Par Naoufel Brahimi El Mili Un virus encore inconnu, il y a moins d'un an, est devenu, très vite, une grande menace sur la santé publique. Ravageur, le coronavirus s'attaque aussi à l'économie et à tous les pans de la vie sociale, sans distinction de frontières ni de religions. Cette année, le mois sacré du Ramadhan, comme toutes les manifestations et autres grands évènements religieux sont profondément perturbés, et ce, aux quatre coins du monde. Tout naturellement, l'Algérie est touchée par cette tourmente planétaire où aucun pays au monde n'a encore pris des mesures drastiques hormis la Chine, foyer originel du virus. Cependant, l'Algérie avant la France a très vite décidé de la fermeture des écoles. Notre pays est le premier du continent africain à fermer son espace aérien. Se pose le problème des milliers de ressortissants algériens bloqués à l'étranger. Tout un dispositif de rapatriement est mis en place. Le pays, comme tant d'autres, entre dans un confinement qui ne tarde pas à se conjuguer avec le mois de Ramadhan. Il en résulte des détresses souvent détectées par les pouvoirs publics et dont l'action ne se limite pas au territoire national mais bien au-delà. En France, plus particulièrement dans la grande région parisienne, les Algériens, à l'instar des autres habitants, sont affectés. Etudiants, visiteurs de passage dans l'Hexagone, personnes fragiles dont les «chibanis», sont surpris par un inédit confinement. Malgré les rapatriements opérés par les autorités algériennes tant par air que par mer, nombreux sont ceux qui n'ont pu regagner le pays. Commence, dès lors, un Ramadhan particulier dans un climat de sinistrose anxiogène. La vie semble, tout d'un coup, s'arrêter mais pas l'élan de solidarité et de générosité au sein de la communauté algérienne de France, notamment celle de la grande région parisienne. Rien de surprenant. Chaque année, durant le Ramadhan, associations, bénévoles et mécènes se mobilisent pour porter soutien aux moins favorisés mais en ordre dispersé. La nouveauté, cette fois-ci, réside dans l'apparition d'une diplomatie consulaire qui dépasse les missions administratives classiques. Le point culminant de ces actions humanitaires, pour une fois coordonnées, est la «nuit du 27» correspondant au jeudi 21 mai. Le consulat général d'Algérie à Paris devient, pour toute une journée, un incubateur de solidarités. Se présentent aux portes du consulat général de généreux volontaires. Le rez-de-chaussée de cet immeuble devient le point de ralliement des donations de sources nombreuses et variées. Non loin de la place de la Nation dans le 12e arrondissement de Paris, affluent les dons de denrées, au siège du tout nouveau consulat général d'Algérie. De là, ils repartent pour être distribués aux associations et autres récipiendaires dans un large rayon autour de la capitale. Une rotation continue de véhicules privés, venant même de départements limitrophes, assure la répartition de ces donations. Les bénéficiaires ne sont pas que des Algériens. Au préalable, un travail de fond est réalisé par l'administration consulaire pour identifier un grand ensemble de bénéficiaires. Ainsi, des foyers de Subsahariens sont les réceptacles de ces générosités. Certains des ressortissants marocains ne sont pas oubliés. Les clivages nationaux sont aussi dépassés. Il ne faut pas croire que ce haut lieu consulaire soit devenu une banque alimentaire, même le temps d'un jour, car cela occulterait le travail de fond et de terrain entamé depuis de nombreux mois. Autour du consul général, une équipe réduite s'emploie à fédérer moult associations, collectifs et bonnes volontés. L'objectif est de mettre un terme à la dispersion des énergies au sein de la communauté. Le défi n'est pas des moindres. La défiance des Algériens à l'égard de leur administration ne date pas d'aujourd'hui. Seulement, en cette période de confinement et de Ramadhan, les autorités algériennes ne font face à aucun rendez-vous électoral. L'absence de toute arrière-pensée politicienne est convaincante. La détresse de certains provoquée par l'«ambiance-Covid» devrait, en temps normal, pousser au dépassement des clivages idéologiques et autres divergences. Jusqu'à présent, de nombreuses manœuvres, rarement bienveillantes, veulent faire croire qu'en France, la voix du Président Tebboune est quasiment inaudible. Surtout parmi ceux qui refusent de croire en une nouvelle Algérie. Pourtant, les Algériens de l'étranger ne sont pas ignorés par la nouvelle administration. Bien au contraire. Au-delà de la révision du sinistrement célèbre article 51 de l'ancienne Constitution et de la fin annoncée du tabou de la binationalité, l'effort de rassemblement de tous les Algériens est désormais probant et il se tient loin de tout calcul politicien, du moins du côté algérien. Côté français, il en va différemment. La campagne de solidarité initiée par l'autorité consulaire algérienne de Paris est ignorée par la presse régionale de l'Ile-de-France. Alors que la campagne électorale des municipales s'esquisse certes timidement et au moment où certains des candidats d'origine algérienne sont engagés dans cet élan de solidarité, toutes étiquettes politiques confondues. À croire qu'il n'est pas de bon ton d'informer les Franciliens de toute action positive menée par les autorités algériennes, fût-elle humanitaire. De là à faire le lien avec des articles publiés ici et là en France, insidieux à l'égard de l'Algérie, il n'y a qu'un pas… Au-delà du climat complexe qui caractérise les relations franco-algériennes, il est à noter que dans cette nouvelle Algérie qui se dessine, le ralliement de la diaspora algérienne, de par le monde, s'inscrit prioritairement sur l'agenda présidentiel. Il est vrai que l'apport des Algériens de l'étranger pour leur pays d'origine est loin d'être négligeable. Toutefois, de par leur implantation sur des terres plus ou moins lointaines, ils se sont souvent imbibés par des cultures politiques très différentes de celle qui a prévalu en Algérie depuis au moins deux décades. Reste à savoir, au moins à espérer, si le nouveau pouvoir est disposé à intégrer ce type de nouveautés dans son fonctionnement. Rien ne l'interdit. Bien au contraire, l'ouverture de l'Etat algérien pour ses ressortissants résidant à l'étranger, quelle que soit leur nationalité du moment, laisse penser que non seulement le changement des mœurs politiques vient notamment de l'extérieur mais aussi que certains tenants du pouvoir actuel le souhaitent. Sont-ils majoritaires ? Mais ils ont raison. N. B.E.-M.