Le plaidoyer du procureur du tribunal de Sidi-M'hamed, qui a défendu les manifestants du mouvement populaire et exprimé son adhésion aux mots d'ordre du Hirak en faveur de l'indépendance de la justice, relance la crise au sein de l'institution judiciaire et la tension entre la tutelle et les magistrats. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Au lendemain de son plaidoyer, le procureur du tribunal de Sidi-M'hamed, Mohamed Belhadi, a été convoqué par l'Inspection générale du ministère de la Justice pour une audition suite à son plaidoyer en faveur de l'indépendance de la justice et des manifestants du mouvement populaire. Cette convocation a été fortement dénoncée et condamnée, hier, par le Club des magistrats algériens, dont le procureur de Sidi-M'hamed est membre. Les membres du Club des magistrats algériens, en voie de constitution, ont salué la plaidoirie «historique» du procureur, considérant, dans un communiqué, que «le geste de l'Inspection générale du ministère de la Justice est susceptible de perturber le processus devant instituer une justice indépendante». Pour eux, l'acte de la tutelle est une menace pour les magistrats intègres et une atteinte au principe de la Constitution ; un acte qui consacre la dépendance du pouvoir judiciaire et l'emprise de l'exécutif qui affiche une volonté de faire peur aux juges et de réprimer leur droit à l'expression. Le Club des magistrats soutient que la bataille que mène la nouvelle génération des juges est inspirée de la révolution populaire pacifique, expliquant que « c'est une bataille pour la consécration de l'indépendance de la justice du ministère de tutelle et de toutes ses structures autoritaires qui craignent le mouvement des jeunes magistrats qui expriment librement leurs avis concernant les questions relatives à l'indépendance de la justice. Ces structures voient en ce mouvement une menace pour leur existence». Défendant le procureur de Sidi-M'hamed, le Club des magistrats algériens a qualifié sa convocation de «dérive dangereuse» et demandé l'indépendance du parquet pour l'éloigner des humeurs des ministres et de leurs intérêts personnels. «Ce qu'a fait Mohamed Belhadi n'est pas un précédent qui nécessite un interrogatoire au niveau de l'Inspection générale du ministère de la Justice», a affirmé le syndicat non encore agréé qui dénonce, en outre, «de nombreux dépassements et de terribles pressions» exercées ces derniers temps par le ministre et ses services sur les magistrats «dans l'objectif de casser toute tentative d'expression et de demande d'indépendance et de dignité (de la justice)». Au début de la semaine, 20 manifestants arrêtés lors du 48e vendredi de mobilisation populaire à Alger ont été présentés devant le juge du tribunal de Sidi-M'hamed. Le procureur Mohamed Belhadi s'est distingué par une sortie totalement inattendue, défendant les manifestants et demandant leur acquittement. «Les Algériens marchent résolument vers une nouvelle Algérie où la justice sera libre et indépendante. Ils scandent des slogans dans ce sens. C'est pourquoi, je prends mes responsabilités, en tant représentant du ministère public, et je refuse toutes les instructions et les injonctions venant d'en haut. En vertu du principe de l'indépendance de la justice, je demande l'application de la loi au profit de ces personnes. Le parquet demande l'acquittement», avait-il lancé. Il a été auditionné le lendemain au ministère de la Justice. K. A.