L'avancée de l'ANL est incontestable au Fezzan Si son porte-parole Ahmed al Mismari tente d'enfoncer le clou, c'est de bonne guerre mais derrière al Serraj demeurent, encore et toujours, les mêmes forces qui l'ont accueilli à Tripoli et rien n'indique qu'elles sont prêtes à ouvrir les bras à Khalifa Haftar. Alors que les trois pays voisins de la Libye tenaient le 5 mars dernier une réunion pour évaluer les progrès accomplis en vue d'une sortie de crise, c'est Abou Dhabi qui a défrayé la chronique avec une nouvelle rencontre, fin février, «sous l'égide des Nations unies» entre Fayez al Serraj et Khalifa Haftar enfin d'accord sur le «principe» de la tenue des élections prévues par l'agenda du représentant onusien Ghassan Salamé. Ce faisant, les Emirats arabes unis ont signifié que leur rôle de médiateur clé dans le conflit libyen ne saurait être ignoré, d'autant qu'ils soutiennent ouvertement depuis plusieurs années déjà le maréchal Haftar considéré comme incontournable dans la recherche d'une solution. L'avancée de l'armée nationale libyenne autoproclamée dans la région du Fezzan où elle se heurte épisodiquement à des milices alliées du gouvernement d'union conduit par al Serraj a donné des ailes au maréchal Haftar qui n'ignore rien des difficultés traversées par son rival à Tripoli où la contestation a carrément fait place à une fronde en bonne et due forme. C'est ce qui rend encore plus surprenant cet «accord» sponsorisé par les Emiratis, surtout que les deux hommes ont convenu de mettre «fin à la période de transition» et d'agir de concert pour la convocation de la Conférence nationale de dialogue interlibyen censée aboutir à l'adoption d'un projet de Constitution. Or, il y a un hic et un hic de taille: le Conseil suprême des tribus et villes libyennes accueillera lui aussi, fin mars, dans la ville de Syrte, une conférence consacrée au dit dialogue interlibyen. Y participeront, dit-on, des représentants du GNA de Fayez al Serraj, du Haut Conseil d'Etat, de la Chambre des représentants présidée par Salah Aguila, de l'ANL de Haftar et des villes et milices de Misrata et Zintan auxquelles s'ajouteront des délégations de Toubous, Touaregs et de la milice salafiste des Brigades de défense de Benghazi. Il s'agit visiblement de la même conférence à laquelle pense Ghassan Salamé et qu'il a annoncée, sans trop de détails, à Abou Dhabi. Reste que la situation particulière du maréchal Haftar dont l'armée avance laborieusement aussi bien au Fezzan que dans la région frontalière tchadienne où il compte déloger les groupes rebelles pour le compte du président tchadien Idriss Déby n'incite pas à un optimisme excessif quand on connaît les sentiments hostiles des dirigeants de Misrata et Zintan ainsi d'ailleurs que des Brigades de défense de Benghazi à son encontre. En d'autres termes, c'est rechercher un mariage de la carpe et du lapin et ce n'est sans doute pas le fait d'un Fayez al Serraj en grandes difficultés qui donne à croire en un triomphe annoncé du turbulent maréchal. Si son porte-parole Ahmed al Mismari tente d'enfoncer le clou, c'est de bonne guerre mais derrière al Serraj demeurent encore et toujours les mêmes forces qui l'ont accueilli à Tripoli et rien n'indique qu'elles sont prêtes à ouvrir les bras à Khalifa Haftar avec une chaleur équivalente. A ceux qui pensent avoir prouvé leur rôle «décisif» par le seul fait de cette rencontre inopinée entre deux hommes dont les rapports sont tout sauf cordiaux et qui souffrent l'un comme l'autre d'un déficit chronique de légitimité auprès de plusieurs parties prenantes de la crise libyenne, il convient de rappeler que ni Tripoli ni Benghazi ne suffisent, hélas, à entraîner toute la Libye dans la dynamique d'une solution consensuelle et que l'unique méthode, préconisée par l'Algérie et, avec elle, la Tunisie et l'Egypte, consiste à laisser le soin à toutes les factions sans exclusive de réussir un dialogue politique inclusif avec pour souci majeur de sortir le pays de la crise et de garantir l'intégrité et la souveraineté du peuple libyen, envers et contre tous les appétits.