Le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, a fait, hier mercredi, le déplacement de Benghazi où il a été accueilli à l'aéroport par son homologue Adelhadi Haouij. Il doit avoir une entrevue avec le maréchal Khalifa Haftar. Cela confirme le choix de l'Algérie pour une diplomatie active, après une longue éclipse, avec comme doctrine le règlement pacifique des conflits par le dialogue. Cette initiative revêt toute son importance dans le nouveau contexte de la crise libyenne ces dernières semaines. Si la Conférence de Berlin du 19 janvier dernier n'a pas répondu aux attentes des uns et des autres, les deux protagonistes du conflit ayant campé sur leurs positions respectives, l'espoir d'une évolution pour le traitement de la crise qui dure depuis 2011 semble de mise. En effet, mardi à Genève (Suisse), lors d'une rencontre improbable, les représentants militaires de haut rang ont négocié, bien que de façon indirecte, sous les auspices de l'émissaire spécial de l'ONU, Ghassan Salamé. Le comité mis en place aura permis – et c'est un pas dans le rapprochement inter-libyen – de transformer la trêve décrétée le mois dernier à Moscou (plusieurs fois violée au demeurant) en cessez-le-feu durable et permanent. Il reste, bien entendu, que soient précisées les clauses de cet accord susceptible de constituer une plate-forme sérieuse de travail pour des négociations de paix complètes et définitives. Ainsi, l'option militaire est rejetée vu son caractère désastreux et surtout non productif. Sabri Boukadoum se trouve donc conforté par le choix d'une solution politique à la crise prônée par l'Algérie ,qui balise le terrain pour une réunion inter-libyenne à Alger. Comme prélude à cette rencontre fondamentalement historique si elle a lieu, les autorités algériennes balisent le terrain. La capitale a vu la réunion des ministres des Affaires étrangères des pays voisins de la Libye qui ont conclu au rejet de toute intervention étrangère et ont appelé à privilégier la solution politique. Bien que Fayez El-Serraj, le président du Gouvernement d'union nationale, ait refusé d'y prendre part, une dynamique certaine est enclenchée. A Brazzaville (Congo), c'est le même état d'esprit qui a prévalu avec la réunion du 8e Sommet du comité de haut niveau sur la Libye, dans le cadre de l'Union africaine (UA). Objectif: organiser, au cours de cette année 2020, une «conférence interlibyenne de réconciliation» sur la base d'une feuille de route. Lors de la Conférence de Berlin, le Président Abdelmadjid Tebboune a tenu à rappeler que, dans la crise libyenne, l'Algérie se tient à «équidistance» entre les deux parties en conflit, car Alger reçoit aussi bien les envoyés de Fayez El-Serraj que les émissaires du maréchal Khalifa Haftar. A ce propos, une forte délégation ministérielle allant de l'économique au militaire) a eu à débattre, le 11 janvier passé, avec ses vis-à-vis algériens à Zeralda, ville côtière dans la banlieue ouest d'Alger. Pour Sabri Boukadoum, cela est un atout à mettre à profit dans son déplacement à Benghazi, car il faut vaincre la méfiance du maréchal qui soupçonne l'Algérie de partialité. Serait-ce alors le dégel indispensable pour amener les frères ennemis à profiter de toutes ces prédispositions à une paix véritable ? Sabri Boukadoum, en Monsieur bons offices, n'ignore pas aussi les dernières manœuvres allemandes tendant à une bis repetita de la Conférence de Berlin. Qu'est-ce qui fait courir la chancelière Angela Merkel qui a chargé pour ce faire son chef de diplomatie Heiko Mass ? Il est vrai que le pétrole libyen attise les convoitises. Quoi qu'il en soit, Alger, avec ses pairs africains, active pour une solution interlibyenne. Et que la crise ne soit pas le creuset des luttes extérieures par Libyens interposés… interminables ! C'est sans doute ce langage qu'aura certainement Sabri Boukadoum avec ses pairs libyens. Brahim Taouchichet