Serait-ce l'épilogue de l'invraisemblable cafouillage né à la fin du mois d'octobre dernier, lorsque la Banque d'Algérie s'est rappelée d'un article de la loi de finances 2016 pour avertir que toute alimentation d'un compte devises pour un montant égal ou supérieur à l'équivalent de 1 000 euros doit être justifiée par une déclaration douanière d'importation de ce montant ? Comme si les sujets prêtant à toutes les polémiques et les incompréhensions qui vont avec ne manquaient pas, la Banque d'Algérie est venue ajouter son grain de sel et remettait, en octobre dernier donc, au goût du jour l'obligation de la provenance, en vue d'alimenter son compte bancaire, de toute somme en devises au-delà des 1 000 euros ou l'équivalent en autre monnaie. Ceci, non sans avertir que le non-respect de cette disposition est considéré comme une infraction à la législation et à la réglementation des changes. Une note de la Banque d'Algérie qui contredit intégralement une précédente, émise durant l'été 2018, lorsque, pour booster l'épargne en monnaie étrangère des Algériens, résidents ou non, autant que des étrangers également établis ou non sur le territoire national, détenteurs de comptes en devises librement convertibles, l'institution gouvernée à l'époque par Mohamed Loukal, l'actuel ministre des Finances, s'était sentie dans l'obligation de recadrer «certains» établissements bancaires, en expliquant qu'«au nom d'une interprétation, souvent abusive et non fondée, des dispositions de la loi régissant le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, certains guichets bancaires ont été à l'origine de refoulement de capitaux de manière arbitraire et sans justifications réglementaires», pour rappeler ensuite à l'intention de ces banques certains fondamentaux, tels le droit d'ouvrir un compte ou encore la liberté de déposer ou de disposer de son argent sans justificatif. Il se trouvait à ce moment, en effet, selon le constat de la Banque d'Algérie, que bien des principes étaient remis en cause par des banques. L'institution que dirigeait à l'époque Mohamed Loukal donc affirmait dans sa note qu'il a été constaté que l'ouverture des comptes devises au profit des personnes physiques n'était pas systématique : certaines banques refusaient d'ouvrir des comptes devises au profit de nouveaux clients ou exigeaient l'ouverture d'un compte dinars en parallèle. Des banques étaient même allées jusqu'à exiger un titre de transport pour les retraits de devises, ou encore demandaient des justificatifs lors du versement de devises dans les comptes : qu'il s'agisse de virements reçus de l'étranger ou de dépôts en espèces. Une somme de griefs contre les banques qui n'a pas permis, selon la Banque d'Algérie, le développement de l'inclusion financière à travers la collecte de l'épargne devises qui constitue un apport certain, de par les 4,7 millions de comptes actifs autant que par l'épargne constituée qui avoisine l'équivalent de 5 milliards de dollars US. Ceci justifiait alors que la Banque d'Algérie monte sur ses grands chevaux pour intimer l'ordre de libérer le mouvement des comptes devises sans justifications autres que celles de mise dans les opérations bancaires non douteuses, c'est-à-dire sentant le blanchiment d'argent ou les opérations liées au terrorisme. Une note qui n'a pas finalement vécu très longtemps puisqu'il y a quelques semaines, le 27 octobre dernier, la Banque d'Algérie, sans gouverneur attitré alors, intimait l'ordre aux banques de remettre sur la table l'article 72 de la loi de finances 2016 stipulant que toute alimentation d'un compte devises pour un montant égal ou supérieur à l'équivalent de 1000 euros doit être appuyée, préalablement, par une déclaration douanière d'importation de ce montant. Note qui a suscité une grande confusion chez les petits détenteurs de comptes devises notamment qui s'alimentaient en devises au marché parallèle afin d'alimenter leur compte pour des besoins aussi divers que le financement des études ou les soins à l'étranger, comme on en rencontre des dizaines de concitoyens dans cette situation. Une situation qui a requis l'intervention du ministre des Finances, Mohamed Loukal, pour expliquer, en novembre dernier, que la note produite par ses successeurs à la tête de la Banque d'Algérie ne concernait en fait que les étrangers établis en Algérie, et que c'est lui-même qui, à l'époque où il gouvernait la Banque des banques, avait «libéré» les mouvements des comptes devises. Ce qui n'a pas eu le don apparemment de convaincre de nombreuses banques à travers le pays de surseoir à l'application de la note controversée. Etat de fait qui a exigé de la Banque d'Algérie de mettre le holà en produisant une nouvelle note, hier, soit un mois après la nomination d'un nouveau gouverneur de la Banque d'Algérie, en la personne de Ayman Benabderrahmane. La toute dernière note en question enjoint aux banques et établissements financiers de faire fi de l'exigence du justificatif lors du dépôt ou du retrait de sommes en devises égales ou supérieures à 1 000 euros et remettre ainsi dans les tiroirs la note du 27 octobre 2019. Azedine Maktour