Le général Toufik a comparu hier devant le juge d'instruction de la chambre d'accusation du tribunal militaire de Blida. Une journée auparavant, Saïd Bouteflika avait été lui aussi écouté par la même instance. Abla Chérif - Alger le soir - Les affaires sérieuses ont donc commencé pour le groupe de détenus dans l'un des plus gros dossiers qu'ait connu l'Algérie post-indépendante. La justice militaire s'est attaquée à l'étude du dossier de fond des quatre prévenus détenus à Blida. La procédure a été entamée durant la journée de lundi, et le premier à avoir été écouté est le frère et conseiller de l'ancien président de la République, Saïd Bouteflika. Il symbolise par excellence l'ancien régime mis en place par l'ex-chef de l'Etat qui a ouvert la porte à toutes les dérives, notamment en matière de corruption, et qui s'apprêtait (selon les chefs d'inculpation) à se livrer au renversement de l'actuel chef d'état-major. Le secret d'instruction interdisant toute divulgation de la teneur des questions ou réponses ayant eu lieu durant l'audition fait que très peu d'informations ont filtré au sujet de l'audition qui s'est déroulée. Cette procédure, nous dit-on, s'effectue cependant sur la base des éléments détenus dans le dossier d'enquête détenu par la justice au sujet de la fameuse réunion évoquée à plusieurs reprises par Gaïd Salah. «Une réunion a été tenue par des individus connus dont l'identité sera dévoilée en temps opportun» avait déclaré le chef d'état-major à trois reprises avant que ne soit annoncée l'arrestation des concernés, le 4 mai dernier. Ces messages, on le sait, s'adressaient tout particulièrement à l'ancien patron du DRS qui, lui, a comparu hier devant le magistrat chargé de son dossier. Le général Toufik est accusé d'avoir pris part à une «réunion» «à laquelle assistaient des agents étrangers dans le but de porter atteinte à la Nation» répétait aussi Gaïd Salah, contraignant le mis en cause à rompre son silence légendaire pour démentir les faits. Depuis son incarcération de nombreuses rumeurs ont circulé, sur les réseaux sociaux, au sujet de son état de santé. Hier, son avocat, Me Miloud Brahimi a confirmé l'une des informations qui a fait le plus de bruit : «Le général Toufik a effectivement chuté accidentellement dans sa cellule, ce qui lui a valu un déplacement de l'épaule pour lequel il a été bien pris en charge, le rétablissement va dans le bon sens», dit-il. Le général Tartag et la Secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT) seront eux aussi auditionnés tour à tour mercredi et jeudi. Louisa Hanoune est aussi poursuivie pour les mêmes motifs. Une mobilisation nationale et internationale s'est mise en place pour exiger sa libération car étant considérée comme détenue d'opinion ayant le droit «de rencontrer de hauts responsables pour discuter de la situation du pays», ont déclaré ses avocats. Louisa Hanoune est détenue à la prison civile pour femmes de Blida alors que les trois autres prévenus, le général Toufik, Tartag et Saïd Bouteflika sont incarcérés à la prison militaire de cette même ville. Ils se trouvent dans des cellules séparées et n'ont pas droit à la presse ou à la télévision comme le sont les autres détenus d'El-Harrach, nous fait enfin savoir Me Miloud Brahimi. Il faut savoir encore qu'au terme de l'étude du dossier de fond, le magistrat en charge de l'affaire peut décider de procéder à une confrontation entre prévenus ou avec des témoins auditionnés dans cette affaire. Tayeb Bélaïz, ancien président du Conseil constitutionnel, le général Khaled Nezzar et des chauffeurs des prévenus ont été écoutés en tant que témoins. Khaled Nezzar a été quant à lui, écouté sur la base des éléments contenus dans une lettre rendue publique et à travers laquelle les Algériens ont appris que Saïd Bouteflika projetait d'instaurer l'état de siège ou l'état d'urgence pour mater le mouvement populaire, comme il projetait aussi de renverser le chef d'état-major. Dans ce contexte, ce témoignage revêt un caractère capital et le juge, s'il le décide pourrait être amené à confronter Saïd Bouteflika et ce témoin. Au terme de ces procédures, le dossier sera renvoyé au tribunal qui fixera la date du procès qui l'annonce historique. A. C.