L'indépendance du médiateur — ou «ombudsman» — est une condition essentielle, mais non suffisante, à l'utilité de sa fonction. Les ressources et les moyens conséquents mis à sa disposition assurent l'efficacité de sa mission. surveillance des biens des gouvernants. Dans certains pays, le médiateur est considéré comme étant dans une position sans égale pour procéder à l'examen et au contrôle des déclarations des revenus et des biens des hauts responsables de l'Etat. Indépendant du gouvernement et jouissant d'un haut degré de confiance et d'estime du public ainsi que de pouvoirs d'instruction permettant d'examiner le contenu des déclarations, le bureau du médiateur peut être un instrument efficace et permet ainsi de contourner la nécessité de créer d'autres mécanismes indépendants spécialement pour contrôler les avoirs. Là où ce n'est pas le cas et où un grand nombre de demandes d'information seront vraisemblablement contestées, on a choisi de mettre sur pied un service de médiation séparé pour s'en charger. Accès à l'information. De la même façon, l'office du médiateur est bien placé pour traiter les appels concernant des fonctionnaires qui refusent de procurer au public des renseignements auxquels il a droit. Cela tombe dans le cadre général des fonctions du médiateur lorsqu'il existe une législation spécifique relative à l'accès à l'information. La question se pose de savoir qui doit traiter les plaintes lorsque la loi est en train d'être votée au Parlement. Evidemment, la mise en place d'un médiateur présente certains avantages puisque celui-ci a l'habitude de traiter des informations sensibles. Suivi de la qualité des services publics. Un médiateur peut également contribuer de manière significative à renforcer l'efficacité du gouvernement en fournissant un suivi de la manière dont l'administration remplit ses tâches. Cela est particulièrement important pour les services publics qui aspirent à remplir leurs fonctions dans un mode plus convivial pour les usagers. Les plaintes sont des signaux constituant une source précieuse d'informations pour l'assurance de la qualité. Ce suivi peut revêtir une importance particulière pour les services publics qui détiennent le monopole dans leur secteur et sont rarement exposés à la dynamique du monde extérieur. En bref, le respect des critères de bonne conduite émis par l'office du médiateur peut contribuer à améliorer la rationalité et la légitimité de l'administration. L'indépendance du médiateur est une condition essentielle, mais non suffisante, à l'utilité de sa fonction. Les ressources et les moyens conséquents mis à sa disposition assurent l'efficacité de sa mission. Certains médiateurs n'ont pas le droit de recevoir les plaintes dont pourrait être saisie une cour de justice. D'autres n'admettent une plainte qu'à la condition que le requérant renonce à son droit d'entamer une procédure judiciaire afin d'éliminer l'éventualité de plaintes visant uniquement à recueillir des renseignements utilisés pour une procédure judiciaire ultérieure et afin d'engendrer plus d'éléments de coopération de la part de ministères publics qui, autrement, n'y seraient pas disposés. Le processus de nomination. Tout comme nombre d'autres éléments dans un système de pouvoirs et de contre-pouvoirs, le processus de nomination d'un médiateur est primordial pour instaurer la confiance du public dans cette institution. Si la fonction est remplie par des hommes publics à la retraite ou affiliés à un parti, les chances de succès sont gravement compromises. Par exemple, la législation néo-zélandaise prévoit dans ses lois relatives aux ombudsmen (1975-1996), section 4, l'«interdiction aux ombudsmen d'occuper d'autres fonctions». Un ombudsman ne pourra pas être membre du Parlement ou d'une collectivité territoriale et ne pourra pas occuper de poste de confiance autre que celui d'ombudsman ou poursuivre une activité rémunérée en dehors des obligations de son poste, sans autorisation du Premier ministre dans chaque cas particulier. Durée du mandat. Le poste de la personne nommée comme médiateur exige des garanties légales pour assurer son indépendance. C'est pourquoi une durée de mandat doit être prescrite de façon à ce qu'il soit impossible de relever le médiateur de son poste prématurément. Ou encore, au cas où il serait nécessaire de le révoquer prématurément, les conditions procédurales et matérielles doivent être prévues dans les dispositions légales pour empêcher toute prise d'influence politique ou administrative qui pourrait compromettre le caractère d'indépendance du médiateur. Ressources. Un bureau du médiateur qui ne serait pas suffisamment doté financièrement et en personnel, et qui ne serait pas soutenu par ceux qui l'ont créé ne se ramène à rien de plus qu'une devanture et une façade. Manquant de ressources pour remplir son cahier des charges, c'est souvent uniquement la volonté du médiateur qui pousse le titulaire à conserver son poste. C'est une situation indésirable et une question qui doit être abordée sérieusement dans toute révision du système d'intégrité d'un pays. Accès au médiateur. Le trait