Les six horribles semaines, qui se sont étalées jusqu'à la fin avril dernier, pour les producteurs et investisseurs, resteront sans doute longtemps dans l'histoire tourmentée du marché pétrolier, mais à la grande surprise des spécialistes, même parmi les plus rompus dans l'analyse «des hauts et des bas» du monde de l'or noir, le prix du baril est remonté beaucoup plus tôt que prévu, comme l'illustre la séance de reprise des marchés, lundi, et la première moitié de la séance d'hier. À 43,89 dollars le baril de Brent de la mer du Nord à 12h30 (heure d'Alger), le pétrole atteignait hier son niveau d'avant la grosse dépression du mois de mars dernier, avant de boucler la même séance de mardi à 42,63 dollars, une baisse induite par les informations faisant état d'une hausse jamais atteinte des stocks d'or noir aux Etats-Unis. Les indices quant à une demande en net regain plus optimistes que ce que font craindre les prémices d'une seconde vague de coronavirus ont fouetté les ardeurs du marché comme le prévoyait l'Agence internationale de l'énergie (AIE) dans son plus récent rapport. Avant le très net rebond de la demande mondiale de pétrole en 2021, selon les prévisions de l'Agence, il est en effet attendu par la même institution une éclaircie pour le reste de cette tumultueuse année. L'AIE se dit moins pessimiste dans son appréciation des effets de la pandémie. Certes, la chute de la demande restera historique, 8,1 millions de barils par jour sur l'ensemble de l'année, mais c'est un demi-million de barils par jour de mieux que ce qui était soutenu dans les perspectives publiées en mai. L'agence relève notamment une reprise plus rapide qu'attendu de la demande chinoise en mars-avril et indienne en mai. Toutefois, à 97,4 millions de barils par jour, la demande devrait rester toujours de 2,4 millions de barils par jour au-dessous du niveau de 2019 «essentiellement en raison de la faiblesse actuelle de la demande pour le carburéacteur et le kérosène», est-il expliqué dans le rapport. De l'optimisme qui succède ainsi à un alarmisme qui, jusqu'à peine quelques semaines, faisait craindre le pire pour les pays producteurs, notamment ceux dépendant presque exclusivement de leurs hydrocarbures, à l'instar de l'Algérie. Des perspectives, les plus récentes donc de l'AIE, qui vont dans le sens de nombreuses analyses dont celle publiée sur le site spécialisé Oil Price par Youssef Alshammari, le P-dg et responsable de la recherche pétrolière du cabinet londonien CMarkits, et ancien chercheur à l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), qui constate que malgré les craintes d'une deuxième vague de Covid-19, les marchés pétroliers ont rebondi la semaine dernière, montrant des signes d'amélioration des fondamentaux alors que l'approvisionnement mondial continue de se resserrer. Le marché se revitalise donc et de nombreuses indications convergent pour soutenir cette éclaircie, selon l'ex-expert de l'Opep qui, entre autres données, avance : «La demande de pétrole se situerait actuellement à près de 90 millions de barils/jour, soit 5 millions de barils/jour au-dessus de nos prévisions précédentes. Les stocks de pétrole américains ont augmenté de 1,7 million de barils selon les derniers chiffres de l'EIA, alors que la production de pétrole aux Etats-Unis s'élève à 10,5 millions de barils/jour, en baisse de 1,7 million de barils/jour sur un an. Les plates-formes pétrolières américaines ont connu une quinzième semaine consécutive de baisse, chutant de 10 plates-formes pour porter le nombre total de plates-formes à 189. Il y a beaucoup de signes positifs pour les marchés pétroliers, avec le retour de l'activité économique dans le monde». Alshammari affirme que les prix du pétrole ont été soutenus par le rapport l'AIE qui a augmenté ses perspectives de demande pour cette année de 0,5 million de barils/jour pour dire tout son optimisme quant à la reprise de la demande pour la suite de 2020 et 2021, ce qui a conduit à un soutien des prix mardi et mercredi derniers. «Actuellement, l'AIE estime que la demande de pétrole chutera de 8,1 millions de barils/jour en 2020, avant de se redresser de 5,7 millions de barils/jour en 2021. En outre, l'AIE s'attend à ce que la production mondiale de pétrole soit fixée à une modeste reprise de 1,7 million de barils/jour en 2021, en supposant un assouplissement des coupes de l'Opep+, une augmentation des approvisionnements de la Norvège, du Brésil et de la Guyane et une reprise soutenue de la production libyenne. L'AIE s'attend également à une baisse de l'offre américaine de 0,9 million de barils/jour en 2020 et de 0,3 million de barils/jour supplémentaires en 2021, à moins que des prix plus élevés ne débloquent de nouveaux investissements dans le secteur du pétrole de schiste», analyse encore l'expert en titre du cabinet CMarkits avant de s'attarder sur le dernier rapport de l'Opep où il est établi que la prévision quant à la demande reste inchangée pour 2020, avec une baisse de 9,1 millions de barils/jour sur un an dont une baisse de 6,4 millions de barils/jour au second semestre qui proviendra principalement des pays de l'OCDE. Pour le deuxième semestre de cette année, le P-dg et responsable de la recherche pétrolière du cabinet londonien CMarkits, et ancien chercheur à l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), s'attend à voir la demande mondiale augmenter à une moyenne de 91,67 millions de barils/jour tandis que l'offre mondiale devrait atteindre 88 millions en moyenne au deuxième semestre. «La hausse continue des prix est cruciale si nous devions voir une augmentation des approvisionnements de l'Opep+ et de l'Amérique du Nord. Nous prévoyons que les stocks aux Etats-Unis et dans l'OCDE resteront au-dessus de la moyenne tout au long du second semestre 2020, ce qui pourrait limiter la reprise des prix dans les mois à venir. Sous réserve du renforcement des activités économiques en Chine, en Inde, aux Etats-Unis et dans la zone euro, nous pensons que les prix continueront de dépasser 50 dollars au deuxième semestre 2020, après avoir atteint en moyenne 43 dollars au troisième trimestre et 49 dollars au quatrième trimestre». Des prévisions qui, faudrait-il le souligner, ont été réalisées avant que le prix du baril de Brent franchisse les 43 dollars, hier et à l'issue de la séance de reprise des marchés, lundi. M. Azedine