Reportage réalisé par Rym Nasri La plupart des personnes atteintes par le SARS-COV-2, responsable de la pandémie de Covid-19, ont du mal à «avouer» leur maladie, à étaler leur souffrance sur la place publique. Parfois par pudeur, souvent par souci de garder l'anonymat. Mais quand elles s'en sortent indemnes, dans cette guerre contre le virus, elles célèbrent presque leur victoire. Il est vrai qu'elle est le fruit d'une longue résistance. Mis en quarantaine en établissements hospitaliers, ces malades vivent avec l'angoisse en permanence. Entre la crainte de perdre le combat contre la maladie et le poids de l'isolement, les sentiments s'entremêlent. Seule l'amélioration de leur état de santé, mais aussi et surtout la disponibilité et la bienveillance du personnel soignant procurent du réconfort. Toujours hospitalisés à l'Etablissement public hospitalier (EPH) Brahim-Abdellah-Tirichine (ex-Faubourg) de Blida, épicentre de la contamination du nouveau coronavirus en Algérie, des patients mis sous oxygène témoignent pour le Soir d'Algérie. «J'étais le premier cas dans mon douar» Il a 79 ans et habite avec sa femme et ses enfants à Oued-el-Alleug, dans la wilaya de Blida. Noureddine est alité à l'EPH Faubourg depuis le 30 mars 2020. Il est sous assistance respiratoire mais, par chance, il est tiré d'affaire. «Il revient de loin !», confie l'infirmière du service où il est admis. Selon elle, le vieil homme, qui souffre déjà d'une hypertension, stressait beaucoup à son arrivée et ne mangeait plus. Une situation qui a justement compliqué davantage son cas. Noureddine se bat contre le coronavirus depuis plus d'une vingtaine de jours. Aujourd'hui, sa santé s'améliore mais le simple fait de parler l'épuise. Sa voix est faible et ses phrases sont entrecoupées de profondes respirations. Malgré son état de fatigue extrême, il a tout de même accepté d'apporter son témoignage. «Ça a commencé avec une immense douleur à la poitrine. Je pensais que c'était de l'angoisse et j'ai demandé à mon fils de m'emmener à l'hôpital pour me faire ausculter», raconte-t-il. Arrivé à l'hôpital Faubourg, le septuagénaire est soumis à un scanner thoracique. Les résultats sont positifs. Il est atteint du Covid-19. Son hospitalisation est immédiate. D'ailleurs, il fait partie des premiers patients atteints de cette maladie admis dans cet établissement de santé. «Je suis le premier à être contaminé dans mon douar à Oued-el-Alleug. Je me demande comment j'ai attrapé ce virus. Pourtant, je ne sortais pas de la maison. Mes seules sorties se limitaient à aller faire la prière à la mosquée», dit-il. Suite à l'hospitalisation de Noureddine, tous les membres de sa famille ont été soumis à un scanner pour vérifier s'ils n'ont pas été contaminés. «Dieu merci, personne d'entre eux n'a eu cette maladie», constate-t-il avec soulagement. Ses prières vont aussi au personnel soignant. «A tous ces médecins et infirmiers qui ont pris des risques et sont restés à nos côtés, je les remercie du fond du cœur», dit-il. «Je pensais faire une allergie au pollen» Testée positive au Covid-19, Mimi, 51 ans, est hospitalisée depuis le 12 avril 2020. Ses supplices avec cette maladie ont commencé dix jours avant son admission à l'EPH Brahim-Abdellah-Tirichine. «Je sentais une pression à la poitrine mais je ne me suis pas inquiétée plus que ça. Je croyais que c'était une allergie due au printemps, puisque je suis asthmatique et je ne supporte pas le pollen. A aucun moment, je n'ai pensé au coronavirus», se rappelle-t-elle. Recours donc à son habituel traitement contre l'allergie, mais la quinquagénaire ne voit pourtant pas d'amélioration. Pis encore, son état de santé s'aggrave de jour en jour. Au bout de dix