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La guerre des labos contre l'hydroxychloroquine
Publié dans Le Soir d'Algérie le 27 - 05 - 2020


Par Maâmar Farah
[email protected]
Ce débat ne nous concerne pas : la Big Pharma a sauté sur l'étude publiée par Lancet pour étriller le professeur Raoult et son choix de la chloroquine dans le traitement de l'épidémie de Covid-19. Cela ne nous concerne pas parce que notre décision doit rester souveraine. Jusqu'ici, et dans un choix éclairé et responsable, nos autorités médicales ont opté pour la moins mauvaise des solutions en décidant de traiter massivement les malades par un protocole où la chloroquine est omniprésente. La moins mauvaise, disons-nous, en tenant compte de l'absence de remède reconnu mondialement comme efficace à 100% contre le coronavirus et du retard pris dans l'invention d'un vaccin.
Dès l'apparition de la pandémie, nous avions compris que la question de la chloroquine n'était plus un débat scientifique parce qu'elle portait les germes d'un conflit entre des médecins honnêtes et ceux qui sont liés aux laboratoires. Le professeur Raoult fut, d'emblée, attaqué par les représentants des grandes marques qui voyaient dans son protocole un danger pour leur business. La chloroquine, utilisée sans problème depuis 70 ans, est un produit à bas prix et disponible partout. Ce choix n'arrangeait pas les affaires des labos. Attaquée de toutes parts, la chloroquine fut pourtant encensée par des pays comme l'Algérie puis, plus tard, par le Maroc, avant de s'imposer partout dans le monde.
Des solutions nationales
D'emblée, nous invitions nos experts et professeurs en médecine à ne pas faire cas de ces débats franco-français et de continuer à proposer des solutions nationales en toute indépendance de la décision scientifique. La chloroquine a donné de bons résultats en Algérie et nous ne voyons pas pourquoi il faut interrompre son utilisation.
Oui, il y a l'OMS et, surtout, cette étude dans une revue scientifique de prestige, Lancet. Pour l'Organisation mondiale, ballottée entre les intérêts contradictoires des grandes puissances et franchement désavouée au cours de cette pandémie, cette prise de position étonne parce qu'elle prend position pour les intérêts financiers d'une minorité d'entreprises pharmaceutiques dominant le marché mondial. On en saura plus dans les prochains jours ou semaines.
Et puis il y a Lancet ! C'est une revue très suivie par le milieu médical parce que réputée pour le sérieux de ses publications. Mais, contrairement à d'autres publications indépendantes qui n'ont pas les faveurs de la profession ou des médias mainstream, The Lancet est financée par la grande pharmacie qui intervient dans la vie médicale pour imposer ses produits, même lorsque le malade n'en a pas besoin.
Et il serait peut-être important d'écouter M. Horton, éditeur de la revue himself, qui a déclaré que certaines études n'étaient pas fiables, quand elles ne sont pas complètement frauduleuses et mensongères. Cité dans le site «criigen.org» dans son édition du 6 juillet 2016, M. Horton déclare : «Une grande partie de la littérature scientifique, sans doute la moitié, pourrait être tout simplement fausse. Affligée d'études avec des échantillons réduits, d'effets infimes, d'analyses préliminaires invalides, et de conflits d'intérêts flagrants, avec l'obsession de suivre les tendances d'importance douteuse à la mode, la science a pris le mauvais tournant vers les ténèbres.»
Tests truqués
Et le site de commenter : «Horton dit carrément que les grandes compagnies pharmaceutiques falsifient ou truquent les tests sur la santé, la sécurité et l'efficacité de leurs divers médicaments, en prenant des échantillons trop petits pour être statistiquement significatifs, ou bien, pour les essais, embauchent des laboratoires ou des scientifiques ayant des conflits d'intérêts flagrants, ils doivent plaire à la compagnie pharmaceutique pour obtenir d'autres subventions. Au moins la moitié de tous ces tests ne valent rien ou sont pires. Les médicaments ayant un effet majeur sur la santé de millions de consommateurs, ce trucage équivaut à un manquement criminel et à de la malversation.» (fin de citation)
Nous verrons plus loin pourquoi l'étude sur la chloroquine fait partie de ces publications que dénonce M. Horton. Pour le professeur Raoult, grand partisan du médicament sujet des controverses, «cette nouvelle étude s'est basée sur du Big Data qui est une fantaisie délirante». «Les chercheurs, dit-il, ont pris "des données dont on ne connaît pas la qualité, qui mélangent tout, qui mélangent des traitements dont on ne sait pas quelle est la dose qu'on a donnée". Et d'opposer à cette étude qui a utilisé 96 000 dossiers de patients, la sienne, basée sur un échantillon "réel" de 40 00 malades. "Et les résultats ont été probants''», explique Didier Raoult.
