Le président de la Direction de contrôle de gestion et des finances (DCGF), Réda Abdouche, a tiré la sonnette d'alarme sur la situation «catastrophique» des clubs de Ligue 1 de football, non sans critiquer le professionnalisme, instauré en 2010 « sans transition, ni préparation". «Selon les examens réalisés par la DCGF, la situation est catastrophique pour pratiquement l'ensemble des clubs de l'élite. Financièrement, le déficit de 740 milliards de centimes sur cinq années (2013-2018) a été revu à la hausse, puisqu'il a atteint désormais 848 milliards de centimes, après le traitement du dossier du NA Hussein-Dey, sans compter les cinq derniers clubs, dont l'examen n'a pas encore été fait. Le chiffre va au-delà des 1000 milliards, c'est une certitude», a affirmé à l'APS le premier responsable de la DCGF. Dans un rapport accablant publié mercredi dernier sur le site officiel de la Fédération algérienne (FAF), la DCGF a révélé le chiffre de 740 milliards de centimes, représentant le déficit de 10 clubs sur les 16 composant la Ligue 1, tirant la sonnette d'alarme sur la situation du ballon rond en Algérie qui constitue un «gouffre financier». «Au jour d'aujourd'hui, la situation n'est pas reluisante. Quelque chose ne tourne pas au rond. La DCGF a hérité d'un lourd fardeau, mais nous pouvons redresser la barrière. Cela, nécessitera du temps et surtout l'adhésion de tout le monde. Notre structure est là pour accompagner les clubs, et leur permettre de retrouver une gestion saine et équilibrée sur tous les plans, notamment financier», a-t-il ajouté. Revenant à l'origine de la situation difficile que vit les clubs algériens, Réda Abdouche n'a pas hésité à remettre en cause un « professionnalisme instauré sans transition, ni préparation préalable». «Le cahier des charges n'a pas été respecté. Les SSPA sont régies par un code de commerce, si au bout de deux années elles sont déficitaires, elles sont éligibles à la dissolution. Il faut qu'il y est plus de compétence dans la gestion», a-t-il souligné. Les membres de la DCGF ont procédé à un premier travail auprès des 16 clubs de la Ligue 1 afin d'examiner, dans une première étape, la situation de ces derniers sur le triple plan administratif, comptable et respect des procédures. «Sur le plan administratif, le constat est accablant : Aucun club n'a respecté les dispositions des articles 34 et 35 de l'arrêté du ministère de la Jeunesse et des Sports (MJS) du 1/9/2010 (organigramme) qui sont obligatoires», a-t-il regretté.
«Il faut avoir une autre vision» Appelé à cerner la source du problème auquel est confrontée la majorité des clubs de l'élite, Réda Abdouche, a estimé que la masse salariale constitue la cause numéro 1 du déficit cumulé. «Nous avons constaté avec regret que la masse salariale représente 90% du budget au niveau de chaque club, c'est inadmissible avec le peu de moyens dont disposent la plupart des équipes. La DCGF n'est pas là pour ordonner aux clubs de plafonner les salaires des joueurs, mais pour accompagner et les aider à trouver des solutions. La masse salariale doit descendre à 30% ou 40%, à ce moment-là ça devient viable. Les clubs doivent communiquer désormais leur budget prévisionnel. Sur les plans financier et administratif, il faut avoir une autre vision». Abdouche a révélé que le Paradou AC, devenu un modèle dans le domaine de la formation, est le seul club créditeur pour l'année 2018 et 2019, saluant au passage la politique de la vente de ses joueurs vers l'étranger. «Le PAC fait l'exception. Il est le seul club créditeur parmi les pensionnaires de la Ligue 1. Sa politique de transfert de ses joueurs vers l'Europe lui a permis de renflouer ses caisses, et permettre des rentrées de devise au pays. Je peux dire aujourd'hui que le Paradou a réussi à amortir son investissement sur la vente de ses éléments. Ce club a prouvé que le football peut concurrencer l'industrie sur le plan économique». Se projetant sur la saison prochaine, le premier responsable de la DCGF a insisté sur le «respect strict du cahier des charges» régissant le professionnalisme en Algérie. «Tous les clubs devront respecter à la lettre le cahier des charges. Dans le cas contraire, le club risque la rétrogradation en division amateur. La FAF nous soutient et approuve notre démarche à 200%, il est temps de mettre le holà. On ne peut pas continuer de cette manière». De son côté, le président de la FAF, Kheireddine Zetchi, a estimé que son instance a pu «stopper l'hémorragie», du moment que le déficit aurait pu être plus important. «80% du chiffre du déficit avancé par la DCGF, avait été cumulé avant notre arrivée à la tête de la FAF (mars 2017, ndlr), sinon il aurait pu être plus important. La Chambre de résolution des litiges (CRL) a instruit aux clubs de payer leurs dettes envers leurs joueurs, au risque d'être interdits de recrutement, c'est l'une des mesures qui a empêché le déficit d'être aussi grand. Nous avons pu en quelque sorte stopper l'hémorragie», a-t-il indiqué vendredi, sur les ondes de la Radio nationale. A l'instar de Réda Abdouche, Zetchi a estimé que les problèmes relatifs à la gestion des clubs, sont les conséquences du mauvais départ pris par le professionnalisme. «Le lancement du professionnalisme avait été fait avec amateurisme. Si nous avons instauré une saison ou deux saisons transitoires à partir de 2010, consacrées à la conception et à la préparation du professionnalisme, on n'en serait pas arrivé à cette situation aujourd'hui. Il n'y avait pas urgence pour lancer le professionnalisme. On aurait pu gagner de l'expérience, au lieu d'aller dans l'anarchie», a-t-il estimé, concluant que «ce qui était encore plus grave au début du professionnalisme, c'est l'absence de contrôle de la part de la DCGF, qui est pourtant mentionnée dans les statuts de la FAF. A partir de la saison 2020-2021, il y aura une Ligue 1 professionnelle à 18 clubs, qui seront régis par des normes précises, notamment sur le plan de l'assainissement financier. Les réformes ont été entreprises dès cette saison par la DCGF».