La corporation de la presse s'est réveillée, hier, sur une terrible nouvelle : Fouad Boughanem s'en est allé après une longue lutte contre la maladie. Le directeur de la rédaction du Soir d'Algérie est parti comme il a vécu… discrètement, sans faire de bruit. Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - «Aujourd'hui j'ai perdu un frère, un frère avec qui je partageais une grande complicité .» Nacer Belhadjoudja, le directeur de la rédaction du Soir d'Algérie, a du mal à retenir son émotion en parlant de Fouad Boughanem. « Depuis mes débuts dans la profession, il nous disait toujours de prendre du recul quel que soit le sujet que nous devions traiter », ajoute-t-il. Fouad a été inhumé, hier après-midi, au cimetière de Dely Brahim, à quelques ruelles de chez lui. Un enterrement calme et silencieux, à l'image du personnage. Amar Belhimer, professeur et chroniqueur au Soir, un ami de longue date, est là parmi la foule. «Je connaissais Fouad depuis le lycée El-Idrissi, nous avons passé notre jeunesse ensemble. Il a été de toutes les luttes démocratiques, dans l'exemplarité parfaite et du respect pour autrui. Il portait en lui des valeurs humanistes qu'il a essayé de transmettre. L'expérience du Soir est là pour l'attester », explique Belhimer. Plusieurs personnalités politiques ont tenu à lui rendre un dernier hommage. Parmi elles, Karim Younes, Mokdad Sifi ou encore Salah Goudjil. « Nous venons de perdre un des piliers du journalisme en Algérie. Je garde d'excellents souvenirs de Fouad Boughanem, dont deux très particuliers, témoigne Soufiane Djilali. Le premier en 2001, au plus fort du mouvement des arouch, je l'avais approché pour lui demander de cosigner une déclaration qui s'appelait ‘'Nous sommes tous Kabyles''. Il l'avait fait immédiatement, sans poser de question. Le second souvenir, qui n'est pas vraiment un épisode mais plutôt une attitude, lorsque, durant les années 2000, je ne pouvais publier nulle part mes contributions, Fouad a toujours ouvert les colonnes du Soir d'Algérie. Fouad Boughanem était un homme d'une grande politesse, très affable, dont le sourire précédait toujours le bonjour .» Maâmar Farah, membre fondateur du Soir d'Algérie, salue la mémoire de son camarade. « Fouad, c'est toute une histoire. C'est le militant de l'UNJA, c'est le journaliste de l'Unité, c'est ce jeune homme intègre et compétent que j'ai eu le plaisir d'accueillir à Horizons. Puis nous avons lancé ensemble, en compagnie d'autres amis, Le Soir d'Algérie. J'ai encore le souvenir de notre entrée à la Maison de la presse qui était un ministère abandonné. Fouad a été un bon animateur de la rédaction avant de prendre la responsabilité de la gestion du journal. Il a été un excellent gestionnaire malgré des conditions très difficiles car la ligne éditoriale ne plaisait pas au pouvoir de l'époque. Cela nous a valu d'être sanctionnés par dix années de privation de publicité institutionnelle et même de publicité privée. C'était un gars mesuré, qui n'aimait pas se mettre en avant mais était très efficace .» Lors du premier mandat de Bouteflika, alors que des titres de presse faisaient l'objet de pressions de la part du pouvoir politique, Fouad Boughanem et des journalistes du Soir d'Algérie étaient embarqués par la police de Zerhouni. « J'avais écrit une chronique intitulée ‘'Fouad face à sa destinée'', il m'a appelé pour me dire qu'il n'avait pas apprécié que je lui consacre un tel écrit. Fouad était ainsi, il refusait de se mettre en avant », note Maâmar Farah. Fouad Boughanem, c'est aussi l'homme qui a fait du Soir d'Algérie une véritable école du journalisme. Il a ouvert les portes du métier à au moins deux générations de journalistes. Merci et adieu Fouad… T. H. Réactions Abderrahmane Mebtoul, Docteur d'Etat en Economie et Expert International : «Fouad était un brillant