Comme prévu, le tant attendu procès de Karim Tabbou s'est tenu dans un climat tendu, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du tribunal de Sidi-M'hamed. Le porte-parole de l'Union démocratique et sociale (UDS) s'est défendu de toutes ses forces, rejetant en bloc les accusations dont il fait objet. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - En détention à la prison de Koléa (Tipasa), depuis le 26 septembre 2019, et poursuivi pour « atteinte à l'unité nationale », « incitation à la violence » et « atteinte au moral de l'armée », Karim Tabbou n'a montré aucun signe de faiblesse en se présentant à son procès, sous escorte des éléments de la Gendarmerie nationale. Ses parents et sa femme sont arrivés tôt dans la matinée pour assister à ce procès hautement politique. Submergée par le nombre de personnes voulant assister au procès, la police a fermé les portes d'entrée, filtrant les passants. Ne sont autorisés à y accéder que les membres de la famille, les avocats et les journalistes. Même les hommes politiques et les députés ont éprouvé de la peine pour arriver à la salle d'audience. Quelques personnalités à l'instar de l'ancien détenu le moudjahid Lakhdar Bouregaâ, le coordinateur de l'instance présidentielle du FFS, Ali Laskri, qui seront rejoints dans l'après-midi par le président du RCD, Mohcine Belabbas, ont pris place dans la salle, attendant le début du procès. La défense de Karim Tabbou a été assurée par un collectif de plusieurs avocats ,et on distinguait bien dans la salle Mostefa Bouchachi, Noureddine Benissad et Mokrane Aït Larbi. Entouré par plusieurs gendarmes, Karim Tabbou est entré en dégageant de l'assurance, avec un large sourire qui n'a pas quitté son visage. Il était très ému en saluant son père, âge de 84 ans, et en embrassant sa femme, autorisée à le rapprocher, et en observant l'assistance dont ses nombreuses connaissances. A l'ouverture de la séance par la juge, un avocat de la défense a relevé les violations de procédure et dénoncé la détention provisoire en montrant son illégalité. Il a demandé l'application du principe de l'exception d'inconstitutionnalité de la procédure. Intervenant, le procureur de la République a demandé l'application de la loi avant que la juge ne lève la séance pour examen de la demande de la défense. Quelques minutes après, la séance reprend et la juge rejette la requête. Et commence l'audition de Karim Tabbou. Il commencera son intervention par un verset coranique en récitant sourate El Bakara. Avant d'enchaîner : « Je suis heureux et triste à la fois (…) Je suis surpris par les accusations qui ne sont basées sur aucune preuve. Je rejette ces accusations dans le fond et dans la forme », a-t-il lancé avant que la juge ne l'interrompe en lui demandant de ne pas évoquer les questions politiques et de répondre en tant que citoyen et non en tant qu'homme politique. Cette demande suscite la protestation des avocats qui ont exigé qu'on le laisse s'exprimer, alors que les cris des centaines de manifestants parvenaient à la salle d'audience.Tabbou reprend la parole après un profond soupir. « Je suis militant politique et poursuivi en tant que tel, et non en tant que simple citoyen. Il est impossible de traiter une affaire politique de manière administrative », a-t-il expliqué. Il a dénoncé les conditions de son arrestation et le traitement subi chez les services de sécurité et en prison. Il a révélé qu'il a été approché avant le 12 décembre pour présenter sa candidature à l'élection présidentielle, mais qu'il avait refusé. Karim Tabbou, qui avait également demandé au juge d'interrompre le procès pour écouter l'adhan (l'appel à la prière), revient sur son parcours politique dès son jeune âge, affirmant qu'il était impensable pour lui de porter atteinte à l'unité nationale alors qu'il a défendu cette unité à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. Il a indiqué qu'il a appris le sens de l'unité nationale avec des géants politiques en citant Hocine Aït Ahmed, lorsqu'il était le premier secrétaire du FFS. La juge l'interrompt à nouveau pour le ramener aux accusations qui concernent Tabbou le citoyen. « Karim Tabbou est indissociable de la politique et ce procès est politique », a-t-il répliqué, en revenant sur le contexte de son arrestation. Il a ajouté que « la vraie atteinte à l'unité nationale, c'est quand le tribunal de Sidi-M'hamed condamne les porteurs de l'emblème amazigh et le tribunal de Bab-el-Oued les acquitte ». Karim Tabbou s'est défendu ensuite contre l'accusation de l'incitation à la violence, soulignant qu'il a toujours prôné la non-violence. Il a défendu ses positions politiques, expliquant que dès lors que l'ancien chef de l'armée faisait des discours politiques, il était de son droit d'homme politique de réagir et de donner son avis. Et de s'interroger pourquoi ceux dont les avis sont favorables et ceux qui incitaient à la violence, le racisme et la haine parmi les partisans du pouvoir n'étaient pas inquiétés. Le procès s'est poursuivi jusque tard dans la soirée d'hier mercredi. K. A.