Peu compétitive, peu diversifiée, dépendante des hydrocarbures, l'économie nationale a été fortement hypothéquée par le financement non conventionnel. La seule alternative de sortie de crise ne peut être que la transformation de la structure de l'économie algérienne, qui doit passer par une nouvelle gouvernance économique qui tranchera les questions de stratégie économique et d'allocation des ressources et de la nature des politiques publiques. C'est ce qu'a indiqué, hier, Mohamed-Cherif Belmihoub, professeur d'économie et de management, lors de la première édition "Des débats du forum", consacrée à la conjoncture économique actuelle du pays. Pour le professeur Belmihoub, "c'est une perspective de long terme". Il invite à ne pas se focaliser sur la loi de finances et son hypothèse spéculative sur le prix du pétrole de référence et sur les réserves de changes. L'économiste constate qu'aujourd'hui on continue à penser encore que l'Algérie sera sauvée de la crise parce que le prix du pétrole est en train d'augmenter. "Il n'y a pas pire hypocrisie que celle-là", déplore-t-il, relevant que la conjoncture est plutôt défavorable, avec un prix du pétrole qui tourne autour de 58 et 60 dollars le baril. Ce qui n'est pas de nature à donner de l'espoir. Le professeur Belmihoub indique que depuis l'indépendance l'économie algérienne fonctionne sur les mêmes logiques. Elle est caractérisée notamment par une sphère publique de plus en plus étendue, un secteur des hydrocarbures dominant et une régulation non par le marché et la concurrence, mais par la dépense publique. Cette dernière est à faible impact sur la croissance durable, injuste (les subventions créent une inefficacité re-distributive), improductive (faible productivité des facteurs), génératrice de relations informelles, de prédation et de comportements déviants. Le professeur Belmihoub évoque, également, un secteur privé naissant, encore vulnérable, non autonome, dépendant lui aussi de la sphère publique et des politiques publiques distributives et non incitatives. M. Belmihoub souligne que l'économie était déjà fragile et très vulnérable avant le mouvement populaire. Elle est peu compétitive, peu diversifiée, dépendante des hydrocarbures et, depuis deux années, fortement hypothéquée par le financement non conventionnel qui a dépassé toutes les normes admises (un tiers du PIB, 60% du budget de l'Etat). Des pistes de travail Pour autant, le professeur Belmihoub relève quelques motifs d'optimisme. "Les possibilités de redressement économique existent", estime-t-il, suggérant, entre autres, une politique de substitution aux importations, l'entrée dans les chaînes de valeur mondiales (CVM) sur des segments bien ciblés et pour lesquels il faut préparer les opérateurs nationaux et les IDE et l'insertion dans l'économie mondiale par la nouvelle économie. "Il est encore prématuré de parler de la nature du modèle économique à préconiser pour l'Algérie et des arbitrages économiques avant de traiter les questions structurelles qui peuvent être présentées en termes d'équations à résoudre", estime M. Belmihoub. Ce dernier évoque la nécessité d'une gouvernance capable de faire des arbitrages sur certaines questions qui sont la clé de la transformation de la structure de l'économie nationale. L'expert évoque trois équations qu'il faudra traiter. La première concerne le statu quo ou les réformes. Quelle est la marge de manœuvre dans la mise en œuvre des réformes structurelles sans remettre en cause la cohésion sociale ? La question des subventions implicites ou explicites est au cœur de cette équation. La deuxième équation concerne l'équilibre entre la compétitivité et la justice sociale. La troisième équation porte sur rôle de l'Etat versus marché. Comment passer du budget au marché ? "Les termes de ces équations ne sont pas tous de nature économique, au contraire ils renvoient à des considérations politiques, sociales et sociétales et même idéologiques", estime M. Belmihoub. De la convertibilité du dinar Pour sa part, Farid Bourennani, expert en ingénierie financière et stratégies de croissance des entreprises, milite pour la convertibilité du dinar. "Si le dinar était convertible, tous les délits de surfacturation n'auraient jamais existé", soutient-il. L'expert relève que dans le contexte actuel de crise, les entreprises sont impactées, alors qu'elles ne sont pas responsables. M. Bourennani évoque une réaction de panique des dirigeants des banques publiques qui ne veulent prendre aucun risque. De l'autre côté, les banques à capitaux étrangers, sur injonction de leurs maisons mères pour protéger leurs comptes d'exploitation, ont rompu toutes les lignes de crédit. L'expert propose la création d'un fonds de garantie, en mettant à contribution l'Etat, qualifié de "pyromane". L'expert indique, à juste titre, que l'entreprise, en difficulté ou pas, est un patrimoine de toute l'Algérie. Meziane Rabhi