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«Il y a une différence entre l'automédication responsable qui est utile pour la santé publique et l'automédication personnelle qui est à bannir» Lotfi Benbahmed, président du conseil national de l'ordre des pharmaciens :
Entretien réalisé par Salima Akkouche S'acheter des médicaments en pharmacie sans passer par une consultation médicale pour soulager certaines souffrances comme les brûlures d'estomac, maux de gorge, maux de tête, douleur au ventre… est une pratique courante. Est-elle pour autant dangereuse ou sans conséquences ? Lotfi Benbahmed, président du conseil national de l'ordre des pharmaciens, estime que l'automédication est utile pour la santé publique, à condition qu'elle soit pratiquée d'une façon responsable. Toutefois, reconnaît-il, cette pratique n'est pas encore réglementée en Algérie. Il estime aussi que le pharmacien doit bénéficier d'une formation continue. Le Soir d'Algérie : Nous assistons de plus en plus à l'auto-médication en Algérie. En tant que président du conseil national de l'ordre des pharmaciens, comment expliquez-vous cette pratique devenue courante ? Lotfi Benbahmed : il faut savoir que l'automédication est utile pour la santé publique, mais à condition que ça soit une automédication responsable, en application des recommandations de l'organisation mondiale de la santé. D'ailleurs, l'automédication responsable est prévue dans la nouvelle loi sanitaire. C'est quoi une automédication responsable ? l'automédication responsable concerne les médicaments à non-prescription obligatoire, (OTC), et qui sont délivrés par le pharmacien d'officine sur conseil et dont l'objectif est de traiter un certain nombre de symptômes et de pathologies bénignes, qui font que le malade ne sent pas la nécessité d'aller consulter un médecin. L'automédication responsable permet justement d'éviter qu'il y ait de l'automédication non responsable notamment à travers la consommation de médicaments qui ont été prescrits pour d'autres personnes et pour d'autres pathologies. Nos concitoyens doivent savoir que lorsqu'ils ont des médicaments à prescription obligatoire comme les antibiotiques, ils doivent finir leur traitement, dans le cas contraire, ils doivent les jeter ou les déposer chez un pharmacien, ce n'est pas du gaspillage car garder ces médicaments chez soi est un danger pour la famille. L'automédication est donc une pratique dangereuse ou elle est sans conséquences graves ? L'automédication est une pratique dangereuse quand il s'agit de produits qui n'ont pas été conseillés ou prescrits par un professionnel de la santé. Quels sont les risques de l'automédication sur le patient ? Ils sont très importants, ce sont des intoxications, des hépatites fulminates que vous pouvez développer même avec du paracétamol, de l'anti-bio-résistance que vous pouvez aussi développer à cause d'une consommation anarchique des antibiotiques, vous pouvez développer aussi un diabète en consommant des corticoïdes ou de l'hypertension… vous pouvez développer toutes sortes de pathologies sans oublier les complications que l'on peut en avoir. Qu'est-ce qui se fait actuellement en Algérie pour organiser la vente des OTC ? Depuis près de trente années, l'automédication responsable a été organisée dans de nombreux pays développés. Aujourd'hui en Algérie, la première étape, qui est celle d'identifier les produits, a été faite, et il restera à organiser l'information et créer un système économique qui soit cohérent, parce que nombre de ces produits, qui sont produits localement, notamment par Saidal, ne sont plus produits en raison de leur prix de revient qui est très faible, alors que dans les pays développés, ces produits ont pris de l'importance et ont permis de prendre en charge les malades sans conduire aux effets secondaires de l'usage abusif de corticoïdes et de l'antibiotique résistant et en prenant en charge ces pathologies bénignes. Comment peut-on mettre en place cette automédication responsable ? Ça passe d'une part par une législation renforcée et éclaircie avec un encadrement de l'automédication responsable et surtout incitatif et aussi la mise en place d'une formation continue pour le pharmacien qui serait soumise à un protocole actuellement, on réfléchit avec le ministère de la santé pour mettre en place cette formation, dont bénéficie déjà le secteur public, au profit du secteur privé. Existe-t-il une nomenclature des OTC et que