C'est un Djamel Belmadi aussi «puncheur» qu'il ne l'était à son premier contact avec la presse nationale à son arrivée, en octobre 2018, qui s'est présenté hier au CTN/FAF de Sidi Moussa pour donner ses explications concernant le choix des 23 joueurs choisis pour la phase finale de la CAN-2019 (Egypte du 21 juin au 19 juillet) mais aussi les ambitions des Verts dans ce tournoi africain. A 20 jours de son match inaugural face aux Harambee Stars du Kenya, Belmadi ne veut pas se laisser gagner par le doute. «L'Algérie semble s'être habituée à quitter la CAN d'emblée. Certains ont certainement pris la mauvaise habitude. Pas moi, j'en ai marre et j'essaie de donner cette envie de se surpasser, de réussir, aux 23 joueurs qui défendront les couleurs du pays en Egypte». C'est en ces termes que le sélectionneur algérien a conclu son intervention face aux journalistes présents à l'amphithéâtre Omar-Kezzal du CTN de Sidi Moussa. Un Belmadi «offensif» qui a tenu à apporter les réponses qu'il pense «légitimes» portant sur ses choix «dictés par le contexte», assure-t-il. D'abord celui d'opter pour le Qatar au lieu de se préparer, comme cela se faisait par le passé, en Europe ou bien en Algérie. Le stage au Qatar, ou un autre pays de la région, c'est pour les conditions climatiques. A Doha, on est à 40° la journée. Pareil en Egypte. Si on restait à Sidi Moussa le soir on doit mettre des pulls et des collants tellement il fait plus frais que dans le pays où se déroulera la compétition. C'est surtout l'humidité qui a conditionné notre choix de lieu de la préparation. Un camp de base ultramoderne conçu pour le Mondial-2022, faut-il le souligner. Je ne peux également nier l'aspect lié à la disponibilité des sparrings sur le lieu du stage. Et là, je tiens à dévoiler que nous avons fait venir le Burundi et le Mali grâce à l'aide de la fédération du Qatar», dira l'entraîneur national «optimiste» pour réaliser «la meilleure préparation possible». De ses choix concernant la liste des joueurs, Belmadi montrera une certaine amertume même s'il se voulait sûr dans ses choix. Des décisions qu'il ne regrette pas. D'abord, le cas Islam Slimani, le centre-avant des Verts «inactif» avec son club, Fenerbahçe depuis le 22 février, et dont la convocation à la CAN-2019 a laissé perplexe plus d'un. «J'ai énormément confiance en Islam Slimani. Personnellement, je sens une cabale contre lui. Personne n'est prophète en son pays et je crois qu'Islam subit cet adage. Les gens oublient vite ce qu'il a fait pour la sélection depuis qu'il a été convoqué la première fois. C'est quelqu'un qui va arriver encore plus motivé alors que c'est déjà un guerrier. Ça peut être très intéressant pour l'équipe d'autant plus qu'il a assez d'expérience à ce niveau. Certains parlent de son manque de compétitivité, mais je dirais qu'il a quand même joué 25 matchs dont 22 fois comme titulaire et a inscrit 5 buts», affirme Belmadi qui précisera que «Slimani, avec qui on n'a jamais perdu le contact, nous propose un autre style que Bounedjah». Belmadi ne pense-t-il pas qu'il a sacrifié un Naïdji, buteur en ligue 1 Mobilis avec 20 réalisations, en optant pour un attaquant inactif depuis voilà quatre mois ? L'ancien Marseillais regrette surtout le manque d'expérience du baroudeur du Paradou AC qui serait, à ses yeux, victime de «son manque d'expérience internationale même en club». Il regrettera davantage la blessure de Belfodil qui «constituait une priorité dans mes choix», fera savoir Belmadi qui ne manque pas d'évoquer les folles rumeurs concernant les raisons des forfaits de l'attaquant de Hoffenheim et d'autres joueurs comme Bentaleb et Ghoulam. «Belfodil, on est partis le voir en Allemagne, il nous avait dit qu'il n'avait jamais été aussi motivé. On lui avait proposé un rôle important mais il s'est blessé et sa sélection est devenue compromise», notera Belmadi qui répondra sommairement sur le cas Delort, le buteur de Montpellier qui a demandé à rejoindre l'EN algérienne mais dont la situation administrative n'est pas en règle. «En principe, je ne parle pas de lui pour la simple raison qu'il n'est pas sélectionnable. J'avais déclaré qu'il suffit d'avoir son S12 pour venir en sélection, mais j'avais oublié le changement de nationalité sportive. Il avait une grande envie de nous rejoindre mais son dossier a mis trop de temps pour aboutir. On va retenir sa grande envie de rejoindre la sélection», confie-t-il. «Guedioura n'est pas un choix par défaut» Même s'il ne fera pas de remarque au sujet de la complémentarité et l'efficacité espérée de son compartiment offensif, Belmadi promet une «équipe offensive» lors de cette compétition africaine. C'est plutôt dans le compartiment offensif où il nourrit le plus d'inquiétudes avec deux jeunes prometteurs (Bennacer et Boudaoui), un vieux briscard (Guedioura) et un joueur qui revient de blessure (Abeid). A propos du milieu de Nottingham Forest, Belmadi ne cache pas qu'il n'avait pas beaucoup de choix dès lors que Bentaleb, Chita puis Lekhal n'étaient plus opérationnels pour cause de blessures. «Certes, Adlène Guedioura m'avait déçu contre le Bénin. D'autres joueurs ensuite m'ont satisfait comme Chita même si à l'époque on disait que c'était un choix osé. Il s'est blessé et on a dû passer à autre chose. Même