin et sans répit, même la veille de l'Aïd pour les retardataires.» Paroles de vendeur !