«Le géant chinois de la téléphonie va contester les sanctions américaines devant les tribunaux, tandis que la Chine se prépare à priver les Etats-Unis de terres rares indispensables à l'industrie électronique. La crise s'aggrave entre Pékin et Washington », pronostiquait le quotidien parisien la Croix – sous la plume d'Alain Guillemoles – en plein bras de fer entre la vieille puissance déclinante et la nouvelle émergente (*). La guerre commerciale que se livrent les deux pays a un côté anticipateur touchant aux secteurs à forte rentabilité de capital et qui procurent du pouvoir. A ce titre, l'avènement du géant chinois Huawei inquiète Washington plus que tout autre adversaire au point de soutenir qu'il représente « une menace à la sécurité nationale des USA » : la compagnie est accusée d'espionnage technologique et de récolte d'informations secrètes dans différents pays. La réaction de la Maison Blanche a consisté en une première série de mesures de rétention : les plus grandes compagnies technologiques américaines, notamment Google, Microsoft, Intel, ARM, Qualcomm et Broadcom, ont refusé de fournir des logiciels, des technologies et des équipements au géant chinois, en attendant d'éjecter la compagnie des marchés des communications, notamment européen. Le géant chinois est notamment privé de licence lui permettant d'utiliser le logiciel Android fourni par Google qui est au cœur de tous ses téléphones, mais il travaille sur la création d'un « logiciel de remplacement qui lui appartiendrait». Alain Guillemoles passe en revue les moyens de défense dont dispose Pékin, à commencer par « une réduction des exportations de terres rares vers les Etats-Unis (qui) pourrait priver Washington d'une ressource cruciale pour son industrie de haute technologie » : « La Chine assure en effet plus de 90 % de la production mondiale de ces 17 métaux, indispensables pour la fabrication des composants que l'on retrouve dans les smartphones, les écrans plasma, les véhicules électriques et dans l'armement. » La menace est ouvertement prônée par l'agence chinoise de planification économique dont un communiqué mardi 28 mai 2019 mettait en garde : « Si quelqu'un veut utiliser des produits fabriqués à partir de nos exportations de terres rares pour freiner le développement de la Chine, alors le peuple chinois sera mécontent .» On appréciera la réaction tout en douceur consistant en un simple « mécontentement ». L'atout économique est adossé à une procédure judiciaire visant à contester les décisions de l'administration américaine devant les tribunaux américains. Huawei a déposé une requête devant un tribunal du Texas pour qu'il déclare « anticonstitutionnelle» la loi sur la défense nationale qui interdit aux administrations fédérales d'utiliser des équipements Huawei. Ce dernier se tourne également vers de nouveaux marchés, comme la conclusion d'un accord avec l'opérateur russe MTS que Sputnik estime qu'il « effraie les USA». (**). «Alors même que les USA s'efforcent de persuader leurs alliés que Huawei représente une immense menace à la sécurité, la Russie a confié aux Chinois la mise en place de la technologie sans fil de future génération», constate le quotidien The New York Times. «L'accord entre le géant chinois et l'opérateur russe MTS pour le développement de la technologie 5G inquiète sérieusement les experts américains. Huawei permettra à la Russie de devancer l'Amérique», surenchérit la chaîne CNN. L'accord en question a été signé à la veille du Forum économique international de Saint-Pétersbourg 2019 – au cours d'une cérémonie officielle qui s'est déroulée au Kremlin en présence des chefs d'Etat Vladimir Poutine et Xi Jinping - et porte sur le développement des technologies 5G en Russie. « L'opérateur russe a fait part de son intention d'investir en cinq ans plus de 20 milliards de roubles, soit près de 273 millions d'euros, dans les réseaux de 5e génération. MTS et le gouvernement russe ont signé un accord sur la mise en place de la 5G à Moscou, prévoyant des essais de cette technologie au Centre des expositions VDNKh dans les mois à venir. Le lancement des réseaux commerciaux est prévu pour 2022.» Cette coopération «permettra aux deux pays de faire un bond dans le domaine des technologies internet », est-il relevé. «Les USA craignent également une autre menace découlant de la coopération Huawei-MTS: l'apparition d'un «rideau de fer» sur internet, c'est-à-dire d'une séparation du Web mondial en plusieurs réseaux nationaux». «De plus en plus de pays, Chine en tête, se révoltent contre le principe de l'internet ouvert, les gouvernements protègent fermement les frontières de leurs propres réseaux internet, forcent les concurrents étrangers à stocker les données localement et à y garantir un accès aux organes de sécurité intérieure», indique CNN. A. B. (*) Alain Guillemoles, « Huawei et la Chine contre-attaquent face aux pressions américaines », La Croix, 30 mai 2019, https://www.la-croix.com/Economie/Monde/Huawei-Chine-contre-attaquent-face-pressions-americaines-2019-05-29- (**) «Pourquoi l'accord entre l'opérateur russe MTS et Huawei effraie les USA », Sputniknews, 13 juin 2019, https://fr.sputniknews.com/international/201906131041425497-pourquoi-laccord-entre-loperateur-russe-mts-et-huawei-effraie-les-usa/