Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] Les Alg�riens, il est vrai chacun dans son coin, d�sesp�rent de voir leur �conomie �tre un jour dot�e d�un projet coh�rent, consistant et publiquement affich� � l�instar de ce qui se fait dans la plupart des Etats. Ils sont un peu comme nos fans de foot qui attendent de voir un �projet de jeu� (comme ils disent) pour leur �quipe nationale. La diff�rence entre les deux situations c�est que pour le foot, toute l�Alg�rie en discute, souvent avec passion. Les Alg�riens se sentent ici en effet impliqu�s et de ce fait font corps avec leur �quipe nationale tant dans les bons que dans les mauvais jours. Ils d�battent et �changent leurs avis sur toutes les options possibles et ils n�ont pas attendu que ce droit leur soit octroy�. Et ils ont bien raison. Pour l��conomie, ce n�est nullement pas le cas, non pas que l��conomie alg�rienne n�int�resse pas les Alg�riens mais tout simplement parce qu�aucune occasion ne leur est offerte d�exprimer leurs points de vue, au moins pour les plus avertis d�entre eux et que, contrairement aux discussions sur le foot qu�on peut tenir dans la rue, les d�bats sur l��conomie n�cessitent un minimum d�organisation. Une telle situation est d�autant plus incompr�hensible que ceux qui sont aux affaires sont tout � fait conscients du �danger qui nous guette� avec l��puisement de nos r�serves d�hydrocarbures. Rappelons-nous cette observation du pr�sident Bouteflika faite devant les cadres de la nation. �Je suis arriv� � la conclusion que notre g�n�ration ne sait pas utiliser productivement notre p�trole � d�velopper notre pays. Il est pr�f�rable de laisser quelques ressources (d�hydrocarbures) aux g�n�rations futures.� Ou encore, � une autre occasion �pourrons-nous vivre en buvant notre p�trole et en mangeant notre gaz ?� Le Premier ministre pour sa part a, � plusieurs occasions, rappel� que �le p�trole n�est pas in�puisable, ni �ternel�� Enfin et pour ne citer que ces responsables politiques, l�ex-ministre d�Etat, ministre de l�Int�rieur rappelait, lors d�un d�bat � l��cole polytechnique d�El-Harrach et en pr�sence de l�ex-ministre de l�Energie : �Il faut savoir que nous sommes d�j� dans le peack-oil, c�est-�-dire ce moment o� les r�serves commencent � diminuer. L��puisement a commenc�.� Ajoutons que le conseil de r�gulation de l��lectricit� et du gaz vient de publier un rapport dans lequel il tire la sonnette d�alarme sur nos d�ficits pr�visibles en gaz � l�horizon 2017 : si on continue la politique actuelle d�exportation de cette ressource, nous ne pourrons pas satisfaire nos propres besoins vers 2017/2018. Toutes ces remarques suscitent bien �videmment des questions cruciales qui tardent � �tre prise en charge par ceux l�-m�mes qui signalent la gravit� de la situation si rien n�est entrepris rapidement. Pourquoi, diable, l��conomie alg�rienne n�arrive-t-elle toujours pas � entrer dans ce fameux �apr�s-p�trole�, � se diversifier et � participer activement, productivement � l��conomie mondiale ? Pourquoi n�arrive-t-on pas � construire une �conomie dynamique, productrice de richesses et d�emplois, une �conomie qui exploite son �norme potentiel pour rejoindre rapidement le groupe des �conomies �mergeantes ? L�Alg�rie a bien s�r un probl�me d�institutions, c�est-�-dire de r�gles � respecter, de comportements � acqu�rir par les acteurs de l��conomie, de valeurs � suivre. Il y a aussi un probl�me d�organisation du syst�me �conomique et de choix clair � arr�ter entre �tatisme, �conomie de march� �libre et ouverte� ou �conomie mixte alliant Etat et march� selon le bon principe �autant d�Etat que n�cessaire, autant de march� que possible�. Il faut bien reconna�tre que l�Alg�rie n�a pas encore d�cid� de l�option � suivre une fois pour toutes et que nous assistons tant�t � quelque ouverture, tant�t, au contraire, � un bonapartisme o� l�Etat est omnipr�sent. Mais il y a surtout la question du r�gime de croissance � d�finir et � mettre en oeuvre. Poursuivre dans la voie actuelle faite de d�pense publique abyssale d�investissements d��quipements financ�s par l�Etat, de redistribution et transferts sociaux n�est �videmment pas soutenable sur le moyen/long terme. Les ressources ne sont pas illimit�es et il faudra bien allumer les autres moteurs de la croissance que sont l�investissement productif, la consommation (le march� int�rieur) et les exportations (hors hydrocarbures). Ce que devrait �tre notre nouveau r�gime de croissance Une croissance �conomique robuste et durable ne peut se r�aliser qu�en se fondant d�abord sur le march� int�rieur. La crise �conomique mondiale actuelle nous le rappelle avec brutalit�. Ceci ne signifie pas qu�il faut tourner le dos aux exportations mais celles-ci, pour se d�velopper, supposent r�gler les contraintes de comp�titivit� qu�on ne peut d�passer que sur un d�lai assez long (la remarque est encore plus valable pour l�Alg�rie). Dans notre pays, un march� int�rieur existe et s�est construit difficilement dans le sillage des efforts consid�rables d�investissements, notamment industriels, r�alis�s dans les ann�es 70 (les deux plans quadriennaux notamment) et d�une salarisation massive de la force de travail. Il