Par Boubakeur Hamidechi [email protected] � partir de la semaine qui d�bute, il sera le sujet primordial. Le je�ne du Ramadan est devenu un moment privil�gi� au cours duquel se croisent les pr�ceptes religieux et la tension sur la consommation. Pour les m�mes raisons et avec une ponctualit� jamais d�mentie, la mosqu�e et l�Etat rivalisent dans une sordide surench�re. Dans la p�riph�rie du culte, l�on pr�chera alors la vertu de la charit� tandis que la communication officielle mettra en avant les bienfaits de sa politique d�entraide, celle qui a pour d�nomination g�n�rique �solidarit� nationale�. En somme, r�f�rence th�ologique et d�marche sociale pr�tent � confusion. La similitude dans la justification en est frappante. Car, les deux mettent en avant l�existence de la mis�re et de la pauvret� sur lesquelles l�on a omis de se pencher les 11 mois pr�c�dents ! Aussi choisit-on � l�occasion de se d�douaner et de se faire pardonner au nom d�une hypersacralisation du car�me. Mois b�ni de la palabre, aussi n�est-il pas justement propice aux r�quisitoires lorsque ceux-ci font de l�ind�cence des proc�d�s d�aide (le couffin du Ramadan) leur sujet ? C�est que la r�p�tition annuelle de l�op�ration, en surchargeant � l�exc�s la signification de cette p�riode de d�votion, choque d�sormais le bon sens au lieu de le faire adh�rer � la valeur basique de la spiritualit�. Une irritation ressentie comme une insulte toutes les fois o� l�intervention des pouvoirs publics se contente de la s�quence religieuse et de surcro�t �tablissent leurs bilans globaux � partir de l�exceptionnelle r�gulation alimentaire qui en d�coule. Cela est d�autant plus visible qu�ils en ont fait une strat�gie p�renne alors que dans les faits ils sont contraints au rattrapage � travers le subventionnement de la pauvret� qu�ils n�ont jamais su, justement, contenir dans les limites du tol�rable. De plus, en revendiquant une sorte de monopole du �c�ur� en cette p�riode, l�Etat aggrave son cas. Une posture d�magogique qui a fatalement son envers. Celui qui est illustr� par son absence tout au long de l�ann�e jusqu�� l�obliger � n�gocier une bonne conscience au moment o� le sacr� est de retour. Par le fait m�me que l�Etat devienne le dispensateur de l�aum�ne ne rend pas meilleure sa vision, bien au contraire. Car il n�y a, en principe, pas de charit� de l�Etat mais seulement l��quit�. Celle qui lui intime le devoir de promouvoir une justice et une p�r�quation de la richesse afin de ne pas fragiliser le tissu social et provoquer les fractures. Or tant que les couffins du Ramadan existeront, ils demeureront la preuve dont l�Etat n�agit pas dans le sens souhait�. Dans un pays en butte � la spirale du ch�mage, entre autres, faire de la chorba de Ramadan ou bien du modeste panier de l�gumes secs les parades � des� faims souvent ant�rieures au je�ne religieux, est politiquement improductif. Face aux attentes sociales de plus en plus pressantes et complexes, les r�ponses ne sont-elles ailleurs que dans cet assistanat saisonnier ? La charit�, m�me lorsqu�elle est bien ordonn�e et convenablement destin�e, n�est pas en soi une volont� politique dans ce domaine mais stupidement de la fuite en avant. De la m�me mani�re que le concept mouvant de la solidarit� ne doit pas avoir pour corollaire exclusif ce d�testable secourisme alimentaire. En termes �conomiques, la solidarit�, lorsqu�elle est l�affaire de l�Etat, renvoie essentiellement � un devoir de r�gulation. Celui qui consiste � r�duire les �carts flagrants entre les nantis et les �clop�s �conomiques. En somme, socialiser la richesse globale de la soci�t� au lieu de recourir aux tapageuses op�rations de ce genre et qui de surcro�t prennent fin les lendemains de car�me. Quitte � susciter le courroux des d�vots et en m�me temps d�noncer l�inefficacit� de l�interventionnisme du pouvoir, comment peut-on �tre s�r que la charit� des uns et la solidarit� de l�autre participent � l�am�lioration de la condition de nos milliers de pauvres ? S�rement non, car il ne nous semble pas indiqu� que les r�seaux mis en place durant seulement un mois, f�t-il sacr�, soient la bonne riposte � la mis�re. Peut-on faire injure � Dieu et la foi, tout autant qu�aux d�munies, en imposant des distinguos entre les jours �sans� et les autres �propices� aux bonnes �uvres ? Autrement dit, pourquoi cette d�votion exacerb�e, trente jours durant, pousse-t-elle � son tour l�Etat � agir uniquement dans ces moments ? Ainsi, lorsque le politique estime qu�il y a toujours des dividendes � tirer des �saisons de la foi�, l�on est en droit de s�interroger sur sa v�ritable capacit� � conduire les affaires de la cit� sans recourir � l�exorcisme religieux. Inutile donc de rappeler que seul Dieu et les mis�reux reconna�tront les leurs apr�s le Ramadan. Pour lors, il s�agira de je�ner � l�ombre de la mosqu�e et du palais, lesquels, pour la m�me cause, dresseront la me�da du f�tour� et adresseront leur pri�re du Maghreb afin d�agr�er leur bonne intention.