Plus proche de nous, l'épidémiologiste et infectiologue marocain, le Pr Jaâfar Heikel, directeur général d'une clinique privée associée volontairement à la lutte contre l'épidémie, vient de mettre les points sur les «i» en relevant le caractère aléatoire de l'étude publiée par Lancet qui s'éloigne des normes en la matière. Relevant cinq limites d'un point de vue méthodologique et épistémologique de cette étude, il a présenté les résultats qu'il a lui-même obtenus avec ce protocole. Résultats qui ne sont pas loin de ceux réalisés par ses collègues algériens.
Attention, ce n'est pas une étude clinique !
«Attention, précise-t-il, il faut bien comprendre que ce n'est pas une étude clinique mais une analyse de registres (informatisés) de données de différents hôpitaux et pays. C'est évidemment une publication importante qu'il faut considérer pour ce qu'elle vaut ni plus ni moins». Donc, pour lui, il «faut attendre la publication de la grande série mondiale, celle de Raoult et celles d'autres équipes de différents pays, basées vraiment sur la recherche clinique et thérapeutique et non pas sur l'analyse de données de dossiers informatisés».
Puis, le Pr Jaâfar Heikel en vient aux limites de cette publication
1. Les médecins ayant réalisé cette étude «ne peuvent associer la mortalité au traitement car ils n'ont pas d'autres informations sur les morbidités cardiovasculaires ou certains facteurs de risques».
Et d'expliquer qu'«en effet, lorsque certaines caractéristiques cliniques n'étaient pas informatisées (mais reportées) sur les registres (manuels), les auteurs ont considéré qu'elles étaient absentes chez le patient !» «Ceci est une hypothèse qui de facto biaise dans une certaine mesure l'analyse pronostic.»
2. Pour le professeur casablancais, les rédacteurs de l'étude n'ont pas «mesuré le segment QT (segment représentant la dépolarisation myocardique sur le tracé de l'électrocardiographe (ECG))».
3. Le Pr Heikel signale que les malades concernés par l'étude «sont de continents différents et avec des souches virales différentes (plusieurs variantes existent de virulence différente probablement, et en Afrique, c'est encore plus vrai)».
4. «Les posologies et les durées de traitement différentes».
5. «Plusieurs auteurs dont le principal reconnaissent être payés ou recevoir une rémunération ou des fonds par des laboratoires ou autres entreprises.»
Le professeur Heikel souligne que toute étude statistique a besoin, d'un point de vue méthodologique et épistémologique, d'être vérifiée par des faits et des essais cliniques avec des données de protocoles identiques (stade maladie, posologie et durée de traitement approprié).
Cela voudrait dire que les millions de personnes (atteintes du) Covid-19 qui ont pris l'hydroxychloroquine ont guéri spontanément ou par autre chose». Il cite enfin sa «propre expérience» : «Honnêtement, je ne peux parler que de mon expérience avec 3.200 patients dans la région de Casablanca en coordination avec la Direction régionale de la santé.» «Nous avons 94,3% de guérison, 5,7% de cas graves dont 2,8% de létalité. Par ailleurs, [nous avons enregistré] 0,8% d'effets indésirables sérieux et 12% d'effets indésirables mineurs. Et ça, ce sont des faits même si, évidemment, nos patients sont en moyenne plus jeunes (45 ans) et que nous traitons tout cas positif qui a été dépisté même asymptomatique.»
«Pratique courante»
D'autres voix critiquent cette étude qui aurait été financée par de grands laboratoires, ce qui est une pratique courante. Un professeur en médecine s'étonnait récemment que je m'étonne de ce que les médecins soient invités à des symposiums de promotion de certains médicaments par des laboratoires qui payent billet d'avion, séjour dans des hôtels 5 étoiles et choix de destinations mythiques. C'est une pratique courante et admise par tous, m'apprend-il. Pourtant, j'ai fouillé un peu et j'ai découvert que ces médecins devaient, en retour, prescrire des médicaments bien précis et ne jamais recourir à la liste des concurrents. Avec le concours des délégués médicaux chargés de faire de la publicité pour ces produits, le corps médical se transforme parfois — pas toujours et pas chez tous nos praticiens — en agent commercial des sociétés pharmaceutiques.