faut cependant souligner qu�aujourd�hui : 1/ Ce march� se r�duit de plus en plus 2/ Ce march� est capt� par les produits import�s par manque de comp�titivit� de la production nationale et par les effets de la rente qui favorise plus l�importation que la production nationale (syndrome hollandais). Il faut ajouter que ce r�tr�cissement du march� int�rieur n�est pas compens� par quelque march� d�exportations puisque celles-ci sont insignifiantes. Probl�me = comment reconstruire notre march� int�rieur ? Les choix �conomiques de ces deux derni�res ann�es s�inscrivent bien dans une tentative de r�ponse � cette question : encadrement des importations, mise en oeuvre de mesures d�une politique de pr�f�rence nationale, politique de redistribution et de transferts sociaux, politique d�emplois aid�s favorable � la consommation. Le gouvernement semble avoir opt� pour le protectionnisme, le patriotisme �conomique comme on dit aujourd�hui. On doit rappeler que la reconstruction du march� int�rieur peut se faire par deux voies. 1/ En contexte d�ouverture �conomique, pour produire leurs effets, les aides de l�Etat n�ont de sens que si la bataille de la comp�titivit� est gagn�e par nos entreprises pour que la production nationale puisse pr�server ses parts de march� et en gagner de nouvelles face � la concurrence des importations. On voit bien que cette voie est pour l�instant impraticable pour notre pays tant notre retard dans les domaines de la performance et de la comp�titivit� est grand. 2/ La seconde voie est celle du protectionnisme et de la pr�f�rence nationale. C�est la voie dans laquelle semble s�engager le gouvernement : encadrement des importations, pr�f�rence nationale (favoriser les entreprises nationales dans la course aux march� publics), revalorisation salariale et transferts sociaux, mon�tarisation des emplois aid�s�) Cette voie (protectionnisme et pr�f�rence nationale) ne peut pas constituer une politique d�avenir mais seulement une solution d�attente. Une telle voie, en contexte de mondialisation de la production et de l��conomie bride l�efficacit� de nos entreprises et �touffe la comp�titivit� de notre �conomie. De plus, investissements publics financ�s par l�Etat, redistribution et transferts sociaux supposent l�existence de ressources financi�res illimit�es et p�rennes. Ce qui, �videmment, est loin d��tre le cas chez nous. Cette voie est donc insoutenable financi�rement. On voit bien que le probl�me n�est pas simple : poursuivre dans l�ouverture sans comp�titivit� va produire d��normes d�g�ts dans le tissu �conomie nationale. Revenir au protectionnisme � l��re de �l�industrie naissante� va nous endormir (soporifique) et nous faire oublier que nos capacit�s de financement bas�es strictement sur les hydrocarbures sont limit�es, et plus limit�es qu�on ne le croit (�puisement des ressources d�une part mais surtout augmentation rapide de la demande nationale en hydrocarbures pour nos propres besoins) d�autre part. Aujourd�hui, plus qu�hier encore, il s�agit pour nos d�cideurs d��tre tr�s vigilants face au �pi�ge de la rente p�troli�re�. Sans aller jusqu�� consid�rer nos hydrocarbures comme une mal�diction, il faut rester vigilants quant au pouvoir soporifique du p�trole. Tout cela a �t� maintes fois dit et �crit y compris par le pr�sident de la R�publique ou le Premier ministre. Aujourd�hui, il faut progresser dans le �comment faire�. Le nouveau r�gime de croissance pour l�Alg�rie. Deux directions : 1) reconstruire le march� int�rieur. Cinq s�ries de mesures sont � mettre en oeuvre. a/- encadrer les importations en distinguant celles n�cessaires au fonctionnement de l�outil de production et celles qui concurrencent cette production nationale b/- stimuler la consommation en facilitant les cr�dits � la consommation des produits nationaux (si vous achetez national vous avez acc�s aux cr�dits de consommation) c/- soutenir l�investissement priv� national PME/PMI d/- stimuler la politique de salarisation de la force de travail et poursuivre dans les programmes d�emplois aid�s. e/- poursuivre dans la politique redistribution et de transferts sociaux. La seconde s�rie de mesures doit aider � sortir sur les march�s ext�rieurs La reconstruction du march� int�rieur ne doit pas se faire au d�triment d�une politique soutenue d�exportation hors hydrocarbures. Celle-ci ne peut se concevoir sans une politique r�solue d�attractivit� (� l�oppos� de la d�marche actuelle vis-�-vis des IDE). Pour devenir exportatrice, notre �conomie doit : a/- attirer de plus en plus d�investissements directs �trangers (IDE) b/- d�velopper une strat�gie de partenariat externe priv� national � priv� �tranger, public national � priv� �tranger. c/- d�velopper des programmes de r�alisation de joint-venture avec des champions r�gionaux et mondiaux. Si on pouvait �tre bref dans un domaine o� la simplification est � �viter, on pourrait tenter de r�sumer le programme en deux s�ries d�actions : 1/- Revenir � l�industrialisation par substitution d�importation 2/- Pr�parer s�rieusement l��conomie � engager la dure bataille des exportations hors hydrocarbures. La t�che n�est pas simple mais elle est r�alisable et largement � notre port�e.