distinctif d'un service du médiateur est que les citoyens y ont un accès direct. Ils ne doivent pas passer par le truchement d'avocats ou interpeller leurs élus locaux. La procédure est gratuite et peut se résumer à une simple lettre, sachant que quelqu'un va la lire et en prendre acte. Dans les pays très vastes, la décentralisation du service est nécessaire ainsi que des actions de sensibilisation, y compris des campagnes d'information, des réclames publicitaires (si le budget le permet), des entretiens dans les journaux et des débats radiodiffusés qui sont souvent organisés pour accroître l'accessibilité. En outre, le médiateur doit gagner la confiance des autres départements de l'appareil d'Etat afin de pouvoir opérer plus efficacement. Ces départements doivent être encouragés à considérer le médiateur comme étant accessible et un allié potentiel – un allié qui saura défendre le département et ses responsables s'ils font l'objet de critiques infondées. En revanche, le droit de porter plainte n'a que peu de valeur si l'ensemble de la population ignore qu'elle le possède. L'éducation du public représente une part importante du rôle à jouer par le médiateur et doit donc être financée de manière adéquate. Les mouvements de citoyens devront, le cas échéant, également en faire la promotion. Les mesures d'éducation peuvent prendre la forme de services de consultation rattachés aux activités de proximité. L'accessibilité de la justice est un élément important qui sert à étayer l'intégrité de l'institution du médiateur. Voies de recours. Que se passe-t-il une fois que le bureau du médiateur découvre des actes de mauvaise gestion et de corruption ? Ce bureau fonctionne à partir de l'hypothèse que les responsables de l'Etat donneront suite aux actions correctrices recommandées. Lorsque ces recommandations sont ignorées ou renvoyées aux échelons les plus élevés de la hiérarchie, une culture de la désobéissance se répandra et le médiateur perdra son utilité. La société civile a donc un rôle clair à jouer. Elle doit prendre en compte le rapport du médiateur et faire pression auprès des instances gouvernementales pour que les mesures préconisées soient prises. Le médiateur n'est pas une instance juridictionnelle et ne détient pas de pouvoir permettant de mandater des poursuites. Cela peut paraître étrange, mais il faut se souvenir que le médiateur ne prononce pas d'avis ayant force obligatoire au regard de la loi comme un juge le ferait par un jugement. En fait, le médiateur se prononce sur les conclusions d'une instruction après examen du fond de l'affaire en question. Définir le bien-fondé d'une affaire est infiniment plus vague et intangible. Cependant, le médiateur est guidé par les recommandations qu'il aura émises antérieurement et celles de collègues dans les pays où des dispositifs administratifs et constitutionnels semblables existent. Efficacité. Afin que le médiateur puisse remplir son rôle, il doit être visible du public qui doit avoir confiance en son impartialité et en son mode de fonctionnement. Les décisions prises par le médiateur ne sont, en principe, pas juridiquement contraignantes, ce qui peut donner l'image d'une institution inutile. Lorsque des attributions formelles font défaut, le respect de l'autorité du médiateur et de ses décisions revêt alors une importance primordiale si l'on souhaite qu'elles aient un effet. Cette autorité repose au premier chef sur la qualité du travail accompli : une enquête rapide et minutieuse, des décisions bien circonstanciées et des rapports intelligibles. Un travail de qualité est la condition sine qua non mais ne suffit pas en soi. Pour que le médiateur soit opérationnel en tant qu'institution indépendante, certaines exigences minimales de structures démocratiques sont nécessaires : il doit jouir du soutien politique, du Parlement, du gouvernement, de l'administration et de l'appareil judiciaire ; il doit être doté des ressources nécessaires ; et le public doit être informé et comprendre cette institution et ses fonctions. L'abus de pouvoir ou la mauvaise administration peuvent revêtir diverses formes, par exemple la corruption, le favoritisme, les pots-de-vin, le tribalisme, la dureté, mal renseigner un membre du public sur ses droits, omettre de donner une explication alors qu'il est de son devoir de le faire, user de ses pouvoirs à mauvais escient, négliger de répondre au courrier et causer des retards exagérés dans l'accomplissement d'actes publics. Lorsque l'Etat de droit est vacillant... Le médiateur est sollicité quand l'administration n'arrive pas à réaliser sa mission ou quand la demande d'un citoyen n'est pas satisfaite conformément aux lois en vigueur. Dans une démocratie qui fonctionnerait parfaitement, personne ne verrait l'utilité d'un médiateur. Cependant, lorsque l'Etat de droit est vacillant ou que la bureaucratie prend le dessus, la corruption gagne du terrain. Parmi les acteurs qui luttent contre la corruption, le médiateur peut jouer un rôle face au vide laissé par les institutions concernées tout comme les agences de lutte contre la corruption. Djilali Hadjadj