Qu'en est-il de la circulation du nouveau coronavirus à Tizi Ouzou ? Les nouveaux cas testés positifs à la PCR (PCR est l'acronyme anglais de « Polymerase Chain Reaction», réaction de polymérisation en chaîne, une technique d'amplification enzymatique qui permet, à partir d'un fragment d'ADN, d'obtenir un grand nombre (plusieurs millions) de copies identiques de ce même fragment, constituent-ils le signal d'une nouvelle flambée épidémique ? Des questions auxquelles répond le Dr Ahmed Djadjoua, chirurgien au CHU Nédir-Mohamed et membre du Poste de commandement opérationnel (PCO), un instrument de veille et de suivi de l'épidémie mis en place par l'autorité sanitaire de la wilaya. Dans cet entretien, le praticien revient sur le début de la crise sanitaire et la réaction énergique de tous les acteurs sociétaux et institutionnels face à la menace et fait une lecture des bilans sanitaires et de suivi de l'épidémie qui, selon lui, témoignent d'une situation épidémiologique maîtrisée. Son argument ? Le nombre réduit de cas positifs encore sous traitement au niveau des hôpitaux de la wilaya et la courbe des décès qui n'a pas bougé depuis la fin du mois de mars. « Les principaux foyers de contamination sont asséchés et la circulation du virus est en net déclin », observe, avec satisfaction, le médecin dont le constat repose sur des indicateurs plutôt rassurants qui sont symptomatiques d'une nette amélioration de la situation qui était des plus alarmantes au début de la crise sanitaire, période durant laquelle Tizi Ouzou caracolait, après Blida et Alger, en tête des wilayas qui connaissent des pics inquiétants d'infection. À présent, elle est au milieu du tableau. Elle est devancée par une dizaine de wilayas, selon les derniers pointages établis par le ministère de la Santé et de la Population. Même si de nouveaux cas positifs ont été enregistrés dernièrement et dépistés par la technique de PCR. D'autres indicateurs donnent un éclairage sur l'activité épidémiologique: depuis presque un mois, les admissions aux hôpitaux se font rares. Seule une vingtaine de malades sont encore hospitalisés, notamment à l'EPH d'Azazga et au niveau du CHU de Tizi Ouzou, alors que tous les patients admis dans les autres services dédiés à la prise en charge de la maladie, au niveau des autres établissements hospitaliers de la wilaya, ont été libérés. S. A. M. Dr Ahmed Djadjoua, chirurgien au CHU de Tizi Ouzou et membre du PCO : «Le comportement du virus dépend du nôtre !» Entretien réalisé par Saïd Aït Mébarek Le Soir d'Algérie : Quelle lecture faites-vous de la situation épidémiologique que connaît présentement la wilaya que beaucoup qualifient de stable et de maîtrisée ? Dr A. Djadjoua : Je partage tout à fait ce constat, qui, d'ailleurs, est conforté par plusieurs indicateurs chiffrés tirés de la réalité épidémiologique. Mais avant d'aborder ce chapitre, permettez-moi de faire une rétrospective des événements vécus dès le début de la crise sanitaire et qui, me semble-t-il, expliquent ce que beaucoup considèrent, à juste titre, comme une bonne évolution dans la lutte, dans notre wilaya, contre un ennemi invisible et sournois qui est le nouveau coronavirus. Ces résultats sont, à mon avis, le fruit des efforts conjugués de plusieurs acteurs, qu'ils soient au niveau institutionnel, élus, associatifs et, bien sûr, des soignants ainsi que de tous les personnels hospitaliers. Il faut d'emblée saluer l'implication prompte et volontaire de la population qui, dès le début, a saisi les enjeux, en prenant les devants pour faire face au danger sanitaire qui se profilait à l'horizon. Dès le départ, un quasi-état d'urgence a été décrété dans les villages et même dans les quartiers des villes où des cellules de crise ont été installées et dont le travail, qui était axé sur la sensibilisation, la prévention (auto-confinement, désinfection) et la solidarité, s'est avéré payant. Cette mobilisation a d'ailleurs été unanimement saluée et appréciée à sa juste valeur. Elle est venue en appoint de l'action institutionnelle et du dispositif de lutte et de prévention déployé. C'est, à mon avis, cette synergie qui