On ne compte plus le nombre de fois où il a été donné pour mort, tant il est vrai qu'il a été à maintes reprises la cible d'opérations en Algérie, en Kabylie et dans le Grand Sud notamment, et dans des pays voisins, à l'Est, quelque part en Libye, ou dans les vastes contrées juste au-delà de nos frontières au Sud donnant sur le Sahel. L'annonce de la «neutralisation» d'Abdelmalek Droukdel, alias Abou Mosaâb Abdelouadoud (âgé de 50 ans), n'a été faite, par la ministre française de la Défense, que dans la soirée de vendredi alors que le désormais ex-chef d'Al-Qaïda au Maghreb (Aqmi) est tombé mercredi avec quelques-uns parmi ses lieutenants, dont un acolyte répondant au pseudonyme de Djoulaïbib, lors d'une opération menée dans le nord du Mali par l'armée française. L'armée française, engagée dans l'opération Barkhane au Sahel, a donc mis fin à la longue et sanglante cavale d'Abdelmalek Droukdel, celui qui a succédé, durant l'été 2004, à l'éphémère chef du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), Nabil Sahraoui, abattu par l'ANP dans une opération menée à El-Kseur, dans la wilaya de Béjaïa. C'est sous la férule de Droukdel que le GSPC a décidé de faire allégeance à Al-Qaïda pour créer la branche maghrébine de celle-ci, vers la fin 2006, et d'adopter, à l'occasion, un nouveau pseudonyme, très évocateur : Abou Mosaâb Abdelouadoud, puisque faisant référence à son «maître», Abou Mosaâb Al Zarkaoui, le chef d'Al-Qaïda en Irak. En Algérie, Droukdel a voulu, dès son intronisation, faire plus fort que ses deux prédécesseurs en tant que chef suprême des groupes terroristes. Il s'est «illustré» par la conduite d'attentats notamment dans la capitale et un peu plus à l'Est, en Kabylie, où il se serait terré dans les montagnes à cheval entre les wilayas de Tizi-Ouzou et sa voisine Bouira, avant de se faire localiser dans le Sahel vers où Al-Qaïda s'est retournée pour échapper à l'étreinte exercée par les services de sécurité, puis quelque part dans la tourmentée Libye. Ceci au moment où l'autre nébuleuse terroriste, Daesh, faisait son apparition au Maghreb mais sans arriver à supplanter Aqmi, comme le soulignait un des rapports américains sur le terrorisme dans le monde qui mettait en relief «la priorité absolue donnée par le gouvernement algérien à la sécurité des frontières, là où est très fort le lien entre l'activité terroriste, le crime organisé et les narcotrafiquants au Maghreb et au Sahel». Le même rapport du Département d'Etat US qui voyait, dans le cas de l'Algérie, la menace terroriste provenir surtout d'Al-Qaïda au Maghreb de Abdelmalek Droukdel et Al-Mourabitoun de Mokhtar Belmokhtar que de Jund Al-Khilafa, groupe apparu en 2014 et a clamé son allégeance à l'Etat islamique en Irak et au Levant. Selon l'analyse américaine, il ressortait qu'Al-Qaïda au Maghreb a bénéficié de l'incertitude de la situation en Libye et au Mali où était signalé Droukdel avant de disparaître des radars depuis près de trois ans maintenant. La réapparition du désormais ex-chef d'Al-Qaïda au Maghreb on la doit au travers d'une intervention sur une publication djihadiste, en 2017, lorsqu'il étalait, plus prolixe que jamais, les différends entre les siens et l'Etat islamique d'Aboubakr Al Baghdadi qu'il réduisait à «des groupes qui se sont trompés de voie dans le djihad en rééditant les mêmes erreurs que celles commises par les Groupes islamistes armés (GIA) en Algérie». Des erreurs qui, expliquait-il, avaient induit ce qu'il appelait «la perversion du djihad». À travers la même incursion médiatique, Droukdel s'enorgueillissait de l'ampleur prise par les rangs des branches d'Aqmi en Libye, en Tunisie et au Sahel mais reconnaissait la grande désaffection «sur le front algérien en raison d'un long conflit et d'un manque de soutien aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur» pour expliquer le tarissement des filières de recrutement de nouveaux adeptes du djihad en Algérie. C'est donc dans un territoire en ébullition, le territoire sahélien au nord du Mali, où se livrent une guerre sans merci les différents groupes djihadistes, principalement l'Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), affilié à Daesh, et le Rassemblement pour la victoire de l'islam et des musulmans (RVIM), rattaché à Al-Qaïda, que Abdelmalek Droukdel a été définitivement neutralisé, et dont le corps a été formellement identifié, selon un porte-parole de l'état-major de l'armée française qui précisait que « l'opération s'est déroulée au nord de l'adrar des Ifoghas, à 80 km à l'est de Tessalit». Ainsi s'achève une vie dédiée au terrorisme islamiste depuis les maquis afghans à Al-Qaïda au Maghreb en passant par le GIA et son héritier, le GSPC, de triste mémoire pour des milliers d'Algériens. Azedine Maktour