représente-t-elle par rapport aux médicaments prescrits par le praticien ? Oui, elle existait déjà à travers les différents tableaux, maintenant elle va être mieux définie. La loi stipule que le pharmacien peut délivrer des médicaments à non-prescription obligatoire et que ces médicaments à prescription non obligatoire feront, à travers une voie réglementaire, l'objet d'un arrêté qui va lister et identifier ces produits d'une manière claire pour qu'ils soient plus efficaces. Le pharmacien délivre un certain nombre de produits qui peuvent être destinés pour la toux, le rhume ou pour un certain nombre de douleurs… Dans certains pays, cette liste de médicaments à non-prescription obligatoire augmente de plus en plus car on estime que les médecins doivent prendre en charge les pathologies les plus importantes, et la sécurité sociale doit axer ses dépenses sur la prise en charge des maladies chroniques ou du cancer, et laisse les malades se prendre en charge par le pharmacien pour des petites pathologies du quotidien pour ne pas alourdir le système de santé. Ainsi au Québec, en suisse et en France, cette liste qui contenait juste des produits pour le rhume, la toux, la grippe ou des vitamines, aujourd'hui, elle s'élargit et touche de nouvelles pathologies. Cette politique permet, d'une part de faire des économies pour la caisse de la sécurité sociale, et d'autre part, l'accessibilité des malades aux soins dans un cadre organisé. Car si ce n'est pas le cas, le malade s'oriente naturellement vers l'automédication non-responsable qui est très dangereuse comme les compléments alimentaires ou des produits vendus en dehors du circuit pharmaceutique. Ce qui est plus du charlatanisme que du médical. L'automédication responsable permet aussi de lutter contre des phénomènes comme l'anti-bio-résistance. De l'auto-diagnostic à l'auto-prescription, par ces comportements ne risque-t-on pas de passer outre le médecin en s'adressant directement à son pharmacien. Dans ce cas, où se situe la responsabilité de chacun ? Non. Si vous avez mal à la tête le matin, le premier réflexe immédiat, c'est de s'arrêter devant une pharmacie et demander un médicament et non d'aller consulter un médecin. C'est vrai que ça peut cacher une maladie, mais de toute façon, le pharmacien conseille toujours le patient d'aller consulter un médecin si les symptômes persistent. Donc, l'automédication responsable ne détourne pas les malades des médecins, car les personnes qui se dirigent vers l'automédication non-responsable sont des malades qui risquent de consommer des médicaments qui sont chez eux et qui ne sont pas adaptés à leurs pathologies ou se sont des malades qui vont consommer des produits issus plus du charlatanisme que de la médecine ou de la pharmacie. Souvent, les officines ne sont pas dotées de pharmaciens, mais de vendeurs. Une situation qui interpelle l'ordre des pharmaciens. Qu'en est-il concernant son intervention ? Non, aujourd'hui nous avons dépassé cette situation, nous avons 11 facultés de pharmacie, et nous formons annuellement un nombre colossal de pharmaciens, donc actuellement, dans une seule pharmacie, vous pouvez trouver jusqu'à 2 pharmaciens principaux et jusqu'à 6 voire 7 assistants en pharmacie qui partagent la responsabilité pharmaceutique de l'établissement. Et par rapport au phénomène de location de diplôme ! Il y a toujours des problèmes mais la tendance se dirige vers l'amélioration. Il y a une lutte contre ces pratiques et il reste à renforcer l'inspection pour sanctionner les gens qui trichent. En tant qu'institution qui défend les pharmaciens, quelle est votre position face à l'automédication ? L'ordre a été créé par l'Etat pour encadrer l'exercice pharmaceutique. Notre position étant de protéger la santé publique, nous sommes sur la ligne directe des recommandations de l'Organisation mondiale de la santé, c'est-à-dire de promouvoir l'automédication responsable, de bannir l'automédication, d'éduquer la population sur le fait qu'ils ne sont pas professionnels de la santé et ne peuvent pas savoir si le médicament qu'ils ont chez eux est bon pour eux ou non. Il y avait cette confusion entre les médicaments à prescription obligatoire et ceux à prescription non obligatoire, et nous sommes heureux que ça soit mis en place parce que nos malades en ont besoin, notre système de santé en a besoin et nous ne ferons que se mettre au même niveau de prise en charge que les pays développés. S. A.