Un rapport de la Cimade (Association de solidarit� active avec les migrants et les demandeurs d�asile), intitul� �Visa refus�, a �t� pr�sent� par ses auteurs, jeudi matin au cours d�une conf�rence de presse, � Paris. Ce rapport livre les r�sultats d�une enqu�te sur les pratiques de d�livrance des visas, dans les consulats fran�ais de 6 pays, dont ceux d�Alger, de Annaba et d�Oran. �Univers kafka�en �, flou des documents � fournir, d�lais interminables de traitement, frais excessifs non rembours�s, refus sans explication� La liste est longue et c�est bien souvent �le parcours du combattant�. Annaba et Alger, selon les auteurs, d�tiennent encore le record du nombre le plus �lev� de refus fran�ais de visas, m�me si, par ailleurs, les conditions d�accueil se sont am�lior�es. De notre bureau de Paris, Khadidja Baba-Ahmed Un �tat des lieux dans la pratique de d�livrance des visas par les consulats fran�ais devenait incontournable, selon la Cimade qui justifie cette enqu�te par le nombre de plus en plus important de sollicitations que ses permanences re�oivent sur ce sujet et par le nombre de recours devant le Conseil d�Etat pass� de 170 en 2003 � 900 en 2008, mais ce n�est pas tout. Tr�s peu d�informations circulent sur les pratiques des consulats qui sont, en plus, tr�s disparates d�un pays � un autre, d�un consulat � l�autre. Mali, S�n�gal, Maroc, Turquie, Ukraine et Alg�rie ont �t� choisis pour cette enqu�te sur le terrain du fait du nombre �lev� de visas d�livr�s et aussi du nombre colossal de visas refus�s. L�int�r�t de ce choix r�side aussi dans le fait que ces pays sont � des stades diff�rents dans l�application du dispositif d�exp�rimentation des nouvelles mesures portant sur la formation linguistique et civique, le recours aux prestataires externes pour l�instruction des demandes, la biom�trie. En comparant le niveau d�application de ces exp�rimentations, la Cimade pouvait ainsi mesurer les avantages mais aussi les risques de ces dispositifs avant qu�ils ne soient g�n�ralis�s. Si les r�sultats de cette enqu�te sont accablants : dossiers examin�s � m�me le trottoir (Consulat de Bamako, au Mali) ; difficult� pour les demandeurs d�acc�der � une information fiable et m�me d�approcher les agents consulaires ; liste des pi�ces justificatives fluctuante, d�un interlocuteur � l�autre ; obtention tardive de visa, parfois apr�s les dates de projet de voyage et refus non motiv�s dans la majorit� des cas. Il y a plus grave encore dans certains consulats : trafics et fraudes �de quoi �c�urer les touristes les plus enthousiastes et jeter les migrants les plus r�solus dans les bras des passeurs � estime la Cimade. Et qu�en est-il dans les consulats de France en Alg�rie ? D�abord en terme de classement des consulats, dont le refus des demandes de visas fran�ais est le plus �lev�, la palme revient aux consulats fran�ais de notre pays : Annaba, avec 47,82 % et Alger, avec 43,98 % , soit un taux de refus �extr�mement �lev� comparativement au taux de refus moyen qui �tait en 2008 de 9,6 % pour l�ensemble des consulats de France � l��tranger. Les visas accord�s en 2008, par les trois consulats (Alger, Annaba et Oran) �taient pour 90 % de court s�jour et, rel�ve-t-on, un peu plus de 200 000 demandes sont trait�es chaque ann�e par ces trois consulats, ce qui constitue pr�s de 10 % de la demande mondiale de visas pour la France. Le consulat de France � Alger ne traite que certaines demandes de visas, l�essentiel des demandeurs sont re�us par la soci�t� VisasFrance, soci�t� priv�e qui sert aussi d�interm�diaire pour les demandes de visas italiens et maltais. Les enqu�teurs de la Cimade qui ont pu visiter les locaux de VisasFrance notent que cet interm�diaire qui emploie 120 personnes (tous alg�riens, sauf le directeur, fran�ais) est