chose avec Victor Lekhal, il joue12 minutes et se blesse. Aujourd'hui, on n'a pas beaucoup de choix dans ce registre mais Adlène Guedioura n'est pas un choix par défaut. Il sait que si Chita ou Victor Lekhal étaient là, il n'y serait pas», tranche Belmadi qui confirme, néanmoins que Taïder ne pouvait être retenu à cause de son mauvais rendement lors des dernières apparitions en sélection. «Taïder, il a peut-être été sacrifié. Ses performances n'ont pas toujours été au top en sélection même si en club ça se passe bien. J'attends autre chose de lui au milieu, je l'apprécie mais il doit être déçu», répond-il en assurant avoir donné la chance aux jeunes. «Au milieu, j'ai Boudaoui (19 ans), Bennacer (21 ans) sont jeunes. On pense à l'avenir mais là on a un objectif à court terme. Mais ce n'est pas le cas à tous les postes», poursuit-il. A propos de la sélection de Mehdi, retenu pour la CAN-2019 malgré un retour tardif à la compétition après deux mois d'absence. Il est d'ailleurs attendu durant le match «retour» des barrages, ce soir, contre Lens, à Dijon, Belmadi reste évasif : «Abeid avait repris depuis trois semaines mais son coach ne l'a pas trop fait jouer» d'où quelques incertitudes sur la forme actuelle de l'ancien médian de Newcastle. Pour ces choix défensifs, Belmadi semble, toutefois, avoir eu beaucoup trop «souffert» pour composer son compartiment arrière lui qui reconnaît avoir «mis du temps à donner la liste» du fait qu'il a mené «une réflexion jusqu'au bout». Avouant qu'il apprécie bien le jeune Loucif qui a «les mêmes caractéristiques que Youcef Atal , Belmadi dit avoir retenu Zeffane à cause de son capital expérience. Mais aussi parce qu'il avait besoin d'un «joueur un peu différent». «Zeffane n'a pas fait une saison au top mais il a quand même joué l'Europa League. Il n'a pas forcément donné sa pleine mesure en sélection mais j'avais besoin de ce profil», indiquera Belmadi qui s'est réjoui du retour à la compétition de Mehdi Tahrat. «Il enchaîne les matchs depuis deux mois, avec la réserve puis l'équipe première. Quatre ou cinq matchs, c'est toujours mieux que rien. Il est très bien, il monte en puissance», note le sélectionneur algérien également «ravi» du retour du gardien d'Al-Ettifaq, M'bolhi. «M'bolhi est à Sidi Moussa depuis le 20 Mai avec Aziz Bouras. Avant, on l'a pris en charge une semaine à Paris puis durant une dizaine de jours dans le sud de la France avec le préparateur physique de la sélection. Je pense qu'il sera prêt pour la compétition», révèle Belmadi qui dément l'information selon laquelle Ghoulam est blacklisté. «On s'est déplacé à Naples et Ghoulam m'a fait parvenir le message pour dire qu'il n'est pas prêt. Il veut profiter de l'intersaison pour revenir plus fort la saison prochaine. Pour moi, il n'est pas blacklisté. C'est son choix de ne pas disputer cette phase finale. Nous, on verra à l'avenir». Quel système pour un éventuel sacre ? Cela a souvent été un vrai dilemme au sein de la sélection nationale même si depuis l'arrivée de Belmadi des «experts» avancent que l'EN a une nouvelle identité dans le jeu. Une personnalité qui, par le passé, offrait une certaine aisance aux sélections algériennes sur les terrains du continent sans vraiment être matérialisée par des titres sur la scène internationale. Pour Djamel Belmadi, le facteur temps ne permet pas de travailler profondément les contours d'une équipe homogène, et dont les joueurs évoluent les yeux fermés comme l'étaient un temps les Belloumi, Madjer et autre Assad. «Moi, je ne reste pas figé sur un système de jeu mais il est vrai que le facteur temps fait qu'on préfère donner aux joueurs les systèmes les plus simples», relève-t-il. Serait-ce pour autant un obstacle pour tenir ses promesses affichées à son arrivée à la barre technique de l'EN ? Sans se renier, Belmadi reconnaît la difficulté de la tâche en Egypte. «Ça aurait été facile pour moi de dire qu'on est en transition. Ça aurait été un discours pour quelqu'un qui veut gagner des mois de contrat, mais moi je ne pense pas comme ça. Il n'y a aucune ambiguïté dans mon discours. L'ambition c'est gratuit, personne ne peut vous l'interdire et moi je ne me l'interdis pas.Le discours que j'entendais jusque-là avant chaque CAN qu'on allait faire de notre mieux, mais on n'a jamais gagné de CAN avec ce type de discours. Là, on change juste de discours. On a l'ambition de gagner la Coupe d'Afrique. Et on a l'ambition, ça ne veut pas dire qu'on va le faire mais on va tout faire pour. Evidemment que je ne garantis rien mais je pense que certains déforment mon discours», résume celui qui pense qu'il faut prendre tous les adversaires avec le même sérieux, la même détermination de s'imposer. «Aujourd'hui, il n'est plus possible de prendre à la légère une équipe en Afrique. On va préparer le Kenya du mieux possible». Et il ne compte pas, à cet effet, se cacher derrière les subterfuges faisant du temps et du lieu des obstacles pour réussir de tels paris. «Les conditions climatiques qui nous attendent son traumatisantes pour beaucoup de sportifs. J'évolue dans cette région du monde depuis un bon moment. On ne pense pas aux conditions d'accueil, si on va recevoir des pierres ou non. Il faut juste se dire qu'on ira en Egypte pour tout donner», conclut Belmadi. M. B.