Entretien réalisé par Ilhem Tir Faute de médicament spécifique contre le Covid-19, le traitement est aujourd'hui principalement celui des symptômes. Le professeur Chader Henni, pharmacologue, enseignant à la Faculté de médecine d'Alger, et responsable du service de pharmacologie au Laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques (LNCPP), explique les principales pistes explorées en Algérie et à travers le monde et qui se reposent particulièrement sur des antiviraux, en plus du protocole de l'hydroxy- chloroquine validé par le ministère de la Santé. Le Soir d'Algérie : Le traitement antipaludéen adopté en Algérie a fait ses preuves dans certains pays, notamment en Chine. Qu'en est-il au juste ? Pr Chader : Il ne s'agit pas de traitement mais d'un protocole thérapeutique qui est en essai clinique et qui n'est pas encore validé entièrement. Pour réaliser un essai clinique, il faut 100 patients. Ce qu'on reproche aux experts chinois, c'est le manque de transparence dans leurs études, car ils n'ont pas communiqué tous les détails et les mécanismes sur leur approche. La Chine a validé à très haut niveau le protocole à la chloroquine mais tout de même, il y a d'autres essais qui se font en parallèle, en associant la chloroquine à Lopinavir et le Ritonavir , deux anti-infectieux et antiviraux. C'est l'une des pistes retenues dans l'urgence pour lutter contre l'infection au Covid-19 et dont les résultats sont bons. Pour ce qui est de l'équipe de l'infectiologue marseillais le Pr Didier Raoult, il n'a travaillé que sur 24 patients uniquement, mais dans ces conditions, on ne peut pas se permettre le luxe d'élargir le cercle des tests bien qu'il ait publié le vendredi 27 mars des résultats d'une nouvelle étude tendant à prouver l'efficacité du médicament. Y a-t-il d'autres pistes de traitements ? Effectivement, il y a plusieurs essais qui sont lancés actuellement : les essais qui se font en Chine, aux Etats-Unis, en Europe et à Cuba. Les Cubains sont en train de tester l'interféron (protéine naturelle de la classe des cytokines qui sont capables de stimuler des cellules immunitaires, c'est-à-dire une molécule qui intervient sur l'immunité), en association avec le traitement standard. L'interféron est utilisé en raison de son efficacité prouvée contre différents virus aux caractéristiques similaires, et de son potentiel pour améliorer les conditions respiratoires. Le médicament cubain a suscité l'intérêt de plusieurs pays pour contrer les effets et la propagation du Covid-19. Quels sont les protocoles de traitement du Covid-19 utilisés jusqu'à présent ? Pour ce qui est des protocoles de traitement du coronavirus utilisés actuellement dans le monde, il y en a 4 en tout : 1- L'antiviral, le Remdésivir, plus le traitement standard (ce qui se fait en réanimation). 2- L'association des antiviraux lopinavir/ritonavir, plus le traitement standard. 3- Lopinavir-Ritronavir associé à l'interféron ajouté à la thérapie standard. 4- Le protocole expérimenté de l'hydroxychloroquine en association avec le traitement standard, soit celui du Pr Didier Raoult. Lequel est adopté en Algérie ? Le protocole adopté en Algérie s'est inspiré des travaux du Pr Didier Raoult qui se base sur le traitement standard plus l'hydroxychloroquine. Il s'agit du protocole qui a été validé par le comité d'experts, sous la direction générale de la prévention au ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière pour la prise en charge du patient Covid-19 et qui est entré en vigueur le 23 mars dernier. Y a-t-il des recherches lancées en Algérie ? Absolument. Des essais cliniques se font actuellement en milieu hospitalier, les médecins et professeurs algériens ne sont pas restés statiques et à attendre uniquement ce que font les autres ailleurs. On est en train de penser à introduire une troisième molécule et on envisage même d'emboîter le pas aux autres chercheurs. Qu'est-ce que la chloroquine ? Et l'hydroxychloroquine ? Y a-t-il une différence ? La chloroquine est une molécule avec laquelle sont conçus des traitements préventifs et curatifs contre le paludisme, tels que la Nivaquine et qui n'est plus systématiquement prescrite seule, car elle est jugée inefficace dans certaines régions du monde. L'hydroxychloroquine (commercialisée sous le nom de Plaquénil) est l'un des dérivés de la chloroquine, utilisée contre certaines maladies auto-immunes. Il faut préciser qu'on parle de l'hydroxychloroquine car elle est 2 à 3 fois moins toxique que la chloroquine dont la toxicité reste modérée. Le ministre délégué à l'Industrie pharmaceutique a indiqué que l'hydroxychloroquine est produite localement et en quantité suffisante, confirmez-vous ? Absolument, et au niveau du Laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques (LNCPP), nous avons procédé dernièrement à un contrôle approfondi de l'hydroxychloroquine produite par un laboratoire algérien, le CPCM Pharma en l'occurrence et ce, en quantité astronomique. Quelles recommandations faites-vous en tant que pharmacologue ? J'insiste pour dire que l'hydroxychloroquine est un produit qui doit être utilisé uniquement en milieu hospitalier. Il ne doit pas être mis en vente libre au niveau des pharmacies. La molécule possède des propriétés anti-inflammatoires et antivirales, ce qui a motivé le feu vert du ministère de la Santé pour la prescrire, mais sous surveillance médicale. Le collège des experts du ministère a d'ailleurs interdit de le prodiguer aux patients souffrant d'insuffisance cardiaque, de tension artérielle ou de pathologies oculaires. Votre message pour les citoyens … Il faut absolument respecter le confinement et les gestes d'hygiène et rappeler l'importance des mesures-barrières, pour éviter la propagation du virus, se laver régulièrement les mains avec l'utilisation d'une solution hydroalcoolique, éternuer dans son coude ou encore utiliser des mouchoirs à usage unique, décontaminer les chaussures. Les autorités locales doivent s'impliquer aussi par un nettoyage régulier de la chaussée. Cette opération doit être quotidienne. I. T.