charg� de g�rer les rendez-vous pris par les demandeurs par Internet ou par t�l�phone, de recevoir et v�rifier chaque pi�ce des dossiers de demande de visa et ce, jusqu�� la remise de son passeport. Le candidat � un visa peut suivre sur le Net l��tat d�avancement de sa demande. Les dossiers sont transf�r�s le lendemain de leur d�p�t au consulat, par v�hicule s�curit�, est-il pr�cis�. Ce m�me v�hicule rapporte � VisasFrance, sous enveloppes cachet�es, les retours de passeports trait�s aux demandeurs. �Le personnel de VisasFrance ne conna�t pas la d�cision prise pour chaque postulant �, note la Cimade qui consid�re, toutefois, que globalement cette externalisation de l�instruction des demandes, si elle a sensiblement am�lior� l�accueil et souvent r�duit les d�lais de traitement, pose dans l�absolu et s�rieusement la question de la confidentialit� des donn�es, m�me si pour Alger, les observateurs ont relev� que �trois mois apr�s la notification de la d�cision, toute trace de la demande de visa est effac�e des ordinateurs de VisasFrance�. Quant aux consulats d�Annaba et d�Oran, ils n�ont pas recours � un op�rateur externe et traitent directement les demandes de visas qui sont, depuis cette ann�e, biom�triques. La biom�trie des visas d�cid�e par le Conseil europ�en consiste en un relev� d�empreintes digitales et une num�risation de la photo. Elle est exp�riment�e en m�me temps dans les consulats de France � Londres et Istanbul. Pour l�instant, et avant de g�n�raliser l�exp�rience � d�autres consulats, les autorit�s fran�aises attendent une d�cision du Conseil d�Etat � ce sujet. A ce propos, le rapport note que ce proc�d� pose la question du fichage des candidats � un visa et �qu�au nom de la lutte contre la fraude et de la s�curit�, les gouvernements europ�ens fabriquent une soci�t� polici�re dans laquelle les faits et gestes de tout un chacun peuvent �tre contr�l�s, consign�s et communiqu�s�. Mais au-del�, et pour expliquer le fort taux de refus de visas fran�ais aux Alg�riens observ� depuis quelques ann�es, deux raisons ont �t� avanc�es aux enqu�teurs par les autorit�s consulaires en Alg�rie : un risque �m�dical�, surtout pour les demandeurs �g�s. Le consulat, lit-on dans le rapport, �craint qu�elles (personnes �g�es) ne veuillent venir en France uniquement pour se faire soigner et qu�elles gr�vent ainsi le budget de la S�curit� sociale fran�aise �. C�est un comble ! L�Alg�rien responsable du gouffre de la S�curit� sociale est loin d��tre un mythe ou une lubie entretenue par le FN. La deuxi�me raison avanc�e par les autorit�s tient au �risque migratoire� et dont les crit�res de mesure reposent sur l��ge du demandeur, son insertion professionnelle en Alg�rie, ses ressources et ses demandes ant�rieures de visas. Quant aux voies de recours, comme pour les 5 autres pays observ�s par la Cimade, �les Alg�riens, y compris les avocats, ma�trisent peu, voire pas du tout, le syst�me de recours� et n�ont souvent pas connaissance de l�existence de la Commission des recours de Nantes contre le refus de visa, ni ne savent qu�ils peuvent saisir le Conseil d�Etat. Au terme de cette enqu�te, la Cimade a pr�sent� dix propositions pour am�liorer la pratique de d�livrance des visas et sortir des maquis observ�s. Parmi les dix points cit�s, il est notamment recommand� : la liste explicite et par d�cret de toutes les pi�ces exig�es dans le dossier et pour chaque type de visas ; l��tablissement d�une liste claire de crit�res qui peuvent justifier un refus et l�obligation de motiver par �crit ce refus; pr�voir l�obligation de notifier par �crit les voies et d�lais de recours en cas de refus ; privil�gier la d�livrance de visas de circulation qui permettent aux int�ress�s de faire plusieurs allers-retours sans avoir � r�it�rer une demande de visa.