journaliste» «J'ai appris avec une profonde tristesse le décès de Fouad Boughanem, le directeur du quotidien Le Soir d'Algérie, ce mercredi 5 juin 2019 à l'âge de 65 ans des suites d'une longue maladie. C'est un vieil ami de 1990 qui disparaît au moment où il fondait Le Soir d'Algérie m'ayant ouvert tout de suite des tribunes. Avec Si Fouad, brillant journaliste, nous nous sommes toujours respectés et avions eu de longues discussions et confrontations d'idées productives sur la place de l'Algérie face aux grands bouleversements géostratégiques mondiaux dont il avait une profonde connaissance. Notre génération disparaît peu à peu. La vie sur cette terre est éphémère et comme un rêve, devant toujours philosopher sur la mort afin de laisser une Algérie morale, forte et prospère. En cette circonstance douloureuse, je présente à toute sa famille et à tous ses collègues, mes condoléances les plus attristées. A Dieu le Tout-Puissant nous appartenons et à Lui nous retournons.» Mohamed Benchicou : «Boughanem était un homme étranger aux fausses vertus» «Dans son dernier message, il m'avait dit simplement : ‘'Oui, je suis à Paris, à l'hôpital, oui c'est grave, mais il faut se battre ...'' Il ne voulait pas qu'on lui rende visite. Fouad était comme ça.. Il ne voulait ni émouvoir, ni impressionner. Un homme étranger aux fausses vertus et aux excentricités qui accompagnent le journalisme d'aujourd'hui. Il dirigeait Le Soir d'Algérie avec une foi discrète et une force tranquille, le protégeant des excès et des reniements, veillant à lui épargner les aléas de l'infantilisme et les malheurs du désaveu. Je garderai de lui une idée de la bravoure : Le Soir d'Algérie fut le seul quotidien à publier, vaille que vaille, durant mes deux années de prison, et quotidiennement, le compteur des jours d'incarcération comme cela avait été convenu entre les responsables de publications. Fouad aura été de ces hommes dont la perte est une tragédie parce qu'elle rappellera, chaque jour, à ceux qui l'ont connu, à quel point sa compagnie fut une richesse. Je partage la douleur de sa femme et sa fille ainsi que celle de mes amis du Soir. M. B. Mustapha Hadni, coordinateur du PLD : «Terrible nouvelle» «Terrible nouvelle de bon matin: Fouad Boughanem, directeur du quotidien Le Soir d'Algérie , vient de tirer sa révérence. Un grand monsieur qui savait faire beaucoup avec si peu , qui savait cultiver l'amour et l'amitié. On retiendra de lui son intégrité, sa combativité et son humanisme. En cette douloureuse circonstance, je tiens à présenter, en mon nom et en celui du Parti pour la laïcité et la démocratie (PLD) , nos sincères condoléances à sa famille , à l'ensemble du personnel du journal , à ses amis et à tous ceux qui l'ont connu. Reposez en paix, Fouad Boughanem.» Hakim Belhacel, premier secrétaire national du FFS : «La presse écrite algérienne perd en Boughanem un de ses piliers» «La grande famille de la presse écrite algérienne vient de perdre un de ses piliers. Elle vient d'être endeuillée par la disparition tragique du regretté Fouad Boughanem qui occupait le poste de directeur de publication du quotidien Le Soir d'Algérie. Marqué par cette terrible nouvelle, le FFS exprime sa profonde sympathie à la famille et aux proches du défunt. Le FFS témoigne aussi sa grande solidarité et son grand respect aux journalistes algériens dans cette dure épreuve et rend hommage pour leur colossal travail accompli dans l'accompagnement du peuple algérien dans sa légendaire révolution. Ensemble nous triompherons ! Nos sincères condoléances.» Saïd Salhi, vice-président de la LADDH : «Décès de M. Fouad Boughanem, directeur du journal Le Soir d'Algérie, en cette douloureuse circonstance, la LADDH présente à sa famille et à toute la famille de la presse, ses condoléances les plus attristées. Paix à son âme.»