A Tizi Ouzou, l'opération électorale a été clôturée à midi, au niveau des cinq centres de vote ouverts au niveau du chef-lieu de la wilaya de Tizi-Ouzou qui en compte dix. Les seuls sur un total de 697 pour 1 714 bureaux de vote prévus au niveau de toute la wilaya qui compte un corps électoral estimé à 709 163 électeurs. L'opération électorale qui a été engagée, carrément au forceps et sous haute protection policière, donnant lieu à des affrontements violents entre policiers et manifestants hostiles à sa tenue, ne permettra d'engranger qu'un tout petit taux de 0,02%. Un score historique par sa faiblesse qui permet aux autorités de sauver la face d'une élection massivement rejetée depuis dix mois. En dehors des cinq centres ouverts à Tizi Ouzou et dans sa périphérie périurbaine, aucun bureau de vote n'a été ouvert dans les communes et les villes de Haute-Kabylie et du nord de la wilaya encore moins dans les villes de moyenne importance comme Azazga, Draâ-Ben-Khedda, Boghni ou Draâ-el-Mizan. Visiblement, les pouvoirs publics voulaient s'éviter la contrainte de mener à son terme une opération électorale porteuse de risques car devant l'accompagner par des mesures sécuritaires lourdes. De fait, les populations de ces régions ont préféré vaquer à leurs occupations et profiter de cette journée hivernale baignée par un soleil plutôt timide mais agréable pour la cueillette des olives qui bat son plein, depuis quelques jours déjà. Cette ambiance de quasi-farniente tranche avec l'atmosphère électrique qui a prévalu dans la capitale du Djurdjura. Des escarmouches ont éclaté entre manifestants et policiers chargés de sécuriser certains centres de vote où de timides tentatives de vote ont été stoppées net par les assauts des jeunes manifestants survoltés. Au niveau du CFPA Kerrad-Rachid du centre-ville, situé à hauteur du siège de l'APC, où le wali Mohammed Djemaâ a eu juste le temps de mettre un bulletin dans l'urne, on a frôlé l'émeute dès huit heures du matin. Une foule immense de manifestants provenant de plusieurs quartiers de la ville a pris d'assaut l'établissement, obligeant organisateurs et policiers à quitter les lieux, tout en prenant la précaution d'exfiltrer les urnes, cachées, témoigne-t-on, dans des cabas. Ce chassé-croisé qui a vu les organisateurs ruser pour tenter d'ouvrir des bureaux de vote et les citoyens qui ne l'entendaient pas de cette oreille ne durera pas longtemps. La délégation locale de l'Anie préféra rappeler tous les personnels et encadreurs à regagner le quartier général de cette structure sise au sein de la cité administrative, pour procéder au recueil de quelques bulletins de vote glanés à la hâte, de les collationner et de déclarer la clôture officielle du scrutin, annonçant aux journalistes qui ont pu accéder à l'intérieur de la wilaya le tout petit score de 0,02%. Pendant ce temps, la tension ne cesse de monter autour du siège de la wilaya assiégé par les manifestants qui soupçonnent la poursuite de l'opération électorale ou, comme l'ont subodoré certains, le bourrage des urnes. Une conviction bien ancrée et partagée par beaucoup de présents au sein de l'immense foule qui refuse de lever le siège de ce qu'ils considèrent comme la boîte noire de toutes les activités entourant un scrutin qu'il ne veulent pas voir tourner, par un quelconque stratagème, à l'avantage de l'administration. Chat échaudé, dit-on...! La police ne tardera pas à charger la foule de plus en plus surexcitée. Un groupe de jeunes s'est même enhardi à pénétrer dans l'enceinte pourtant bien gardée de la Wilaya. Une haie de policiers leur faisant face. Les deux camps se regardent en chiens de faïence durant plus de deux heures. Le mouvement de la foule se poursuit au gré des rumeurs annonçant l'ouverture d'un centre de vote. «Il faut aller à Redjaouna», crie un jeune homme, la trentaine, l'air sévère et grave, alertant sur l'existence d'un centre de vote en activité. Des jeunes tentent d'investir l'édifice par le portail nord. Les premières salves de bombes lacrymogène fusent du côté ouest et nord de la cité administrative. Tirs préventifs et de sommation, pour tenir les protestataires à distance. Les jeunes refluent. D'autres sont tentés d'en découdre. Le pacte de la silmiya ne tient désormais qu'à un fil ténu : les tentatives de manifestants plus âgés qui prient les plus jeunes de garder leur calme. Mais il était dit que le serment du khawa-khawa entre policiers et citoyens cher au mouvement du 22 février ne survivra pas longtemps à la tension grandissante dans la rue. Des flux de plus en plus importants d'«insurgés» convergent vers la Wilaya assiégée de tous les côtés. Le mouvement de foule donne lieu à un moment d'accalmie qui ne tardera pas à dégénérer en émeutes qui se poursuivra jusqu'à la tombée de la nuit. Ces scènes de violence opposant policiers aux groupes de manifestants s'étendront à de nombreux quartiers du centre-ville. La cause ? On reproche aux services de sécurité de refuser de libérer les manifestants arrêtés. Signalons, enfin, que de nombreux blessés ont été enregistrés des deux côtés. S. A. M.