a permis d'aboutir à ces résultats dont les principaux indicateurs sont satisfaisants et visibles sur le terrain. Beaucoup de chiffres ont été tirés vers le bas, notamment en matière de mortalité dont le taux est heureusement faible (le dernier décès remonte à une vingtaine de jours), assèchement des principales poches actives de contamination, diminution de la pression sur les hôpitaux et du nombre de malades, et l'absence de pression dans les services de réanimation. Les enquêtes épidémiologiques diligentées par les autorités sanitaires ont permis de couper les chaînes de transmission du virus dans pas mal de foyers. Je cite, à titre d'exemple, celui d'Iflissen, dans la daïra de Tigzirt. Tous ces indicateurs constituent une preuve tangible d'une stabilisation et une maîtrise de l'état sanitaire, au niveau de la wilaya de Tizi Ouzou, dont les signes sont apparus depuis la deuxième quinzaine du mois de mai 2020. Dans les bilans sanitaires établis par le ministère de la Santé et de la Population, la wilaya de Tizi Ouzou est passée, en quelques jours, de la 12e à la 15e place dans le classement de contamination par wilaya qui sont au nombre de 48 à être touchées. Alors qu'au déclenchement de l'épidémie, Tizi Ouzou était à la troisième place après Blida et Alger. Une preuve, s'il en faut, que la situation s'améliore. Qu'en est-il des opérations de dépistage ? Ces opérations sont consécutives aux enquêtes épidémiologiques. Elles sont menées par les services de prévention qui ont ciblé les sujets contacts repérés dans les foyers déjà existants. L'objectif est de casser la chaîne de transmission du virus. Ce travail a été fait par des tests rapides qui ont concernés 700 sujets contacts. Il y a eu ensuite le recours au dépistage par la PCR qui est une technique de référence et qui a été entreprise dès la réception des kits dédiés à cette opération qui se poursuit jusqu' à présent. Plus de 250 sujets contacts ont été dépistés à la PCR dont 160 par l'EPH d'Azazga. Le but de cette opération est de diagnostiquer les sujets asymptomatiques et de les isoler. Ces derniers jours, il a été constaté une recrudescence des cas positifs diagnostiqués par la technique PCR. Peut-on parler, dans ces conditions, d'une nouvelle flambée épidémique ? Qu'en est-il de la circulation active du virus ? En effet, cette situation a été constatée (augmentation des cas positifs Covid-19). Parmi ces cas, il y a plusieurs sujets asymptomatiques contacts qui sont des cas positifs actifs, dépistés dans le cadre de l'opération sus-citée (concernant les mêmes foyers existants). Par ailleurs, on a constaté, ces derniers jours, l'émergence de certains nouveaux foyers dont les raisons sont à déterminer afin de les circonscrire et faire barrière à la propagation du virus. Pour cela, je profite de cette occasion pour lancer un appel à la vigilance et éviter toutes formes de relâchement. Pour autant, cette recrudescence ne dénote nullement, pour l'instant, un rebond de l'épidémie. Il faut savoir que les critères d'une reprise de l'épidémie se mesurent en nombre de lits occupés à l'hôpital, de passage en réanimation et en soins intensifs et une mortalité élevée (le dernier décès remonte à plus de quinze jours). Fort heureusement, on n'est pas dans cette configuration. Actuellement, le virus ne circule pas activement comme il l'a été il y a quelques semaines, et de nombreux cas importés ont étaient contactés (personnes travaillant dans d'autres wilayas, rendant visite à leurs familles). Le déconfinement risque d'intervenir dans quelques jours. Que recommandez-vous à la population ? Rester vigilant et ne pas baisser la garde ! Le virus sera toujours là, tant qu'il n'est pas éradiqué dans le monde entier. De ce fait, la cohabitation avec cet ennemi invisible est inévitable. À nous d'adapter notre mode de vie à tous les niveaux par le respect de la distanciation sociale, des mesures barrières et le port de masques. La lutte contre la pandémie n'est pas finie. On doit apprendre à vivre avec ce virus, en adaptant nos habitudes et comportements à cette situation. Le comportement du virus dépend du nôtre. S. A. M.