La pandémie de Covid-19 pourrait constituer une opportunité pour des pays émergents afin de réfléchir à l'idée d'une nouvelle vision économique, telle l'Algérie qui s'est retrouvée dans une situation extrêmement vulnérable en raison de sa dépendance des hydrocarbures. Invité de la rédaction de la Chaîne 3 de la Radio nationale, hier, Mohamed-Cherif Belmihoub, professeur et analyste en économie, comme pratiquement tous ses pairs depuis des années, a plaidé pour une nouvelle vision de l'économie en Algérie, d'autant que la crise qui a cours depuis le début de cette année a montré encore une fois que ce sont les pays comme l'Algérie, les pays en développement producteurs de pétrole, qui subissent avant tous les autres les contrecoups de la pandémie ayant causé la chute des marchés. Une nouvelle vision économique s'impose en Algérie d'autant, a-t-il relevé, que le pays a de nombreux atouts en disposant d'infrastructures industrielles importantes, d'une position géostratégique et géopolitique enviable, et d'un marché viable avec sa population de 42 millions d'habitants. Toutefois, a observé le professeur Belmihoub, l'Algérie n'est pas le seul pays à paraître vulnérable à cause de cette pandémie ; les flux de marchandises de par le monde se sont rétrécis à cause de la propagation du virus, touchant ainsi toutes les économies. En fait, selon l'expert et analyste en économie, la situation causée par la pandémie se caractérise par plusieurs éléments. Ainsi, s'il est établi que l'économie est mondialisée, d'un autre côté, les gouvernances sont locales, territorialisées, alors «la mondialisation est économique mais pas politique». L'autre caractéristique relevée de cette crise c'est que le capitalisme financier a pris ses distances avec le capitalisme industriel, le premier s'est considérablement développé et le second dans une moindre mesure. Puis, il y a cette caractéristique qui montre que les chaînes de valeur mondiales se sont éclatées sur plusieurs pays, plusieurs marchés, et ainsi aucune gouvernance nationale n'arrive à contrôler l'ensemble des processus, ce qui, selon Mohamed-Chérif Belmihoub, crée les situations de crises actuelles et provoque un retour vers les Etats, un retour vers le souverainisme même. «La crise actuelle n'est pas purement économique, elle est d'abord sanitaire et chaque Etat s'occupe de ses propres citoyens. Et là, les Etats se sont rendu compte qu'en voulant prendre en charge leurs citoyens, ces pays se sont retrouvés démunis en ne pouvant pas mettre à la disposition des populations tous les produits indispensables parce que ces produits on les ramenait d'autres pays», a constaté l'invité de la Chaîne 3 qui ne croit pas, toutefois, que l'on est en train d'assister à la fin d'un système. Un système qui a, entre autres, induit la crise du marché pétrolier. Ce dernier, a-t-il expliqué, a toujours été «singulier», avec ses crises cycliques à l'instar de l'actuelle, sur laquelle il s'est étalé en axant sur le différend entre la Russie et l'Arabie Saoudite, un duopôle qui, comme dans tous les marchés ainsi caractérisés, finit par «tuer la valeur», c'est-à-dire que cela ne sert aucune des deux parties en conflit, et par ricochet les pays qui animent ce marché, dont l'Algérie «un petit producteur» qui se retrouve dans une situation très fragile en raison de la structure de son économie, dépendante de ce marché. A partir de là, s'offre à l'Algérie l'opportunité de revoir son orientation économique et, ainsi, mieux capitaliser les atouts dont elle dispose pour ce faire. Azedine Maktour