Selon le co-producteur du film Papicha , Belkacem Hadjadj, c'est par un appel téléphonique que le ministre —par intérim de la Culture l'a instruit de « surseoir » à l'organisation de l'avant-première du long-métrage de fiction réalisée par Mounia Meddour. Du coup, on aimerait bien connaître le contenu de ce coup de fil. Non pas parce qu'il y a des arguments recevables à la censure d'un film, non pas, non plus, parce que notre curiosité est toujours incurable mais juste parce que M. Hassan Rabhi est également ministre de la… Communication et porte-parole du gouvernement et, à ce titre, il engage l'ensemble de l'équipe aux affaires. On imagine, pourtant, très mal que la décision de mettre un film « au frigo » soit venue de plus haut. Personne ne comprendra par là que « plus haut » on est d'intrépides défenseurs de la culture, des arts et de la liberté de création mais tout le monde comprendra qu'au sommet de l'Etat, on aurait pu manquer de… vigilance ou carrément « baisser la garde ». C'est que le pays étant au point où il en est, ils ont déjà trop à faire avec des choses autrement plus sérieuses et préoccupantes. Mais si tel était le cas, M. Rabhi nous aura fait quand même revenir de nos illusions, des fois qu'on en aurait eu : il est là, gardien infaillible du temple imprenable de la glaciation, à veiller au grain. Le bonhomme nous a déjà livré l'étendue de son zèle. Quand il était censé « informer » les Algériens des « décisions » prises au sommet, il s'est lancé dans de violentes invectives à l'égard de tout ce qui sort de la « feuille de route ». Et quand il s'est senti obligé de dire un mot de son « secteur », il s'est laissé aller à une vision de l'information d'une autre ère géologique. On comprend, dès lors, qu'empêcher un film de sortir dans les salles est tout à fait dans ses cordes. Dans ce genre de situations, on n'a même pas besoin de se demander si son oreillette a fonctionné ou non. Pour censurer, la liberté de manœuvre d'un ministre a toujours été sans limites, ce n'est pas aujourd'hui qu'on va songer à la ramener dans des seuils « acceptables ». Plus inquiétant pour les libertés artistiques et les libertés tout court, on se surprend à se poser cette horrible question : est-ce que Papicha ne serait quand même pas diffusé à l'époque, encore toute fraîche pourtant, où M. Rabhi n'était pas ministre de la Culture ? Eh, oui, l'interrogation est pénible, un tantinet tirée par les cheveux, mais ne pas en faire l'économie n'est pas vraiment scandaleux. Parce que, on allait presque l'oublier, Papicha est coproduit par le… ministère de la Culture. En attendant d'être vu par les Algériens en dehors des circuits de piratage, le film de Lyna Meddour a été retenu pour les Oscars dont les organisateurs ont dérogé aux règlements de la manifestation : pour qu'une production y figure, il faut normalement qu'elle soit projetée sur les écrans de… son pays de production ! S. L.