Les laboratoires, qui ont plus d'un tour dans leur sac, semblent avoir pris toutes leurs dispositions pour contrôler les ordonnances : «Ces médecins ont-il bien prescrit nos médicaments ?» N'ayant pas une confiance absolue en les praticiens, certains labos parmi les plus puissants ont réussi à installer des applications sur les ordinateurs des cabinets médicaux pour bien contrôler que ce sont leurs produits qui ont été choisis par les médecins !
La revue Lancet, qui se trouve au centre de ces affaires brassant des milliards de dollars, ne peut échapper aux filets d'un dispositif tournant essentiellement autour de l'intérêt matériel. Et même si la revue peut prétendre à sa neutralité scientifique et à son intégrité morale, qui nous dit que ses rédacteurs n'ont pas été soudoyés ? C'est une pratique qui ne disparaîtra jamais ! Peu de gens savent que deux très grands professeurs ont reçu 49 000 dollars (une fortune pour l'époque), dans les années cinquante, pour signer une étude incriminant exclusivement les matières grasses comme aliments favorisant les maladies cardiovasculaires et ignorant totalement l'effet du sucre. L'industrie des sodas sucrées, comme Coca ou Pepsi, des crèmes glacées et de la confiserie s'était mobilisée pour que le glucose ne soit pas cité !
Cacophonie
Les milieux parisiens, peut-être plus que tous leurs confrères des autres capitales, ont sauté sur l'occasion pour noircir l'équipe du professeur Raoult. Nous ne sommes pas experts en la matière et nous laisserons au développement de l'actualité la sentence finale, mais il nous semble opportun de relever quelques points dont certains ont été relevés par le professeur Heikel. A voir la manière dont les télés d'info françaises évoquent ce sujet délicat, on a l'impression d'assister à un pugilat ou plus exactement à la curée ! Et dans cette cacophonie, certaines voix s'élèvent pour appeler à la raison et montrer la voie à suivre dans pareils cas.
Il est relevé d'abord que le professeur Raoult avait bien précisé, et il le répète à chaque fois, que la chloroquine doit être donnée à l'entrée du malade à l'hôpital, dès les premiers signes de la maladie. Il a toujours souligné que les effets du médicament sont nuls si on l'administre dans les cas graves. L'IHU Méditerranée-Infection a toujours signalé que ce traitement est efficace lors des phases précoces de la maladie (lorsqu'il s'agit de réduire la charge virale) mais «pas dans les phases critiques au cours de laquelle la virémie ne joue plus aucun rôle».
Ensuite, et alors que lui et son équipe travaillent sur le réel, en contact avec les atteints de Covid, comme ses collègues d'Alger ou de Casablanca, l'étude en question se réfère à des statistiques glanées sur des fichiers informatiques dans des hôpitaux situés en divers endroits de la planète et où l'on donne la chloroquine à des malades en fin de vie, c'est-à-dire des personnes qui mourront de toute façon, avec ou sans remède.
Balance bénéfices possibles/risques
Les experts honnêtes disent pourtant que, si la chloroquine ne présente aucun avantage thérapeutique et que ce fait est admis, la «balance bénéfices possibles/risques était suffisamment convaincante pour justifier sa défense avant d'en savoir ». Ils concluent à la mauvaise foi de ces publications qui sont souvent dénoncées par des médecins qui ont collaboré à ces revues et qui les ont quittées avec fracas. L'un d'eux dit clairement : «Il n'est tout simplement plus possible de croire une grande partie des recherches cliniques qui sont publiées, ni de se fier au jugement de médecins de confiance ou à des directives médicales faisant autorité. Je ne prends aucun plaisir à cette conclusion, à laquelle je suis parvenu lentement et à contrecœur au cours de mes deux décennies de travail de rédactrice en chef.»
Et cette terrible sentence : «La profession médicale est achetée par l'industrie pharmaceutique, non seulement en termes de pratique de la médecine, mais aussi en termes d'enseignement et de recherche. Les institutions académiques de ce pays se permettent d'être les agents rémunérés de l'industrie pharmaceutique. Je pense que c'est honteux.» Certains vont plus loin : «Pour les gouvernements (et le gouvernement français en particulier), l'efficacité du traitement de Marseille ouvrirait la porte à des poursuites massives pour non-assistance à personne en danger et même homicide involontaire ou par négligence.» Et il n'y a pas que certains gouvernements qui n'aiment pas ce médicament pour les raisons citées plus haut. Il y a également et surtout l'industrie pharmaceutique, qui a peur de ce produit disponible et pas cher se dressant contre les affaires juteuses qu'elle pourrait tirer d'un nouveau médicament ou d'un vaccin.
En conclusion, et en ce qui nous concerne, nous devons rester en dehors de ces débats et continuer à accorder toute notre confiance à notre corps médical.
M. F.


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