jours, son mal l'a carrément mise à terre. «Quand mon fils a vu que mon état ne cessait de se dégrader, il m'a emmenée à la polyclinique où on m'a orientée vers l'hôpital Frantz-Fanon à Blida pour passer un scanner», poursuit-elle. C'est cette radio qui a révélé qu'elle avait des lésions spécifiques au Covid-19. Sans tarder, elle est transférée vers l'hôpital où elle séjourne actuellement. Elle est arrivée avec des douleurs à la poitrine, des difficultés respiratoires, des courbatures et de la fièvre. Aujourd'hui, elle va beaucoup mieux. «On m'a placée sous oxygène et donné un traitement. Là, je commence à me rétablir», dit-elle. Contrairement aux autres locataires du service, Mimi a eu droit à une visite de la part de son fils unique. «Mon fils est venu me voir une fois. Comme il est sapeur-pompier, il a pu accéder, mais il portait une camisole et un masque pour se protéger de cette maladie. Ça m'a vraiment fait chaud au cœur, mais je lui ai demandé de ne plus revenir. Je ne veux pas qu'il soit en contact avec ce virus et qu'il tombe malade», précise-t-elle. A la maison, Mimi n'est pas la seule victime du coronavirus. Son mari qu'elle soupçonne de l'avoir contaminée, et son beau-frère, âgé de 70 ans, sont, eux aussi, atteints de cette maladie mais ne présentent pas de graves symptômes. Confinés chez eux, les deux hommes poursuivent leur traitement à domicile. «C'est certainement mon mari qui nous a ramené ce virus. Il sort beaucoup. Tantôt pour faire les courses, tantôt pour voir ses amis. Normal, il est retraité et s'ennuie à la maison», explique-t-elle. «Je ne voulais pas croire que j'avais attrapé ce virus» Yamna, 68 ans, a vu la mort en face. Cumulant plusieurs pathologies chroniques : diabète, hypertension et problème cardiaque, elle est sous oxygène à l'EPH Faubourg, depuis le 9 avril 2020. C'est chez elle à Oued Djer, à l'ouest de Blida, qu'elle tombe malade en début avril. L'infection au Covid-19 s'est d'abord manifestée comme «une grippe sévère». À la toux, au mal de gorge et aux douleurs pulmonaires, s'est succédé la fièvre. «Je toussais et j'avais mal à la poitrine puis j'ai eu de la fièvre», témoigne-t-elle d'une voix faible. Convaincue d'avoir une grippe, la sexagénaire se contente de prendre du paracétamol contre la fièvre et beaucoup de tisanes avec du miel et du citron. Seulement, son état s'est dramatiquement détérioré. Une semaine plus tard, elle se retrouve dans un état patraque : violentes quintes de toux, forte oppression respiratoire et fièvre élevée. Le coronavirus l'envoie en urgence à l'hôpital. «Je ne voulais pas croire que j'avais attrapé ce virus. Je me suis dit que ce n'était pas possible puisque je ne sors pas. J'habite chez ma fille et c'est mon gendre qui s'occupe des courses et de tout ce dont nous avons besoin à l'extérieur», dit-elle. Aujourd'hui, la vieille femme sent une nette amélioration. «Je suis encore un peu fatiguée mais je vais mieux. Je n'ai plus de douleur et je respire plus facilement.» Mais la peur d'avoir contaminé ses proches la hante tout le temps. «Je me soucie beaucoup pour ma famille et mes filles. Elles m'appellent tous les jours au téléphone pour prendre de mes nouvelles et je leur demande, à chaque fois, si personne n'a eu ce virus. Elles ne cessent de m'assurer que tout le monde va bien, mais c'est plus fort que moi !», glisse-t-elle. Affichant sa gratitude au personnel soignant, Yamna tire son chapeau aux médecins et infirmiers qui ont pris soin des malades. «Ils se sont tous bien occupé de nous. Que Dieu les préserve», conclut-elle. «J'ai eu très peur» Encore fragile, Sid Ali fait le point sur son état de santé. Ce père de famille de 51 ans est sous oxygénation à l'EPH Brahim-Abdellah-Tirichine (ex-Faubourg), depuis le 12 avril 2020. Il déclarait les premiers symptômes du Covid-19 quelques jours auparavant. Le scanner thoracique lui détecte des lésions spécifiques à ce virus.Conscient de sa contamination, il déserte sa maison à Mouzaïa, où il vit avec sa femme, son garçon de 4 ans et sa fille d'un an et demi, et va s'installer chez ses parents à Blida. «La maison parentale est grande, ce qui m'a permis de m'isoler dans une chambre afin de ne pas contaminer le reste de la famille», explique-t-il. C'est d'ailleurs pour la même raison qu'il a «abandonné» sa petite famille à Mouzaïa. Atteint de diabète, Sid Ali va vite avoir des complications respiratoires. Il était à mille lieues d'imaginer que cela pouvait lui arriver. «J'avais d'abord des douleurs très aiguës à la poitrine puis des difficultés à respirer», se souvient-il. Admis en urgence à l'hôpital, son taux de glycémie est resté instable durant plusieurs jours. «Je stressais beaucoup. Je n'ai pas l'habitude de fréquenter les hôpitaux et cette maladie dont on ne connaît rien fait bien peur», dit-il. Selon lui, son métier de transporteur de marchandises y est pour beaucoup dans sa contamination. «Je livre des produits alimentaires aux commerces et je suis souvent en contact avec les clients», souligne-t-il. Poursuivant son traitement à la chloroquine, ce père de famille se sent à présent sauvé. «Quand je suis arrivé à l'hôpital, j'ai eu très peur de ne pas revoir mes enfants. J'ai traversé une période très douloureuse et stressante. Aujourd'hui, je me sens mieux. Le plus dur est passé.» D'ailleurs, il ne perd pas espoir et espère quitter l'hôpital le plus tôt possible. «J'ai hâte de me rétablir totalement et de rentrer chez moi passer le Ramadhan en famille. Mes enfants me manquent beaucoup, je ne les ai pas vus depuis plusieurs jours», dit-il tout ému. Ry. N. Périple d'une malade atteinte du Covid-19 Le coronavirus est un cauchemar mais l'hospitalisation d'un malade atteint de ce virus peut désormais s'avérer un périple. Karima raconte comment l'admission de sa mère, contaminée au Covid-19, n'a pas été une mission facile. «A son réveil le matin, ma mère souffrait de douleurs à la poitrine et d'essoufflement. Elle avait également une toux persistante», se souvient Karima. La soixantaine bien entamée, Djamila est transportée en urgence au CHU Beni Messous, mais elle est vite refoulée. «Ma mère était très mal en point mais à l'hôpital, on nous a expliqué que seules les personnes atteintes du coronavirus sont retenues», rapporte sa fille. Pourtant, les symptômes que sa mère présente sont spécifiques au Covid-19. La sexagénaire rentre bredouille chez elle. Atteinte de diabète, cette pathologie ne joue pas en sa faveur. Deux jours plus tard, son état de santé ne s'améliore toujours pas. «C'est mon amie qui m'a conseillée de ne pas retourner à l'hôpital et d'emmener ma mère dans une structure de santé de proximité», dira Karima. En effet, à la polyclinique de Staouéli, à l'ouest d'Alger, la patiente a été bien prise en charge. Elle a eu droit à une perfusion, puis à des prélèvements sanguins , ensuite à un scanner thoracique. Le dernier examen a montré qu'elle était positive au Covid-19. Elle est ainsi orientée vers le CHU Beni Messous où elle a été enfin hospitalisée le 18 avril dernier. Ici, Karima et son père ont été vite soumis à un test de dépistage. Les autres membres de la famille, qui étaient en contact avec la malade, ont, quant à eux, essuyé un refus catégorique au CHU. «Vous n'avez pas de signes de la maladie», leur répond-on. «C'est insensé ! », estime Karima. De cette façon, poursuit-elle, «une seule famille pourrait bêtement contaminer toute une wilaya !». Ry. N.